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[Pour / Contre] Faut-il encore conclure des accords de libre-échange ?

A l’invitation de Toute l’Europe, deux députées européennes confrontent leurs idées sur un sujet d’actualité brûlant. Manon Aubry (LFI) et Marie-Pierre Vedrenne (Renew) s’opposent dans ce “Pour/Contre” - Faut-il encore conclure des accords de libre-échange ?

POUR

Marie-Pierre Vedrenne, présidente de la délégation française du groupe Renew Europe, vice-présidente de la commission du Commerce international au Parlement européen.

“Bâtir une influence commerciale commune plutôt que prôner un isolement mortifère”

Depuis 2019, mon ambition a été de réformer notre politique commerciale européenne et de concrétiser le passage d’une politique libre-échangiste à une politique du juste échange. Le commerce ne doit jamais constituer une fin en soi, mais doit demeurer un instrument international de paix, de stabilité, de prospérité et de souveraineté.

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Ceux qui s’opposent caricaturalement et sans nuance à tout accord de commerce ne sont pas responsables. Ce sont des démagogues qui n’alimentent pas les débats sur des réalités factuelles, environnementales et économiques.

Le chemin qui devrait collectivement nous animer, d’autant plus dans un monde de confrontation, devrait être celui du renforcement de l’unité européenne, de la défense de nos ambitions et de nos intérêts. Le changement de paradigme que j’ai incarné a trouvé des premières traductions tangibles avec d’une part, le renforcement de notre arsenal législatif et d’autre part, le façonnement du contenu des accords de commerce. 

Du libre-échange au juste échange

Français et Européens, nous n’avons aucun intérêt géopolitique, économique, écologique à nous replier derrière des frontières. Aucun. L’autarcie ne nous permettra jamais de répondre à notre promesse d’une relance innovatrice économiquement, responsable écologiquement et juste socialement.

L’absence d’accord ou de cadre juridique ne nous rendrait que plus dépendants d’une énergie carbonée produite par la Russie de Poutine, de vêtements issus du travail forcé ou encore de matières premières extraites et transformées sur une logique de prédation par la Chine communiste. Il faut sortir de ces liaisons dangereuses avec une politique commerciale plus forte et plus unie. Une politique qui renforce notre marché intérieur face aux mesures de rétorsion économique qui le fragmentent.

Des accords “nouvelle génération” doivent constituer un levier pour bâtir notre indépendance, un moyen pour atteindre la neutralité carbone, un outil pour défendre nos intérêts économiques, un instrument pour promouvoir nos valeurs et nos standards. Notre engagement doit être notre crédibilité à sculpter une politique commerciale ouverte, durable et ferme, et non cristalliser un isolement porté par toutes nos oppositions politiques françaises.

Des règles bilatérales efficaces plutôt que l’absence de cadre multilatéral

Les échanges ont toujours eu lieu, et ne cesseront jamais. Par ailleurs, faire croire qu’une opposition française binaire à tous les accords de commerce résoudra les enjeux de concurrence déloyale auxquels nous sommes confrontés est d’une naïveté crasse et d’une malhonnêteté intellectuelle. C’est pourquoi nous devons continuer d’agir pour une réforme de l’Organisation mondiale du commerce afin de retrouver enfin un système multilatéral adéquat et opérationnel.

Face aux blocages internationaux, nous préférons instaurer des règles bilatérales plutôt que rester dans la jungle mondiale. Ainsi, notre engagement fut de faire évoluer le contenu des accords européens pour réformer les chapitres relatifs au développement durable, protéger les savoir-faire grâce aux indications géographiques, garantir un traitement équitable pour les investisseurs européens, renforcer les clauses de sauvegarde et intégrer des sanctions en cas de non-respect des engagements. Avec un partenaire néo-zélandais enclin à adopter ces normes, des avancées significatives ont déjà été réalisées. La ratification d’un accord commercial marque le début du processus. La pleine mise en œuvre des engagements réciproques demeure l’objectif ultime. Cet accord ouvre la voie à un avenir commercial plus équitable, respectueux de l’environnement et conforme aux valeurs et aux aspirations de l’Union européenne. Nous y veillerons, nous savons que le chemin ne s’arrête pas là. Notre combat pour la concrétisation de plus de réciprocité des normes est au cœur de notre action avec l’adoption des mesures miroirs. Alors soyons influents et unis pour gagner cette nouvelle bataille.


