Toute L'Europe – Comprendre l'Europe
  • Synthèse

Fiscalité : quelles sont les règles communes dans l’Union européenne ?

Si la politique fiscale est une compétence qui appartient largement aux Etats membres, il existe néanmoins des règles communes au niveau européen.

Plusieurs grands dossiers relatifs à la fiscalité sont actuellement discutés au niveau européen, certains depuis des années
Plusieurs grands dossiers relatifs à la fiscalité sont actuellement discutés au niveau européen, certains depuis des années - Crédits : ridvan_celik / iStock

La politique fiscale au sein de l’Union européenne comprend deux volets. 

La fiscalité directe, lorsque la personne soumise à l’impôt est celle qui la paye, reste principalement la compétence des Etats membres. 

La fiscalité indirecte (la personne qui paye l’impôt n’est pas celle qui en supporte in fine le coût) relève aussi de la compétence de l’UE car elle concerne le marché unique. Elle touche à la libre circulation des marchandises et la libre prestation de services.

A l’échelle européenne, l’adoption d’une législation fiscale requiert l’unanimité des voix des Etats membres au Conseil. Chaque gouvernement dispose donc d’un droit de véto sur tout projet visant à harmoniser le fonctionnement de la fiscalité dans l’ensemble de l’Union européenne.

Quelle politique européenne en matière de fiscalité indirecte ?

Actuellement, la politique fiscale européenne concerne principalement la fiscalité indirecte, car cette dernière peut avoir une incidence sur le fonctionnement du marché unique européen.

Ainsi, pour éviter des différences trop importantes dans les taux de TVA qui pourraient fausser les échanges au sein du marché européen, un seuil minimal de 15 % pour le taux normal existe depuis le 1er janvier 1993. Au-delà de ce niveau, les Etats membres sont libres de fixer le taux de TVA de leur choix. Ils ont également la possibilité de prévoir des taux réduits pour certaines activités ou certains produits et services (culture, presse, vélos électriques…). La directive TVA liste les produits ou activités sur lesquels les Etats membres peuvent appliquer un taux réduit.

La France a par exemple opté pour un taux de TVA normal à 20 % et pratique plusieurs taux réduits : 10 % pour les entrées dans les musées ou la restauration, 5,5 % pour les produits alimentaires, les livres ou encore les billets de cinéma, 2,1 % pour les médicaments remboursables ou la presse.

La règle générale dispose que le lieu d’imposition est le lieu de consommation. Par exemple, si un Allemand achète un canapé à une entreprise française pour le ramener en Allemagne, c’est le taux de TVA outre-Rhin qui s’applique.

Autre point majeur en termes de fiscalité indirecte au niveau européen : les droits d’accise. L’accise consiste en une taxe prélevée sur certains produits en fonction de la quantité vendue ou utilisée. Comme pour la TVA, l’Union européenne a fixé des taux minimaux pour les droits d’accise appliqués par les Etats membres, également afin d’éviter que les échanges au sein du marché unique ne soient faussés.

Les pays de l’UE sont par ailleurs tenus de prélever des droits d’accise sur les mêmes produits et doivent nécessairement les appliquer, notamment concernant l’alcool, les tabacs manufacturés et les produits énergétiques.

Quelle politique européenne en matière de fiscalité directe ?

S’agissant de fiscalité directe, l’UE est également habilitée à légiférer pour garantir le fonctionnement du marché unique et des libertés de circulation qu’il implique.

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a en effet admis qu’une harmonisation en matière de fiscalité directe était possible sur la base de l’article 115 du TFUE. Celui-ci dispose que “le Conseil, statuant à l’unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, arrête des directives pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres qui ont une incidence directe sur l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur”. Des règles européennes existent ainsi pour éviter la double imposition des sociétés, harmoniser la fiscalité de l’épargne ou encore lutter contre la fraude fiscale.

Par exemple, en juin 2016, une directive relative à l’évasion fiscale a été adoptée. Elle vise à empêcher les entreprises de développer des dispositifs hybrides leur permettant de diminuer leurs charges fiscales en profitant des écarts de législation entre les pays (membres ou tiers). Selon ce texte européen, les revenus transférés par les entreprises dans des pays caractérisés par leurs faibles taux d’imposition où elles n’exercent pas d’activité économique réelle doivent être taxés par les Etats membres. Ces règles sont appliquées par les pays de l’UE depuis le 1er janvier 2019.

En 2021, l’Union européenne a imposé plus de transparence aux grandes entreprises en matière d’imposition. Proposée par la Commission européenne en 2016, une directive a pour effet de rendre obligatoire, pour les entreprises réalisant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, la publication de leurs revenus, de leurs bénéfices, de leurs effectifs et de leurs impôts payés dans chaque pays où elles sont présentes.

La directive doit permettre d’établir plus clairement si les impôts qu’elles paient dans un Etat correspondent à l’activité économique qu’elles y exercent. De quoi renforcer la pression de l’opinion publique sur les mauvais élèves, tels que les Gafa, régulièrement épinglés pour leurs pratiques fiscales en Europe. Les entreprises devront se conformer aux premières dispositions de la directive d’ici la mi-2024.

