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Climat et biodiversité : que disent les rapports des scientifiques sur l’avenir de l’Europe ?

Les experts du climat sont formels : les activités humaines sont la principale cause du réchauffement planétaire. A l’occasion de la COP27 (6 au 18 novembre en Egypte), retour sur les conclusions des scientifiques sur ce que pourraient être les conséquences en France et en Europe d’un emballement continu du climat.

L'Europe a connu en 2022 l'une des pires sécheresses depuis des siècles, entraînant une baisse du niveau du Rhin (ici à Cologne, en Allemagne)
L’Europe a connu en 2022 l’une des pires sécheresses depuis des siècles, entraînant une baisse du niveau du Rhin (ici à Cologne, en Allemagne) - Crédits : Sascha Schuermann / Commission européenne

Le second degré n’est plus une blague”. Teinté de gravité, ce slogan présent sur quelques pancartes lors des marches pour le climat en France fait référence à l’objectif inscrit en 2015 dans l’accord de Paris. A savoir contenir le réchauffement planétaire sous les 2 °C par rapport aux niveaux pré-industriels, et idéalement à moins de 1,5 °C.

Aujourd’hui, la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère est plus forte que jamais. Et la température à la surface du globe entre 2011 et 2020 était supérieure de 1,1 °C à celle de la période pré-industrielle. A quoi les Européens et les Français peuvent-ils s’attendre d’ici 2050 et 2100 ?

La plupart des données de cet article proviennent des rapports du GIEC. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est une plateforme de scientifiques (climatologues, géologues, météorologues, géographes,…) qui rédigent des synthèses des connaissances au sujet du climat.

Un réchauffement plus fort en Europe que dans le reste du monde

Si l’augmentation des températures est bien constatée partout dans le monde, “le changement climatique n’est pas un phénomène homogène dans le temps et dans l’espace”, explique Samuel Somot, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (CNRM) à Toulouse. “Un réchauffement global de 2 °C par rapport à avant 1900 – le niveau haut de l’accord de Paris – correspondrait à une hausse de 2,5 °C en Europe continentale”, poursuit-il. Mais cela entraînerait plus de 3 °C d’augmentation sur la zone méditerranéenne en été et même +3,4 °C l’hiver en Europe du nord.

Des écarts importants dont il est déjà possible d’avoir un avant-goût. Ces dernières années, le climat de l’Europe s’est réchauffé plus rapidement qu’au niveau mondial, et à un rythme encore plus soutenu autour de la Méditerranée en été. Ainsi, les risques liés aux hausses des températures ne sont pas les mêmes du nord de la Finlande au sud de la Grèce.

Selon de nouvelles projections réalisées par une équipe du CNRS, de Météo France et du Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique, le réchauffement climatique en France pourrait être plus fort que prévu jusqu’ici. Dans le scénario où les émissions de gaz à effet de serre n’augmentent ni ne diminuent de façon draconienne, l’augmentation des températures hexagonales est annoncée à 3,8 °C à l’horizon 2100 par rapport au début du XXe siècle. Mais les étés seraient quant à eux 5 °C plus chauds en moyenne en France.

Projection du changement de nombre de jours avec des températures au-dessus de 35 °C l'été au milieu du XXIe siècle par rapport à la période 1995-2014
Projection du changement de nombre de jours avec des températures au-dessus de 35 °C l’été au milieu du XXIe siècle par rapport à la période 1995-2014 - Crédits : GIEC, groupe de travail 1, 2021

Les canicules seraient donc plus fréquentes, plus intenses et plus longues. Samuel Somot prend ainsi l’exemple de Toulouse. “Dans les années 1960, le thermostat dépassait les 35 °C un seul jour par an. C’est passé à cinq jours autour des années 2000. Et vers 2050, on devrait être à huit ou neuf jours chaque année”. Une moyenne qui là aussi ne doit pas masquer les potentielles exceptions : en 2022, la ville rose a compté pas moins de 24 jours au-dessus des 35 °C.