CONTRE

Manon Aubry, députée européenne La France insoumise, co-Présidente du groupe de La Gauche au Parlement européen.

“Sortir du libre-échange et repenser notre politique commerciale”

Il est urgent d’en finir avec ces accords, qui sont un désastre économique, social et écologique ! Concrètement, quelle est la logique du libre-échange ? Il s’agit de se débarrasser des droits de douane dans l’objectif d’augmenter les échanges de marchandises. L’Union européenne a déjà signé plus de 40 accords avec des pays du monde entier, et en négocie actuellement plus d’une dizaine dont celui avec le Mercosur.

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En pratique, la fable d’une mondialisation heureuse grâce au commerce international est un mensonge pur et simple.

L’agriculture est un cas d’école des ravages des accords de libre-échange : ils mettent en concurrence nos agriculteurs avec des pays dont les normes sociales, sanitaires et environnementales sont radicalement différentes.

Prenons l’exemple du Brésil, avec lequel l’Union européenne est sur le point de conclure un accord qui va notamment augmenter les importations de viande. Comment voulez-vous qu’une petite exploitation familiale du Morvan soit compétitive vis-à-vis de la ferme-usine géante du Roncador, qui fait 10 fois la taille de Paris et élève 70 000 bœufs ?
Non seulement la ferme-usine brésilienne paie ses travailleurs une misère, mais elle utilise pléthore de pesticides, antibiotiques et OGM interdits en France et dans l’Union européenne, si bien que le prix final de sa production sera beaucoup plus bas que celui de l’éleveur du Morvan. Nos paysans ne parviennent déjà pas à vivre décemment de leur métier, tant ils sont pressurisés par les industriels et les grandes surfaces qui se gavent avec des marges considérables. Leur imposer une concurrence déloyale supplémentaire en signant des accords de libre-échange à tour de bras est irresponsable.

Augmentation des gaz à effet de serre

Plus fondamentalement, il faut se poser la question suivante : quel est l’intérêt de faire venir de l’autre bout du monde ce que nous produisons déjà ici ? Pour faire venir de la viande, du lait, du beurre et du fromage depuis la Nouvelle-Zélande, un porte-conteneur doit parcourir au moins 20 000 km en 40 jours. C’est une folie ! Sans même parler des roses du Kenya livrées directement en avion-cargo pour arriver moins d’une semaine plus tard à la Bourse aux fleurs d’Amsterdam puis être redistribuées dans toute l’Europe par camion…

Les produits importés représentent déjà la moitié de l’empreinte carbone de l’alimentation des Français. En augmentant ainsi les flux de marchandises, on augmente aussi sans fin les émissions de gaz à effet de serre.

L’enjeu n’est pas seulement écologique : il en va aussi de notre souveraineté et de notre autonomie. Le libre-échange, et la spécialisation à outrance de l’économie qu’il entraîne, fait tout l’inverse. Il nous rend dépendants de pays tiers pour nous approvisionner en biens essentiels, par exemple en médicaments et en masques. Le Covid-19 en a été parfaitement révélateur. Idem sur les produits du quotidien : nous importons 97 % de nos vêtements, alors que nous savions parfaitement produire du textile. Mais le libre-échange est passé par là, causant délocalisations, désindustrialisation et destruction massive d’emplois.

Réindustrialiser et relocaliser

Il est indispensable de réindustrialiser et de relocaliser la production des biens essentiels. Nous devons réduire au maximum les échanges internationaux, en augmentant en parallèle les échanges nationaux, régionaux et locaux. Un tel changement serait par ailleurs pourvoyeur de millions d’emplois.

Tout cela est parfaitement impossible avec la politique commerciale actuelle de l’Union européenne, qui continue de signer des accords avec la Terre entière pour faire de la planète un grand marché. Cette politique à laquelle mon groupe de la Gauche au Parlement européen est le seul à s’opposer nous emmène droit dans le mur. Le libre-échange “juste et écologique” est une chimère à laquelle s’accrochent les défenseurs d’un système économique à bout de souffle. Il faut en sortir de toute urgence !


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2 commentaires

  • Avatar privé
    duarte

    je suis contre les accord de libre échange canaqa Bresil Amerique Russie Ukrene chine inde =des touts les produits alimentaire =restont en Europe

  • Avatar privé
    Diamant

    Je souhaite une politique d’échange qui tient compte des différences de niveau de vie, de coût de production, de revenus de production et de distribution qui permettent de bien vivre de son travail. Déshabiller les uns au profit des autres est absurde et inutile.