Au sein de l’UE, l’Italie est le pays qui a accordé le plus de naturalisations en 2020 (131 800), principalement à des ressortissants albanais, marocains et roumains. Suivent l’Espagne (126 300), l’Allemagne (111 200), la France (86 500) et la Suède (80 200).
Mais si l’on rapporte les naturalisations au nombre d’étrangers sur le territoire (taux de naturalisation), c’est la Suède qui arrive en tête du classement. Pour 100 étrangers résidant sur le sol suédois, 8,6 se sont vus octroyer la nationalité du pays.
Les autres pays ayant enregistré les taux de naturalisation les plus élevés sont le Portugal (5,4 %), les Pays-Bas (4,8 %) et la Finlande (2,9 %). A l’inverse, la Lituanie (0,2 %), la Lettonie et l’Estonie (0,4 % tous les deux) et la République tchèque (0,5 %) enregistrent les taux de naturalisation les plus bas de l’UE, avec moins d’une naturalisation octroyée pour 100 résidents étrangers.
Comment obtenir la nationalité d’un Etat de l’Union européenne ?
Pour obtenir la nationalité d’un pays de l’Union européenne par naturalisation, il faut généralement justifier d’une durée minimale de résidence sur le territoire.
Ces délais de naturalisation peuvent, par exemple, varier entre 3 ans en Pologne et 10 ans en Espagne, au Danemark, en Italie, en Lituanie ou encore en Slovénie. En France, le délai est de 5 ans, légèrement inférieur à la moyenne européenne (un peu moins de 7 ans).
Des délais moins importants peuvent être accordés si la personne dispose de la citoyenneté d’un autre pays membre de l’UE, si elle est réfugiée ou apatride, ou encore si son conjoint dispose déjà de la nationalité du pays.
Par ailleurs, des tests de langues ou de connaissance du pays sont souvent nécessaires.
Les principaux bénéficiaires
Parmi les nationalités les plus représentées, ce sont les Marocains qui forment le plus grand groupe de nouveaux citoyens d’un État membre de l’UE (68 900 personnes). Ils sont suivis des Syriens (50 200), des Albanais (47 400 personnes), des Roumains (28 700) et des Brésiliens (24 100).
Les Roumains (28 700), les Polonais (12 500) et les Italiens (8 200) constituent quant à eux les plus grands groupes de citoyens de l’UE qui se sont vu octroyer la nationalité d’un autre pays membre.
Un effet Brexit ?
Depuis 2016, le nombre de Britanniques ayant demandé (et obtenu) la nationalité d’un pays de l’UE a explosé. Il est passé de 2 480 personnes en 2015 à 6 555 en 2016 et a de nouveau plus que doublé en 2017 (14 900 naturalisations), pour finalement atteindre 16 000 en 2018.
Cette dynamique s’est ralentie depuis : en 2020, 13 900 citoyens britanniques ont acquis la nationalité d’un pays membre de l’UE. Cette année-là, ils se sont principalement tournés vers l’Allemagne (27 %), la France (19,7 %), la Suède (13,5 %) et les Pays-Bas (8,6 %) pour leurs demandes de naturalisation.
Quelle nationalité selon le pays d’origine ?
Les nations d’origine des nouveaux citoyens européens varient fortement selon les pays qui accordent la nationalité. Si les données manquent pour expliquer les causes de ces variations, on peut néanmoins observer quelques tendances.
Ressortissants albanais
Troisième groupe récipiendaire de la citoyenneté européenne en 2020, 97 % des ressortissants albanais ayant reçu la nationalité d’un pays membre de l’UE ont été naturalisés en Italie ou en Grèce. “L’Albanie a toujours été un pays d’émigration”, indiquait Nathalie Clayer, spécialiste du pays à l’EHESS, à l’hebdomadaire L’Express en 2018. Celle-ci fut cependant temporairement stoppée pendant le régime communiste entre 1944 et 1991.
Aujourd’hui, le pays est l’un des plus pauvres d’Europe. Le Migration Policy Institute estime qu’au cours de ces 25 dernières années, un tiers de la population a quitté le pays. En 2010, ce mouvement s’est accéléré lorsque les citoyens albanais se sont vu accorder l’entrée sans visa dans l’espace Schengen.
L’achat de passeports
En 2020, environ 15 000 citoyens russes ont reçu la nationalité d’un pays de l’Union européenne, avant tout allemande (24,7 %), française (11,8 %) et finlandaise (10,3 %). Ils font également partie des principaux récipiendaires des nationalités bulgares, chypriotes et maltaises.
Car acquérir la nationalité de certains pays peut être plus facile lorsque l’on peut y mettre les moyens. Ces trois derniers ont ainsi mis en place des systèmes de “passeports dorés”. Ceux-ci ont permis aux personnes fortunées, notamment russes, d’acquérir leur nationalité en échange d’argent. A Chypre par exemple, le gouvernement avait mis en place le programme “investissement contre passeport” : 2 millions d’euros devaient être injectés dans l’économie chypriote en échange d’une naturalisation. En 2015, d’après le média EUobserver, la moitié de ces acheteurs étaient russes. Nicosie a cependant mis fin à ce système le 1er novembre 2020.
