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[Pour / Contre] Le Pacte asile et migration : une solution pour l’Union européenne ?

A l’invitation de Toute l’Europe, deux députés européens confrontent leurs idées sur un sujet d’actualité brûlant. Fabienne Keller (Renaissance - Renew Europe) et Damien Carême (Europe Ecologie Les Verts - Verts/ALE) s’opposent dans ce “Pour/Contre” sur le Pacte asile et migration de l’Union européenne.

POUR-CONTRE KellerCarême

POUR

Fabienne Keller, députée européenne Renew Europe, questeure du Parlement européen.

“Gérer, en Européens, le défi migratoire”

Depuis 2020, je me bats pour l’adoption du Pacte asile et migration, qui va permettre de gérer plus efficacement nos frontières extérieures communes tout en accueillant mieux les personnes qui peuvent l’être. Ce Pacte est une réponse sans précédent au défi migratoire, qui réunit une majorité centriste entre fermeté et humanité, très loin des fausses solutions comme la construction de murs aux frontières ou l’accueil incontrôlé de tous les migrants.

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En 2015, l’Europe a vécu une grave crise migratoire, qui a démontré sa faiblesse sur les procédures d’asile et la solidarité entre les Etats membres, et mis en relief la nécessité de réformer en profondeur notre système d’asile et de migration.

C’est tout l’objectif du Pacte asile et migration : mettre en place une gestion européenne de la migration et de l’asile. Il s’agit d’un défi avant tout européen, alors que nous vivons dans un espace de libre circulation. Les migrants cherchent à rejoindre l’Europe dans son ensemble, cela dépasse le seul cadre national. Il nous faut donc des politiques nationales puissantes, en pleine harmonie avec le Pacte européen qui fixe un cadre commun aux 27 Etats membres.

Accélérer les procédures d’asile

Le Pacte asile et migration va considérablement améliorer la gestion des demandes d’asile dans tous les Etats membres.

Le règlement sur les procédures d’asile, pour lequel j’étais rapporteure, prévoit de mettre en place des procédures d’asile plus justes et plus efficaces, afin d’assurer un accès rapide au statut de réfugié pour les personnes qui y ont le droit. Il va en plus permettre d’accélérer l’examen des demandes d’asile pour les personnes qui ont peu de chances de recevoir la protection internationale. Personne n’a intérêt à prolonger ces procédures, ni les Etats, ni les demandeurs d’asile eux-mêmes.

Avec mon groupe Renew Europe, nous avons obtenu plusieurs victoires. D’abord, grâce à notre action, les procédures d’asile sont désormais harmonisées, c’est-à-dire que tous les demandeurs d’asile sont soumis aux mêmes règles dans chacun des Etats membres. Ensuite, nous avons obtenu des garanties importantes en matière de respect des droits fondamentaux des demandeurs d’asile, en particulier dans la procédure d’asile à la frontière. Chaque Etat membre devra désigner un organe indépendant chargé du contrôle des droits fondamentaux dans ces procédures.

Assurer la solidarité entre Etats membres

Autre avancée majeure grâce au Pacte asile et migration, nous mettons en place un mécanisme de solidarité inédit à l’échelle européenne. Ce mécanisme a pour objectif de faciliter la coordination entre les Etats membres et soutenir ceux qui sont soumis à des pressions migratoires soudaines, comme Lampedusa en septembre 2023 où je me suis rendue. Avec la mise en place de ce mécanisme sans précédent, cet épisode de crise migratoire ne se reproduira plus. Les demandeurs d’asile seront répartis entre les Etats membres pour éviter toute paralysie d’un territoire européen et la dégradation des conditions de vie des personnes dans les centres d’accueil.

Une fois adopté, le grand défi qui nous attend, pour la prochaine législature, est la bonne mise en œuvre des nouvelles règles dans les Etats membres, de manière uniforme et fidèlement à l’esprit voulu par le législateur européen.

Le Parlement européen va pleinement jouer son rôle de contrôle et de vigie afin de s’assurer que les garanties en matière de droits fondamentaux soient bien respectées dans cette phase de mise en œuvre.


CONTRE

Damien Carême, député européen Verts/ALE, membre de la commission des Libertés civiles au Parlement européen, candidat de la liste La France insoumise aux élections européennes 2024. 

