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Asile et migrations dans l’Union européenne

Combien y a-t-il de migrants dans le monde et en Europe ? Qui sont les réfugiés ? Quelle est la politique de l’Union européenne et qu’est-ce que l’espace Schengen ? L’essentiel à connaître sur l’asile et les migrations en Europe.

Migrants, réfugiés et demandeurs d'asile dans le monde - Crédits : vectorscore / iStock
Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile dans le monde - Crédits : vectorscore / iStock

Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile : définitions

Un migrant est défini par l’Unesco comme une “personne qui vit de façon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel il n’est pas né” et “qui a acquis d’importants liens sociaux avec ce pays”. Dans ce pays, la présence de ce migrant peut être considérée comme légale ou illégale.

Un demandeur d’asile est une personne qui dit être réfugiée mais qui n’a pas encore obtenu ce statut dans l’Etat auquel elle réclame l’accueil.

La convention de Genève de 1951 définit un réfugié comme “toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité”. Et “qui ne peut ou ne veut, du fait de cette crainte, se réclamer de la protection de ce pays”.

Les migrants et réfugiés dans le monde

Les migrations sont un phénomène à la fois ancien, mondial et qui ne concerne qu’une petite partie de l’humanité. Si le nombre de migrants internationaux a augmenté depuis les années 1960 (ils étaient 281 millions en 2020 selon l’Organisation internationale pour les migrations), leur proportion est restée relativement stable (3,6 % aujourd’hui) en raison de l’augmentation de la population mondiale.

En 2020, plus d’1 migrant sur 5 vivait aux Etats-Unis. Le deuxième pays répertoriant le plus de migrants est l’Allemagne, suivie de l’Arabie saoudite et de la Russie. Ce sont toutefois les Etats de la péninsule arabique qui dénombrent le plus grand pourcentage de migrants dans leur population totale. Comme aux Emirats arabes unis, où 88 % de la population est constituée de migrants. 

Les causes des migrations peuvent être très diverses : guerres, motivations économiques, environnementales, de travail ou familiales… Elles sont majoritairement le fait de populations jeunes (18-30 ans) et ont la plupart du temps pour destination des pays géographiquement proches du lieu de départ.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés note plus précisément qu’à la fin de l’année 2022, 108,4 millions de personnes étaient déracinées du fait de guerres, de conflits ou de persécutions. On dénombrait parmi elles 35,3 millions de réfugiés, 5,4 millions de demandeurs d’asile en attente de l’examen de leur dossier, et 62,5 millions de déplacés “internes” dans leur propre pays (non comptabilisés comme migrants). Un chiffre qui s’est fortement aggravé par rapport à l’année précédente (+19 millions), en raison notamment de l’invasion russe de l’Ukraine déclenchée le 24 février 2022. En près d’un an, celle-ci a contraint près de 6 millions de personnes à quitter leur pays.

Origines et pays d’accueil des réfugiés

A la moitié de l’année 2023, plus de la moitié (52 %) des réfugiés mondiaux étaient originaires de seulement trois pays : la Syrie, l’Afghanistan et l’Ukraine.

La Turquie demeure le pays qui abrite le plus grand nombre de réfugiés (3,4 millions en juin 2023), dont presque tous sont Syriens, au même niveau cette année que la République islamique d’Iran (3,4 millions), qui accueille principalement des Afghans. Suivent la Colombie, terre de refuge de 2,5 millions de Vénézuéliens, l’Allemagne (2,5 millions) et le Pakistan (2,1 millions). 

Migrants, asile : la situation en Europe

Sur 447 millions d’habitants, l’Union européenne à 27 comptait 24 millions de citoyens non européens au 1er janvier 2021, soit 5 % de sa population (tandis qu’aux Etats-Unis, près de 21 millions des 331 millions d’habitants n’avaient pas la nationalité américaine en 2021, selon les estimations du Bureau du recensement des Etats-Unis). 36 % d’entre eux se sont installés en Europe pour des raisons familiales, 20 % pour des raisons professionnelles, 9 % pour un motif d’asile et 4 % pour leurs études. 