Et ensuite ?

De nombreux chantiers relatifs à la fiscalité sont actuellement en cours au niveau européen, certains depuis plusieurs années.

La Commission européenne a proposé le 12 septembre un nouveau cadre pour l’imposition des revenus en matière de fiscalité des entreprises (BEFIT). Il doit “instaurer un ensemble commun de règles qui permettent aux entreprises de l’UE de calculer, à partir d’une formule, leur base imposable tout en garantissant une répartition plus efficace des bénéfices entre les pays”. Il y aurait une “équipe BEFIT” pour chaque entreprise avec des représentants de l’administration fiscale compétente des Etats membres dans lesquels le groupe opère, permettant aux autorités de se coordonner et d’évaluer les assiettes imposables.

Cette proposition remplace le projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), qui visait à harmoniser l’imposition des sociétés en Europe. L’initiative datait du début des années 2000 mais s’est heurtée aux désaccords entre Etats membres.

Le principe de règles communes, qui tarde à se concrétiser, a connu une impulsion nouvelle ces dernières années à la faveur des scandales LuxLeaks, des Panama Papers ou encore des Paradise Papers. Les révélations relatives aux pratiques d’évitement fiscal de multinationales, par le biais d’accords fiscaux avantageux (“rescrits fiscaux”) passés avec des pays tels que le Luxembourg, l’Irlande, ou encore les Pays-Bas, ont mis en lumière l’existence d’une importante concurrence fiscale entre les pays de l’UE. A cet égard, l’ACCIS devait permettre de réduire ces écarts entre les systèmes fiscaux, qui aboutissent à une situation que certains qualifient de dumping fiscal.

La Commission s’est d’ailleurs d’ores et déjà attaquée à ces pratiques, sous l’angle de la concurrence (notamment en infligeant des amendes de parfois plusieurs milliards d’euros à des géants du numérique américain), estimant qu’elles pouvaient être vues comme des aides d’Etat déguisées, interdites par le droit européen.

Une taxe spécifique aux géants du numérique (surnommée taxe Gafa) a également été envisagée, motivée par les comportements d’optimisation fiscale adoptés par ces entreprises. Cependant, elle s’est heurtée aux réticences, voire à l’opposition de plusieurs Etats membres qui proposent des dispositifs fiscaux avantageux comme l’Irlande. L’Allemagne, le Danemark, la Suède et la Finlande craignaient en outre des représailles américaines.

L’UE a donc accordé la priorité à un accord international sur la fiscalité dans le cadre de l’OCDE. Le deuxième volet de cet accord, aussi appelé “pilier 2”, vise à garantir l’application d’un taux d’imposition minimum de 15 % aux entreprises multinationales ayant un chiffre d’affaires annuel cumulé d’au moins 750 millions d’euros. La directive qui permettra de transposer l’impôt minimal mondial dans l’UE a été approuvée le 15 décembre 2022. Les Etats membres ont jusqu’au 31 décembre 2023 pour la transposer dans leur droit national. Bien que le projet de “taxe Gafa” européenne ait subi un coup d’arrêt, les géants du numérique seront concernés par cette nouvelle taxation.

Auparavant, la Commission européenne a cherché un moyen de s’attaquer à l’optimisation et l’évasion fiscales des entreprises et des particuliers. Pour ce faire, une liste européenne des paradis fiscaux a été élaborée en décembre 2017. Imparfaite et critiquée pour sa faible ambition, cette liste n’en demeure pas moins une première pour l’UE dans ce domaine. Elle est renouvelée deux fois chaque année, en février et en octobre.

Un levier de ressources propres pour l’UE

Dans le contexte de la mise en place du budget 2021-2027 de l’UE, la création de taxes européennes dans plusieurs domaines pour augmenter les ressources propres de l’Union, lesquelles doivent servir en partie à financer le plan de relance de 750 milliards d’euros, sont sur la table. Une taxe sur le plastique non recyclé est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 : elle oblige les Etats membres à alimenter le budget de l’UE en fonction du poids de plastique qu’ils ne recyclent pas chaque année (80 centimes/kilogramme).

En outre, deux nouvelles mesures devraient permettre de dégager des ressources financières pour l’Union. Il s’agit de la réforme du marché du carbone, ainsi que la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE (taxe carbone).

Quant à la taxe sur les transactions financières (TTF), elle faisait partie des pistes évoquées, mais les négociations sont au point mort.

Votre avis compte : avez-vous trouvé ce que vous cherchiez dans cet article ?

Pour approfondir

À la une sur Touteleurope.eu

Flèche

Participez au débat et laissez un commentaire

Commentaires sur Fiscalité : quelles sont les règles communes dans l'Union européenne ?

Lire la charte de modération

Commenter l’article

Votre commentaire est vide

Votre nom est invalide