Les conséquences du réchauffement se feraient aussi sentir plus en altitude : la durée d’enneigement et l’épaisseur de la neige dans les Alpes ont par exemple diminué depuis les années 1960. Dans le cas extrême d’une hausse des températures supérieure à 4 °C d’ici 2100, aucune station de ski ne resterait viable sans neige artificielle dans les Pyrénées ou les Alpes françaises, alerte une étude publiée dans la revue Nature.

Les principaux enjeux pour l’Europe

Quatre risques clés ont été identifiés par le dernier rapport du groupe de travail 2 du GIEC, chargé des questions de vulnérabilité et d’adaptation au changement climatique. D’abord, l’augmentation de la mortalité humaine et les perturbations des écosystèmes en raison de la chaleur. Ensuite, les pertes de production agricole sous l’effet de la chaleur et des sécheresses. La rareté de l’eau est également mise en avant. Enfin, les impacts des inondations sur les personnes et les infrastructures sont signalés par les experts.

Les auteurs du GIEC estiment ainsi qu’un réchauffement climatique de 1,5 °C pourrait entraîner 30 000 décès annuels liés aux épisodes de chaleur extrême, et jusqu’à trois fois plus si la hausse atteignait les 3 °C. Selon les chercheurs, les zones à risque sont en particulier le sud, l’Europe occidentale et les zones urbaines.

Le changement climatique a aussi des conséquences sur l’agriculture. Ces dernières années, la sécheresse et les pluies excessives ont par exemple provoqué des pertes économiques dans la productivité des forêts, de l’élevage et des cultures en Europe – notamment pour le blé. Certaines cultures aujourd’hui peu adaptées aux régions nordiques pourraient le devenir. L’exploitation des melons, tomates et vignes s’étendrait. Et dans un scénario à 2 °C, les zones de culture se déplaceraient de 25 à 135 km vers le nord chaque décennie. Autre problème posé, entre autres, au secteur agricole : la rareté de l’eau. En Europe méridionale, plus d’un tiers de la population pourrait être exposé à une pénurie d’eau en cas de réchauffement de 2 °C.

S’agissant de la fréquence des pluies en Europe, “il est prévu une hausse des précipitations au nord, essentiellement en hiver, et une diminution au sud, en été”, résume Samuel Somot. “La zone de transition entre ces deux pôles, qui passe au milieu de la France et de l’Allemagne et en Europe centrale, est moins claire”, poursuit le chercheur. Mais selon lui, la France serait plutôt marquée par une augmentation des pluies en hiver et une diminution en été.

Inondations et feux de forêts

Les bouleversements liés aux précipitations et à la sécheresse entraînent d’importants risques d’inondations sur le Vieux Continent. Une augmentation “substantielle” des dommages causés par les crues est projetée par le GIEC, à l’image de ce qu’ont connu l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas en 2021. Plus de 150 personne sont décédées en raison des pluies torrentielles, des crues et des glissements de terrain.

La montée du niveau des océans met par ailleurs en péril certaines villes, en particulier méditerranéennes. Venise, Dubrovnik ou encore Marseille, très proches de la mer, sont menacées par l’érosion des côtes. Et en raison du changement climatique, la montée du niveau de la mer se poursuivra pendant des siècles, quelle que soit l’évolution des rejets de gaz à effet de serre ces prochaines années. Car “l’océan se réchauffe très lentement par rapport à l’atmosphère et les glaces fondent lentement aussi”, détaille Samuel Somot. Ainsi, le GIEC parle d’une fourchette de +15 à 33 centimètres d’élévation du niveau des mers et océans d’ici 2050. Un chiffre qui atteindrait entre +44 et 76 cm en 2100, et même au-delà d’1 mètre en cas d’explosion des émissions de gaz à effet de serre.