Une grande partie de ces non-nationaux (issus ou non d’un autre Etat membre) résidait en Allemagne (10,6 millions). L’Italie, la France et l’Espagne en enregistraient chacune autour de 5 millions.

Au regard de la population nationale, la proportion la plus élevée de non-nationaux se trouve néanmoins au Luxembourg : ils y représentent 47 % de la population totale. La plus faible proportion se trouve en Pologne (1,2 %) et en Roumanie (0,8 %). En France, les étrangers représentent près de 8 % de la population.

Chaque année, le nombre d’arrivées vers l’UE est plus important que le nombre de départs. Ainsi, en 2022, le solde migratoire, différence entre le nombre de personnes entrées et sorties au cours de l’année, était de plus d’1 million de personnes pour l’UE à 27. Ajouté à un accroissement naturel négatif (moins de naissances que de décès), la population de l’UE a diminué pour la première fois depuis plusieurs années. Le solde migratoire constituait l’élément principal de la croissance démographique européenne depuis le début des années 1990.

S’agissant des demandeurs d’asile, en 2022, 966 000 demandes ont été déposées, dont 9 sur 10 par des primo-demandeurs. La même année, 384 000 personnes ont obtenu une protection en Europe. La grande majorité de ces premières demandes d’asile ont été faites en Allemagne (41 %), en France (13 %), en Italie (10 %) et en Espagne (9 %). La plupart de ces personnes viennent de Syrie (29 %), d’Afghanistan (23 %) et du Venezuela (6 %).

L’Europe a toujours été une terre d’immigration. Sa relative prospérité économique et sa stabilité politique semblent avoir un effet d’attraction important. Elle a connu plusieurs grandes vagues d’immigration au XXe siècle, dont les plus importantes sont l’arrivée de 500 000 républicains espagnols en France en 1939, d’1 million de pieds-noirs, juifs et musulmans d’Algérie en 1962, ou encore de 700 000 Yougoslaves en Europe de l’Ouest en 1992.

Plus récemment, des centaines de milliers de Syriens, d’Irakiens, d’Afghans ou de Vénézuéliens ont fui leur pays pour rejoindre l’Europe. La majorité de ces populations n’est toutefois pas accueillie par les pays européens mais par les pays frontaliers, en particulier dans les zones de guerre au Moyen-Orient. A partir de février 2022, plusieurs millions d’Ukrainiens ont également quitté leur pays en raison de la guerre qui s’y déroule. Une grande partie d’entre eux s’est réfugiée au sein de l’Union européenne, notamment en Pologne et en Allemagne.

Pandémie de Covid-19 oblige, les flux migratoires ont largement diminué en 2020 et 2021, avant de repartir à la hausse.

La politique européenne d’immigration et d’asile

La politique européenne d’immigration et d’asile est véritablement née dans les années 1990.

En 1995, c’est l’espace Schengen qui entre en application (la convention ayant été signée 10 ans plus tôt), en abolissant les contrôles aux frontières entre ses Etats membres et en renforçant ce contrôle à leurs frontières extérieures.

Carte géographique espace Schengen

Les 27 pays de l’espace Schengen (cliquez sur l’image pour l’agrandir)

D’autre part, le traité d’Amsterdam, signé en 1997, donne pour la première fois une compétence à l’UE dans les domaines de l’immigration et de l’asile.

L’Union peut ainsi :

  • définir les conditions d’entrée et de séjour des immigrants légaux ;
  • encourager les Etats membres à prendre des mesures d’intégration ;
  • prévenir et réduire l’immigration irrégulière, notamment par une politique de retour des migrants clandestins et la signature d’accords de “réadmission” avec les pays tiers.

En revanche, il appartient à chaque Etat de fixer, s’il le souhaite, le nombre de ressortissants de pays tiers qui entrent sur son territoire dans le but de rechercher un emploi.

Chaque Etat membre a également la possibilité de rétablir temporairement les contrôles aux frontières nationales en cas de menace pour l’ordre public ou la sécurité. La France le fait depuis 2015, à la suite des attentats terroristes survenus à Paris, puis de l’afflux de réfugiés, de la pandémie de Covid et enfin de la guerre en Ukraine. 

