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Législatives en Slovaquie : des élections à fort enjeu pour l’Union européenne

Les élections slovaques du samedi 30 septembre voient deux camps s’affronter : l’un tourné vers l’UE, l’autre populiste aux positions pro-russes, proche du Hongrois Viktor Orbán.

En cas de victoire, Michal Šimečka (à gauche, Slovaquie progressiste) comme Robert Fico (à droite, SMER) seront forcés de trouver des alliés pour pouvoir gouverner la Slovaquie - Crédits : Philippe BUISSIN / Parlement européen | Etienne Ansotte / Commission européenne
En cas de victoire, Michal Šimečka (à gauche, Slovaquie progressiste) comme Robert Fico (à droite, Smer) seront forcés de trouver des alliés pour pouvoir gouverner la Slovaquie - Crédits : Philippe BUISSIN / Parlement européen | Etienne Ansotte / Commission européenne

Ce samedi 30 septembre 2023, il ne fait pas de doute que les responsables européens auront les yeux rivés sur la Slovaquie. Près de 4,5 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour participer à des élections législatives anticipées, qui devraient ensuite permettre de former un nouveau gouvernement.

Dans les sondages, deux favoris se dégagent. Robert Fico d’une part, leader du Smer, est surnommé l’ ”Orbán de gauche” en référence au Premier ministre hongrois. Social-démocrate à l’origine, son idéologie flirte souvent avec le nationalisme et l’euroscepticisme, en plus de prises de position pro-russes. Contre lui, Michal Šimečka est à la tête de Slovaquie progressiste, un parti libéral et europhile.

Si le premier parvient à emporter le scrutin et former un gouvernement, Viktor Orbán pourrait y trouver un allié au sein de l’Union européenne, notamment pour limiter le soutien à l’Ukraine et les sanctions à l’encontre de la Russie.

Sortir de l’impasse politique

Les dernières élections législatives remontent à février 2020. Elles avaient amené un tournant majeur dans le paysage politique slovaque avec la victoire d’OL’aNO, un parti conservateur axé sur la lutte contre la corruption. La formation politique a alors profité d’une large mobilisation citoyenne à la suite de l’assassinat en 2018 du journaliste Ján Kuciak, qui a mis en lumière les liens du parti social-démocrate au pouvoir (Smer) avec la mafia. Le leader d’OL’aNO, Igor Matovič, a alors pris la tête d’une coalition gouvernementale composée de quatre partis.

En mars 2021, lors de la pandémie de Covid-19, Igor Matovič a décidé d’acheter des doses du vaccin russe Sputnik V sans obtenir l’aval de ses partenaires de coalition, provoquant alors une grave crise politique et une vague de démissions au sein du gouvernement. Forcé par ses partenaires de céder sa place, son vice-président Eduard Heger lui a succédé. Mais en septembre 2022, en raison de divergences sur la politique économique menée par l’exécutif slovaque, l’un des partis alliés a quitté la coalition, rendant de fait le gouvernement minoritaire au sein du Parlement. Il a finalement été renversé par une motion de censure en décembre 2022.

Le 31 janvier 2023, le Parlement slovaque a voté son autodissolution, provoquant la convocation d’élections anticipées le 30 septembre 2023. Le 7 mai 2023, la présidente slovaque Zuzana Čaputová a annoncé la nomination de l’économiste et vice-gouverneur de la Banque centrale de Slovaquie, Ľudovít Ódor, à la tête d’un gouvernement de technocrates, après la démission d’Eduard Heger. Même si ce dernier n’a pas obtenu la confiance du Parlement, la présidente a indiqué qu’il resterait en place jusqu’aux élections pour expédier les affaires courantes.