“Un Pacte avec le diable. Un cadeau à l’extrême droite”

À chaque échéance électorale, les partis politiques européens du centre (macronistes), de droite (LR) et sociaux-démocrates (PS) s’évertuent à donner des gages de fermeté sur les questions migratoires à un électorat qui en ferait sa priorité, au grand bénéfice des extrêmes droites (RN et Reconquête). Outre que cette thématique n’arrive qu’au 3ème rang des préoccupations des Européens - derrière le pouvoir d’achat et la situation internationale - s’obstiner à durcir des politiques inefficaces et cruelles est au mieux inutile, au pire contraire à nos valeurs, aux droits européen et international. Criminel même.

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Néocolonialisme et Europe forteresse

L’adoption du Pacte européen sur la migration et l’asile s’inscrit parfaitement dans ce cadre. Militarisation des frontières, sous-traitance des procédures d’asile à des pays tiers non sûrs, recours massif à la privation de liberté - y compris des enfants - filtrage et “tri” selon les nationalités, refoulements illégaux, concept fumeux et funeste de “fiction de non entrée”, dangerosité accrue des parcours d’exil… Pour celles et ceux qui ont pensé et s’apprêtent à adopter ce Pacte avec le diable, il n’a jamais été question de tirer de leçons. Ni du succès de la réponse à la crise ukrainienne, ni des nombreuses défaillances du règlement de Dublin. Car il ne s’agissait pas d’élaborer un système équilibré adapté aux enjeux, respectant à la fois les valeurs européennes et la dignité des exilés, mais bien d’empêcher à tout prix leur arrivée sur le sol européen.

Tant pis si, par les nombreuses dérogations au droit qu’il permet, le Pacte marque la fin du régime d’asile européen commun. Tant pis si ces politiques généraliseront les “crises” de l’accueil, comme celle qu’a connue l’île italienne de Lampedusa en septembre 2023. Tant pis si, en leur refusant une protection, elles maintiennent les exilés dans des situations d’errance et d’extrême précarité.

Ni solidarité, ni humanité

Celles et ceux qui, pour justifier leur soutien au Pacte de la honte, se raccrochent maladroitement à l’instauration d’un mécanisme de solidarité, n’ont soit rien compris aux textes qu’ils défendent, soit font preuve d’un terrible cynisme. Car c’est une solidarité qui n’en a que le nom et dont l’objectif à peine voilé n’est autre que l’externalisation de nos politiques d’asile. La responsabilité des Etats membres dits de première entrée, pierre angulaire et principale faille du règlement de Dublin à l’origine de la saturation des systèmes d’accueil italiens ou grecs, est non seulement confirmée mais elle est même prolongée dans le temps en passant de 12 à 20 mois. En n’imposant pas une relocalisation équitable obligatoire des exilés au sein de l’UE, les Etats pourront continuer à se décharger de leurs responsabilités, y compris en finançant des projets dans des pays tiers peu respectueux des droits fondamentaux. Ni solidarité, ni responsabilité.

Tapis rouge pour les extrêmes droites

Ce Pacte, qui ne résout rien mais aggrave tout, crée une démarcation claire entre les “perdants” et les “gagnants”. D’un côté les exilés, l’état de droit et les Etats membres situés aux frontières extérieures de l’UE, de l’autre la Commission européenne, les partisans d’une ligne dure et les passeurs qui s’adapteront et engrangeront toujours plus de bénéfices. Avec le risque accru de voir s’ajouter d’autres drames de la migration, d’autres morts tragiques aux 23 000 déjà recensées en Méditerranée depuis 2014.

Plus grave encore, le Pacte consacre les idées abjectes des extrêmes droites à quelques semaines d’élections où elles sont partout en embuscade. Des extrêmes droites qui jouent les insatisfaites d’un Pacte qui serait encore trop permissif à leur goût, mais qui en votent les pires éléments, et jubilent.

Maire de Grande-Synthe pendant 19 ans, puis député européen, j’ai fait de l’accueil digne des exilés et de la protection des plus vulnérables mon combat. Ce Pacte du diable n’est, selon moi, ni plus ni moins qu’un cadeau à l’extrême droite. C’est à la fois l’échec et la honte de l’Union européenne.


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