Depuis 2004, l’agence Frontex coordonne la surveillance de ces frontières pour les Etats membres de l’UE et ceux de l’espace Schengen. Celle-ci a constaté l’entrée irrégulière de 330 000 personnes aux frontières extérieures de l’UE en 2022. Un record de traversées clandestines depuis 2016.

Le règlement Dublin III établit par ailleurs des règles pour les demandeurs d’asile afin de déterminer quel Etat membre de l’UE est responsable de l’examen d’une demande. Il permet d’éviter qu’un même individu dépose des dossiers dans plusieurs pays simultanément. Le principe général est que le pays responsable de la demande d’asile est le pays d’entrée du demandeur d’asile dans l’UE. C’est donc en général le premier pays dans lequel la personne est arrivée. 

Débats et perspectives

Les questions d’immigration et d’asile en Europe soulèvent leur lot de controverses.

Parmi eux, les questions relatives à l’accueil des demandeurs d’asile, dont le nombre a augmenté avec les printemps arabes de 2010 et connu un pic en 2015 et 2016, en raison de l’augmentation des conflits dont la guerre en Syrie. Plus de 5 000 personnes ont péri en 2016 en tentant de rejoindre l’Europe via la Méditerranée, un record.

En réponse, l’UE a renforcé les moyens de l’agence Frontex et tenté d’inciter les pays de transit à mieux contrôler leurs frontières. Dans ce cadre, l’Union a conclu plusieurs accords controversés, notamment avec la Turquie en 2016, avec la Libye en 2017 et avec la Tunisie en 2023. Au cœur de ces partenariats, l’engagement des pays tiers à retenir, en échange d’une aide financière, les migrants et demandeurs d’asile avant qu’ils ne parviennent sur le continent européen. Une stratégie particulièrement critiquée par les organisations non gouvernementales, qui dénoncent les risques graves encourus dans ces pays par les personnes nécessitant une protection. 

La répartition des demandeurs d’asile entre Etats membres est également source d’intenses débats. Les objectifs non atteints du plan de relocalisation des demandeurs d’asile de 2015 en sont une illustration.

D’aucuns dénoncent une orientation historiquement sécuritaire de la politique européenne d’immigration et d’asile, qui accorderait plus de place à la lutte contre l’immigration illégale qu’à une gestion harmonisée des migrations légales et de l’asile, encore peu développée au sein de l’UE. Un débat complexe où s’entremêlent, avec parfois beaucoup d’amalgames, de nombreuses questions liées à la montée des populismes, à la recrudescence des attentats terroristes et à la place de l’islam en Europe. 

Face aux nombreuses failles de la politique d’asile européenne en matière migratoire, l’Union européenne souhaite conclure un nouveau Pacte sur la migration et l’asile avant l’été 2024. Celui-ci vise à renforcer les contrôles aux frontières, notamment pour dissuader les volontaires au départ, et à mieux organiser la gestion de l’asile, en particulier lors de situations de crise. 

Parmi les principales mesures du Pacte figure la mise en place d’un premier filtrage aux frontières de l’Union, qui permettrait de rejeter certaines demandes d’asile avant l’entrée sur le territoire européen. Un mécanisme de solidarité engagerait par ailleurs chaque Etat à accueillir une partie des demandeurs d’asile ou à verser une contrepartie financière. En cas d’afflux massif de migrants, un dispositif de crise accélèrerait certaines procédures. Après la création d’une Agence européenne sur l’asile le 19 janvier 2022, l’essentiel des mesures a fait l’objet d’accords politiques en décembre 2022 et décembre 2023. 

Le Pacte doit également simplifier les possibilités d’immigration légale. La procédure de demande de titre de séjour liée au travail serait facilitée, tandis que les résidents de longue durée pourraient plus aisément se déplacer et travailler dans d’autres Etats membres.

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6 commentaires

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    Giraud

    Votre article ne répond pas à la question suivante : quel est le stock (par opposition au flux) actuel de réfugiés (toutes catégories) non-européens au sein de l’UE ? Par pays de provenance et de résidence.
    De fait, cette précision est essentielle pour tout débat factuel et objectif sur la question.