Cette politique est en revanche toujours en vigueur à Malte, où un investissement minimal de 1,1 million d’euros est nécessaire pour obtenir un passeport. Le pays est dans le viseur de la Commission européenne, puisqu’un passeport européen permet de voyager plus facilement dans l’UE et faciliterait également l’évasion fiscale de certaines grandes fortunes. Ce système avait été dénoncé par la journaliste Daphne Caruana Galizia, assassinée en 2017. Une procédure d’infraction en lien avec les passeports dorés, visant également Chypre, a été lancée à l’encontre de l’Etat membre par la Commission européenne en 2020. En avril 2022, l’exécutif européen a indiqué poursuivre cette procédure d’infraction contre Malte.
La Bulgarie et l’Autriche font également partie des pays proposant un passeport contre un vaste investissement mais leurs dispositions y sont plus, voire beaucoup plus, rigides que celles appliquées à Malte et auparavant à Chypre.
Retrait de nationalité
La Commission européenne a demandé le 28 mars 2022 aux Etats concernés de mettre fin aux passeports dorés et de “retirer la citoyenneté” accordée via ces passeports aux Russes et aux Biélorusses aujourd’hui sanctionnés par l’UE, ou qui soutiennent la guerre en Ukraine.
Réfugiés
Quant aux pays scandinaves, ils ont essentiellement naturalisé des ressortissants de pays en guerre ou instables. Ainsi, la Suède est le pays où les ressortissants syriens sont le plus naturalisés (49 %) en 2020 suivis par les Irakiens et les Afghans (29,5 %). En Finlande, les Irakiens (9,3 %) et les Somaliens (8,4 %) sont ceux qui, après les Russes (24 %), obtiennent le plus la nationalité du pays.
Avant la crise migratoire de 2015, ces pays disposaient des politiques d’asile les plus généreuses en Europe, souligne le Migration Policy Institute, et ont accueilli de nombreux ressortissants Syrie, Irak et Somalie. Avec la Norvège, ils disposent en effet d’une longue tradition d’asile, ce qui a probablement, toujours selon l’institut, conduit les réfugiés à se diriger vers ces Etats plutôt qu’ailleurs en Europe. Après la crise migratoire, les politiques en la matière ont néanmoins été durcies.
Anciennes colonies
Dans certains pays comme la France ou le Portugal, les principaux récipiendaires de la nationalité sont pour la majorité issus d’anciennes colonies. La France a en effet octroyé en 2020 sa nationalité essentiellement à des ressortissants marocains (16,2 %), algériens (14,1 %) et tunisiens (6,8 %). La situation est la même au Portugal, qui a d’abord accordé la nationalité portugaise à des ressortissants brésiliens (32,4 %) et capverdiens (15,1 %).
Dans l’ensemble de l’UE, l’âge médian de ces nouveaux citoyens européens est de 33 ans, près de 36 % d’entre eux ayant moins de 25 ans. En Grèce, près de la moitié d’entre eux avaient moins de 18 ans en 2020, alors qu’en Hongrie cet âge médian est de 45 ans.
Les femmes comptent pour 51 % des nouveaux citoyens européens, avec une prédominance dans certains pays comme la Croatie (60 %). A l’inverse, 63 % des nouveaux citoyens roumains en 2020 sont des hommes.
Les apatrides baltes
C’est en Estonie, Lettonie, et Lituanie qu’on trouve les taux de naturalisation les plus bas de l’UE. Mais ce sont aussi les pays dans lesquels les naturalisations concernent le plus souvent des anciens apatrides.
Lorsque la Lettonie et l’Estonie sont devenues indépendantes de l’URSS, respectivement en 1990 et 1991, seuls les citoyens nés dans ces pays avant 1940 et leurs descendants ont reçu les nationalités lettone et estonienne. Ainsi, les minorités russophones qui s’y sont installées durant la période soviétique n’ont pu ni acquérir leur nationalité, ni disposer d’un passeport russe ou de l’URSS (qui n’est plus employé).
Considérées comme des “non-citoyens”, selon le terme utilisé dans les pays baltes, elles ne peuvent pas bénéficier des droits minimaux, comme l’accès aux allocations familiales, à la propriété ou aux emplois dans le service public. Une entorse aux droits fondamentaux et à la Convention européenne des droits de l’homme, qui contraint les Etats à interdire la discrimination envers les apatrides. Des mesures sont prises depuis quelques années dans ces pays pour réduire l’apatridie.
En Lettonie, ces non-citoyens forment une communauté russophone d’environ 200 000 personnes, soit 10 % de la population. En Estonie, ils seraient entre 80 000 et 90 000, sur une population de 1,3 million d’habitants. En Lituanie enfin, les chiffres sont plus bas : n’y résideraient qu’entre 2 400 et 4 500 apatrides.
L’Estonie et la Lettonie ont imposé des tests de langue et de connaissance de la constitution pour permettre à ces non-citoyens d’obtenir la naturalisation. Ils peuvent toutefois être rédhibitoires pour des populations majoritairement russophones, le prix des cours de langue n’étant par ailleurs pas systématiquement remboursé par le gouvernement.
1 commentaire
Très intéressant