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[Pour / Contre] Faut-il poursuivre l’élargissement de l’Union européenne ?

A l’invitation de Toute l’Europe, deux députés européens confrontent leurs idées sur un sujet d’actualité brûlant. Nathalie Loiseau (Horizons) et Thierry Mariani (Rassemblement national) s’opposent dans ce “Pour/Contre” - Faut-il poursuivre l’élargissement de l’Union européenne ?

POUR-CONTRE Mariani Loiseau

POUR

Nathalie Loiseau, députée européenne (Horizons / Renew), présidente de la sous-commission Sécurité et défense au Parlement européen

“Relevons le défi de l’élargissement”

L’Europe a aujourd’hui le choix entre un élargissement maîtrisé et un encerclement subi. On comprend le vertige qui la saisit dans ce moment de bascule de l’Histoire. Que l’Ukraine en guerre, la Moldavie menacée ou la Bosnie qui peine encore à panser ses plaies soient aujourd’hui candidates à l’Union européenne n’a rien d’anodin et déclenche des questionnements légitimes.

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Souvenons-nous : chaque fois que de nouveaux Etats ont voulu adhérer, les opinions publiques des pays fondateurs se sont fortement interrogées. Le Royaume-Uni a dû s’y reprendre à plusieurs fois pour rejoindre la Communauté économique européenne. L’entrée en bloc de dix pays en 2004 a suscité de fortes réticences. La réunification allemande elle-même avait reçu un accueil mitigé de certains, souvent les mêmes qui s’opposent à tout nouvel élargissement.

On constate aujourd’hui combien leurs craintes étaient infondées et à quel point l’Union européenne s’est renforcée en s’agrandissant. La surprise qui a saisi les 27 au moment du Brexit en témoigne, tant la décision prise par le peuple britannique est apparue hasardeuse et contraire au sens de l’Histoire.

Accroître notre sécurité

Depuis, notre continent a vu revenir la guerre et l’on comprend que le contexte dans lequel se profile un nouvel élargissement interpelle les opinions publiques. Non seulement l’Ukraine fait face à une agression brutale, mais c’est sans conteste son aspiration à nous rejoindre que combat Vladimir Poutine. Le régime russe s’en prend en outre à nos démocraties à coups de guerre hybride et nul ne peut plus ignorer son hostilité à notre égard.

Or c’est précisément en allant vers un nouvel élargissement que nous serons en mesure d’accroître notre sécurité, en éliminant les zones d’instabilité de notre voisinage et en accroissant la taille du bloc européen face aux géants russe, chinois, indien et américain.

Pour autant, il est plus que jamais indispensable que le processus d’adhésion se fasse par étapes, individuellement et selon les mérites propres de chacun. Aucune date artificielle ne peut être fixée à l’avance. Priorité doit être donnée à la consolidation de la démocratie, de l’état de droit, à la lutte contre la corruption, au renoncement clair à des relations privilégiées avec des pays hostiles et à une convergence mesurable avec les pays déjà membres de l’Union européenne.

S’agissant de l’Ukraine, ouvrir les négociations d’adhésion s’impose à l’évidence, en dépit de l’ampleur du défi que cela suppose pour Kyiv comme pour nous. Pour autant, le pays n’entrera pas formellement dans l’Union avant qu’il ne soit en paix. Il conviendra en outre de prévoir un statut particulier pour les produits agricoles ukrainiens, dont la vocation est l’exportation et la consommation hors d’Europe.

Il est en revanche indispensable de mettre fin une fois pour toutes à la fiction d’une candidature de la Turquie, ce pays ayant souverainement choisi une autre voie qui l’éloigne des valeurs fondamentales de l’Union européenne. Clarifier la nature de notre relation avec Ankara devrait permettre d’inventer et d’assumer un partenariat spécifique avec ce pays voisin.

Une Europe à plusieurs vitesses

Une Europe plus vaste doit être aussi plus forte. Il faut ainsi assumer d’aller vers une Europe à plusieurs vitesses. Tous les pays ne peuvent pas avoir le même niveau d’intégration européenne quand ils n’ont pas atteint un niveau de convergence suffisant. La Communauté politique européenne permet d’ores et déjà de les réunir dans l’intervalle. Il doit y avoir plusieurs manières de participer au destin commun de l’Europe sans être nécessairement membre de l’Union européenne.

Il est enfin urgent d’entamer la réforme de l’Union européenne elle-même, qui doit avancer en parallèle avec la perspective de son élargissement.

Qu’il s’agisse d’élargir l’Union européenne ou de la réformer, la tâche est titanesque et requerra l’assentiment de tous. Pour autant, nous aurions tort de reculer devant l’obstacle et de manquer de confiance en nous-mêmes : aucun autre espace politique au monde n’attire autant de pays et de peuples désireux de le rejoindre librement, souverainement et sans y être contraints. C’est une fierté et nous ne devons pas craindre de relever ce défi avec eux.