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    Ivan Dimitri FOE NGA OWONO

    Merci de l’opportunité qui nous est accordée de laisser un commentaire à la suite de cet exposé riche en connaissances et qui édifie objectivement sur la politique d’immigration et d’Asile.
    Il faut déjà saluer les efforts consentis par les Membres de l’Union sur le plan communautaire même si beaucoup reste à faire à travers l’implication plus poussée des Etats membres. 

    Cependant, il pourrait exister d’autres mesures plus efficaces de lutte contre l’immigration clandestine à travers une meilleure appréciation des causes même de ce phénomène.
    Certainement dans un prochain commentaire, je ferai quelques suggestions utiles car il existe des raisons intangibles motivant très souvent la décision d’opter pour tel ou tel type d’immigration.
    Cordialement. 

    Me Ivan Dimitri FOE

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    Sophie Danis

    J’ai beaucoup apprécié la présentation claire et factuelle de la question des migrations dans l’UE, ce qui n’est pas si facile. Peut-être faudrait-il encore davantage différencier des différentes catégories d’immigrés.

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    Dalbin

    Bonjour, Merci pour ces informations. Des pourcentages par rapport à la population me semblerait utiles, voire plus utiles… Le Canada arriverait en tête (23%), suivi de l’Allemagne (19%); puis plus bas les USA(15,3%) qui ne seraient pas si différents de UK (14%) et pas si loin de la France (12%)… Ces calculs prenant en compte le solde migratoire ne seraient pas si différents…

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      Eliopatchikov

      Je ne comprend pas trop le “Flou de Macron au sujet de l’immigration” (?), “Macron” n’est pas une “source d’information” ?! Par contre, l’INSEE indique que depuis 2006, les sorties d’immigrés sont relativement modestes au regard de leurs entrées. En moyenne, quatre immigrés entrent sur le territoire lorsqu’un en sort. Il s’agit essentiellement d’étudiants étrangers quittant la France à la fin de leurs études, de départs à l’issue d’une période d’emploi de quelques années ou encore de retours au pays au moment de la retraite. Au total, le solde migratoire des immigrés a baissé légèrement entre 2006 (+ 164 000) et 2009 (+ 133 000) avant de croître pour atteindre + 214 000 personnes en 2019. En raison de la crise sanitaire, ce solde diminue à + 169 000 personnes en 2020 (estimations).
      Depuis la nuit des temps, il y a eu de l’immigration (jamais “controlée” !) , voire même des invasions ; c’est justement ce qui a enrichi notre culture. Introduire des % la dedans me paraît “comptable” (déshumanisé) , irréaliste, et contre productif.… On le perçoit déjà , la géopolitique, le réchauffement climatique vont conduire à de grands mouvements de population…

  • Avatar privé
    Jy2m

    Le moins que l’on puisse dire c’est que pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron un flou artistique aura été entretenu concernant le sujet de l’immigration. C’est particulièrement dommage car il est presque certain que l’Europe, à cause de sa natalité en déclin et pour pouvoir maintenir ses économies en bonne santé, va avoir besoin de l’arrivée de plusieurs dizaines de millions de nouveaux venus dans les prochaines décennies. Et ce manque d’intérêt pour ce sujet est regrettable, en particulier en France, où une partie de la population, qui est partisane de « l’immigration zéro », n’ayant pas compris cette nécessité, s’oppose à toute entrée de migrants et où une autre partie de la population, elle, souhaiterait que les pays européens accueillent tous les migrants qui se présentent, sans avoir à l’esprit les problèmes qui peuvent arriver quand un groupe ethnique devient trop important par rapport à la population totale d’un pays, compte tenu de l’évolution de cette population au fil des années. Il faudrait donc, pendant qu’il en est encore temps, pour préparer l’arrivée des futurs migrants et au besoin en ayant recours à des consultations de l’opinion, que chaque pays européen fixe des pourcentages qui, selon lui, seraient souhaitables concernant les groupes ethniques qui composeront sa population future.