L’Europe peut aussi s’attendre à une multiplication de feux de forêts. Ces incendies touchent déjà plus de 400 000 hectares en moyenne chaque année dans l’Union européenne, dont l’écrasante majorité au sud du continent. L’année 2022 s’est là aussi démarquée par son caractère exceptionnel : les zones ravagées par les incendies dans l’UE ont culminé à 870 000, indique l’EFFIS, le système européen d’information sur le sujet. Les experts du GIEC relèvent toutefois que de nouvelles régions sujettes aux feux de forêt pourraient apparaître, en particulier dans les zones occidentales, orientales et septentrionales de l’Europe.

La biodiversité marine victime du changement climatique

Projection de l'augmentation moyenne de la température à la surface des mers dans un scénario à 4°C à l'horizon 2100
Projection de l’augmentation moyenne de la température à la surface des mers dans un scénario à 4 °C à l’horizon 2100 - Crédits : GIEC, groupe de travail 2, 2022

Le réchauffement climatique a également des conséquences sur la biodiversité. Les océans ont par exemple la capacité de capter le CO2 présent dans l’atmosphère : ils représentent les principaux “puits de carbone” de la planète. Mais du fait de cette absorption, leur acidité grimpe en flèche : elle a ainsi bondi de 30 % par rapport au XIXe siècle. Résultat parmi d’autres : certains petits coquillages marins consommés par les poissons ne parviennent plus à constituer leur coquille, ce qui a des répercussions sur toute la chaîne alimentaire. En Baltique occidentale et dans la mer de Barents (au nord des pays scandinaves), la production de cabillaud semble très affectée par l’acidification et le réchauffement des eaux, selon le GIEC. Tout comme celle de hareng dans le golfe de Gascogne, au large de la France et de l’Espagne. A +4 °C de réchauffement global, les populations de harengs y seraient 80 % moins nombreuses que dans un scénario à +1,5 °C.

Certaines espèces endémiques, c’est-à-dire qu’on ne trouve que sur une zone limitée, sont particulièrement vulnérables. “Des espèces ancrées dans la mer, comme les coraux ou les gorgones, n’ont pas la capacité de s’adapter ou de bouger pour trouver les températures idéales”, appuie Samuel Somot. La faune et la flore méditerranéennes sont soumises à des risques spécifiques. “Il y a une différence avec l’océan Atlantique : les poissons peuvent migrer vers le nord, là où la Méditerranée est un cul-de-sac avec les côtes grecques, italiennes ou françaises”. Dans un scénario de réchauffement mondial de 1,5 °C, 10 % des espèces de poissons des côtes méditerranéennes rencontreraient des difficultés pour se reproduire, ce chiffre atteignant 60 % dans un futur à +4 °C.

En retour, la dégradation de la biodiversité contribue elle aussi au changement climatique. “La dégradation des tourbières, des zones humides ou des forêts tropicales menace de libérer dans l’atmosphère de grandes quantités de gaz à effet de serre”, résume le CNRS.

Selon un rapport conjoint du GIEC et de l’IPBES, son équivalent concernant la biodiversité, climat et biodiversité sont deux enjeux qui doivent être considérés ensemble. Ainsi, “le renforcement mutuel du changement climatique et de la perte de biodiversité signifie que pour résoudre de manière satisfaisante l’une ou l’autre de ces questions, il faut tenir compte de l’autre”, concluent les chercheurs. Ils soulignent que les activités humaines ont entraîné une perte de 83 % de la biomasse des mammifères sauvages et de la moitié de celle des plantes.

Le GIEC estime que le maintien de la biodiversité à l’échelle mondiale dépend d’une conservation “efficace et équitable” d’environ 30 à 50 % des terres, des eaux douces et des océans de la planète. En 2021, environ 15 % des terres et 7,5 % des océans dans le monde étaient concernés par des mesures de protection. En amont de la COP15 Biodiversité, qui doit se dérouler à Montréal début décembre, la Commission européenne a fait savoir qu’elle comptait aboutir à un accord pour protéger 30 % des terres et 30 % des océans d’ici à 2030.

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1 commentaire

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    Christian Jean Collard

    Parfait. Continuez comme ça…