Un choix tranché s’impose aux électeurs

Dans les études d’opinion, deux partis font désormais la course en tête. Le premier, le plus souvent donné vainqueur par les instituts de sondage, est le Smer. Un parti dirigé depuis sa création, en 1999, par Robert Fico, ancien président du gouvernement slovaque de 2006 à 2010 puis de 2012 à 2018. Celui-ci se réclame de la social-démocratie malgré des prises de position anti-migrants, nationalistes, eurosceptiques et de plus en plus pro-russe. Face à lui se dressent Michal Šimečka et son parti, Slovaquie progressiste (PS). Un candidat libéral et europhile, aujourd’hui vice-président du Parlement européen.

C’est un choix assez tranché qui s’impose aux électeurs, explique Lukáš Macek, chercheur à l’Institut Jacques Delors et spécialiste de l’Europe centrale. D’un côté avec Michal Šimečka, on a les tenants d’une orientation pro-occidentale qui se réclament d’un fonctionnement de l’Etat slovaque conforme aux standards de l’UE au niveau de l’Etat de droit et de la qualité de la démocratie. De l’autre côté avec Robert Fico, on observe une orientation beaucoup plus ambiguë voire ouvertement pro-russe, anti-américaine, anti-occidentale, anti-OTAN et anti-UE, avec une conception de la démocratie plus proche du discours idéologique, qu’on peut aujourd’hui entendre du côté des gouvernements au pouvoir en Hongrie ou en Pologne.

C’est la personnalité du second qui interroge – voire inquiète – les dirigeants européens. Durant la campagne, M. Fico a notamment promis de stopper l’aide militaire à l’Ukraine et plaidé pour la levée des sanctions à l’égard de Moscou. Pour une partie de la presse européenne, Robert Fico serait ainsi “l’Orban de gauche”. S’il parvient à retrouver le pouvoir, l’ancien Premier ministre pourrait-il mettre en pratique ses promesses de campagne ?

Il est difficile de prédire comment il va se comporter, concède Lukáš Macek. Doit-on se baser davantage sur son positionnement politique actuel ou plutôt sur la continuité de sa carrière politique et ce qu’il a fait par le passé ? Lors de ses premiers mandats, il s’est revendiqué comme pro-européen souhaitant placer la Slovaquie dans le noyau dur de l’UE si celle-ci se structurait dans une logique plus différenciée. Mais on observe désormais chez lui une forme de radicalisation. En comparaison du Robert Fico d’hier, celui d’aujourd’hui est clairement ailleurs politiquement, idéologiquement et humainement”, analyse le chercheur à l’Institut Jacques Delors.

Une coalition gouvernementale inévitable

Ce qui est certain, c’est que le candidat arrivé en tête du scrutin ne pourra gouverner seul. La Slovaquie étant une république parlementaire composée d’une assemblée unique, une majorité des 150 députés slovaques doit soutenir le gouvernement pour que celui-ci puisse agir. Or, les sondages ne prédisent de majorité absolue pour aucun des partis en lice. Une coalition gouvernementale s’imposera, et c’est alors que les plus petits partis entreront en jeu pour lui permettre de voir le jour.

Si Robert Fico l’emporte, sa manière de gouverner dépendra beaucoup de ses partenaires de coalition, fait remarquer Lukáš Macek. Il sera obligé de gouverner avec deux, trois voire quatre partenaires dont certains issus de d’extrême-droite, ce qu’il a déjà fait par le passé car la mathématique parlementaire l’exigeait. Mais il est probable qu’il sera aussi obligé de composer avec un parti aux positions plus modérées que lui, et sera forcé, comme dans tous les gouvernements de coalition, de chercher des dénominateurs communs et d’abandonner certaines de ses promesses.

Le probable retour au pouvoir de Robert Fico pourrait tout de même renforcer ce que Lukáš Macek appelle “les forces anti-système et illibérales” qui fleurissent dans l’UE. De là à y voir un prélude d’éventuels bouleversements à venir lors des élections européennes de 2024 ? “Il faut rester prudent, tempère le chercheur. On a déjà entendu ce discours lors de l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en Italie, et le sentiment qui prévaut pour le moment est qu’elle a plutôt choisi la voie d’une certaine modération dans la continuité de ses prédécesseurs, plutôt qu’une rupture illibérale à la Viktor Orbán.”

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