CONTRE

Thierry Mariani, député européen (Rassemblement national / ID), membre de la commission des Affaires étrangères au Parlement européen

“Elargir encore l’Union européenne, c’est affaiblir de nouveau la souveraineté de la France”

Tous les prophètes ne prêchent pas dans le désert. C’est à l’Assemblée nationale, le 5 mai 1992, que Philippe Seguin prêcha à l’occasion des débats sur le traité de Maastricht. Celui qui voulait une Europe, mais une Europe qui ne trahît pas l’essence même de notre pays, assénait : “La souveraineté, cela ne se divise pas ni ne se partage et, bien sûr, cela ne se limite pas.”

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Or c’est bien à la souveraineté nationale de la France que l’élargissement de l’Union européenne attente régulièrement. En 2004 puis en 2007, Bruxelles a intégré douze nouveaux Etats. Ces Etats participent d’une histoire qui est certes marquée par notre culture européenne mais dont le roman national, les intérêts stratégiques et la mémoire du XXe siècle divergent largement des ambitions et des dispositions initiales des pays fondateurs de l’UE.

Nombre de ces pays jugent que leur sécurité est assurée par la participation au traité de l’Atlantique Nord, que leur proximité avec les Etats-Unis est plus importante que le renforcement des puissances européennes, que l’abandon de leurs libertés nationales au bénéfice de la Commission européenne est un compromis acceptable pour leurs peuples. En somme, l’inverse de la vocation historique de la France en Europe.

La masse de ces pays a mécaniquement déplacé le centre de gravité de l’Union européenne vers l’Europe orientale. L’intégration de nouveaux pays candidats empirerait la situation. Ceux des Balkans sont marqués par des ingérences permanentes de pays tiers (Turquie, Etats-Unis, Chine) et des cicatrices de l’histoire encore mal suturées, sans parler du poids des mafias dans certains d’entre eux. Quant aux Etats du Caucase, ils ne font pas partie de l’Europe et projetteraient l’UE, et donc la France, dans des tensions géopolitiques supplémentaires, avec la Russie, certes, mais également avec l’Iran, la Turquie et même certains Etats d’Asie centrale.

Enfin, l’intégration à marche forcée de l’Ukraine et de la Moldavie ne pourrait se faire à terme qu’en dérogeant à l’intégralité des règles européennes en matière de pré-adhésion et déstabiliserait les frêles équilibres des budgets européens. Ainsi, la politique agricole commune ne pourrait pas supporter l’intégration des 42 millions d’hectares de surface agricole ukrainienne, alors que celle de la France est de 26,7 millions.

Une Union européenne obèse n’irait pas mieux qu’une Union européenne en surpoids

Dans le discours que je citais plus haut, Philippe Seguin continuait : “La coopération, la concertation, même quand elles sont poussées très loin, s’accommodent très bien du droit de véto. On peut même dire que le véto est le meilleur stimulant de la concertation puisqu’il oblige à prolonger la négociation jusqu’au consentement général des Etats. C’est d’ailleurs sur cette philosophie qu’était fondé, j’y reviens, le fameux compromis de Luxembourg, qu’après ‘la politique de la chaise vide’, de Gaulle imposa à nos partenaires et qui n’a pas empêché, bien au contraire, le développement d’une politique agricole commune.”

La révision de la prise de décision au Conseil, c’est-à-dire la suppression à terme du droit de véto, notamment sur les sujets de politique étrangère et de sécurité, est présentée partout comme le préalable à un nouvel élargissement. La France tire-t-elle déjà profit des décisions prises à la majorité qualifiée au Conseil, par exemple pour la défense de son agriculture ou la négociation en matière d’accords commerciaux ? D’évidence, non. Comment imaginer que notre pays, membre du Conseil de sécurité de l’ONU et seul détenteur de l’arme nucléaire au sein de l’UE, aurait le moindre intérêt à diluer sa force en la soumettant à d’éventuelles décisions prises sans son accord au Conseil et qui contreviendrait à ses intérêts ?

L’élargissement n’est pas à l’ordre du jour en Europe : l’intégration de nouveaux candidats ne présente aucun intérêt pour la France. Pire, elle serait instrumentalisée par nos concurrents au sein de l’UE pour nous contraindre à concéder de nouveaux abandons de souveraineté.


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1 commentaire

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    duarte

    Je suis contre le élargissement moi je pense que ce mieux pour le moment de bien travailler pour un bon équilibre des 27 actuel Oui plus tard si toutes les conditions sont bien rempli =ukraine non moldavie non
    bosnie réservé ce ma penser pour le bien de nous touts