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Assises européennes du long terme : “L’investissement social est majeur pour créer de l’emploi, de la croissance et du revenu”

La Sixième édition des Assises européennes du long terme a mis en avant la nécessité de se doter d’une véritable politique publique d’investissement à l’échelon européen. Notamment pour soutenir le modèle social européen face aux nécessaires transitions écologique, numérique et énergétique engagées par l’Union européenne.

A la tribune pour débattre de la politique d'investissement de long terme dans le domaine social (de gauche à droite) : Michel Derdevet, président de Confrontations Europe ; Antoine Kasel, chef de cabinet du commissaire Schmidt ; Sylvie Brunet, eurodéputée Renew Europe ; Christophe Lefèvre (CESE) et Philippe Blanchot, Groupe Caisse des Dépôts
A la tribune pour débattre de la politique d’investissement de long terme dans le domaine social (de gauche à droite) : Michel Derdevet, président de Confrontations Europe ; Antoine Kasel, chef de cabinet du commissaire Schmit ; Sylvie Brunet, eurodéputée Renew Europe ; Christophe Lefèvre (CESE) et Philippe Blanchot, Groupe Caisse des Dépôts - Crédits : Toute l’Europe 

L’investissement de long terme sera-t-il au cœur des travaux et des décisions de l’Union européenne lors de la prochaine mandature (2024-2029) ? Cette question est cruciale compte-tenu des nombreux défis auxquels l’UE est confrontée, que l’on parle des transitions écologique et numérique, mais également de politique sociale ou encore de relance industrielle et de défense avec la volonté d’établir une autonomie stratégique.

Il y a quelques années, l’investissement de long terme suscitait peu d’intérêt. Mais la succession des crises a cruellement mis en lumière la nécessité d’avoir une vision lointaine.” En ouvrant la Sixième édition des Assises européennes du long terme, mardi 20 février au Parlement européen à Bruxelles, l’eurodéputé Dominique Riquet (Renew Europe) ne cachait pas sa satisfaction quant à ce regain d’intérêt et posait la question du rôle clé de cette politique publique face à un panel d’acteurs de l’investissement à long terme en Europe.

Si le sujet de l’investissement dans les transitions écologique et numérique fait consensus aujourd’hui, deux secteurs captant une large part des financements européens, qu’en est-il du soutien au modèle social européen ? Qu’en est-il de l’impact social des transitions ainsi engagées avec l’ambition “de ne laisser personne au bord du chemin”, comme le dit régulièrement la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ? Ou plus précisément d’assurer une transition juste et donner à chaque citoyen européen un accès aux services essentiels, tel qu’indiqué dans le Socle européen des droits sociaux. “L’investissement social est majeur”, explique ainsi Antoine Kasel, chef de cabinet de Nicolas Schmit, commissaire à l’Emploi et aux droits sociaux qui plaide pour de nouveaux endettements communs, afin de garantir la cohésion sociale.

Nous avons vu avec la crise du Covid que le soutien social est essentiel”, poursuit Antoine Kasel, soulignant l’erreur commise lors de la crise financière en 2008-2010 où le “robinet avait été coupé ! Il faut soutenir, pour créer de l’emploi, de la croissance et du revenu, mais aussi pour développer le bien-être. Avec l’investissement social nous avons un win-win (gagnant-gagnant, NDLR).” Et les défis à relever pour l’UE sont nombreux, cités pêle-mêle par Sylvie Brunet, eurodéputée Renew Europe, membre de la Commission de l’emploi et des affaires sociales : “faire face à l’accroissement de l’âge de la population, assumer le soutien aux structures du secteur sanitaire et social, renforcer la formation et l’acquisition de nouvelles compétences, et toujours lutter contre la précarité qui touche de plus en plus de jeunes”.

Si, en réponse à la multiplication des crises, la politique de l’emploi et de la protection sociale est montée en puissance ces dernières années avec une augmentation des initiatives et de la législation, elle n’est pas une compétence forte de l’UE. Cette politique dépend toujours en grande partie des Etats membres, très attachés à leur souveraineté en matière sociale, alors que les inégalités sociales, la santé publique et le soutien à l’économie restent en tête des sujets de préoccupation des Européens.

En ce qui concerne l’Europe sociale, on peut souligner deux modes d’intervention de l’UE : œuvrer à la coordination des systèmes nationaux de protection sociale (ex. la directive sur les salaires minimaux adoptée en octobre 2022) et la redistribution par les fonds européens. C’est essentiellement à travers le Fonds social européen (FSE+) d’un montant de 88 milliards d’euros sur la période 2021-2027, que l’UE dispense ses programmes dédiés à la formation, à la jeunesse, à la lutte contre la pauvreté. Fonds auquel on peut également ajouter le Plan de relance, le Fonds de transition juste (FTJ) et surtout InvestEU, le programme d’investissement de l’UE déployé par la Banque européenne d’investissement (BEI) et les institutions financières telles que la Caisse des Dépôts, destiné à soutenir les infrastructures durables, les PME, l’innovation et les activités sociales. “On estime que les transitions numérique, énergétique et environnementale ne pourront se réaliser sans justice sociale et territoriale ; On voit bien que ce sont ces fractures qui nourrissent les populismes”, explique Philippe Blanchot, directeur des Relations institutionnelles, internationales et européennes du Groupe Caisse des Dépôts.

La cohésion sociale et territoriale, c’est l’ADN de la Caisse des Dépôts, avec notamment une mission historique en matière de logement social à long terme et très long terme”, poursuit-il, expliquant l’intérêt d’impliquer une institution financière publique. “Nous attribuons des prêts de 15 à 60 ans, voire 80 ans, auxquels les banques commerciales ne peuvent pas répondre, à un taux unique et des remboursements fixes. Une action qui est favorisée par les partenariats signés avec les instances européennes, je pense notamment à InvestEU qui permet une addition de financements et qui est très porteur.” 

Logement social, redynamisation des centres-villes, inclusion numérique et formation, puisque la Caisse des Dépôts est le concepteur et l’opérateur en France du compte personnel de formation, sont quelques-uns des domaines d’intervention. “L’ensemble de cette stratégie par pays se coordonne et se vit aussi à l’échelon européen”, précise encore Philippe Blanchot, rappelant que le Groupe Caisse des dépôts siège au sein de l’Association européenne des investisseurs de long terme (ELTI), le club européen des banques et institutions financières publiques qui tient un rôle essentiel dans la dynamique d’investissement au sein des territoires. En 2022, les membres de l’ELTI ont engagé de nouveaux financements pour plus de 320 milliards d’euros.

Pour libérer encore les investissements nécessaires dans le domaine social, Antoine Kasel avance des propositions : “créer des incitants pour dynamiser les investissements dans le secteur privé, avec une taxonomie sociale ; exclure la contribution nationale de chaque pays au budget de l’UE du calcul de l’endettement et du déficit budgétaire pour satisfaire aux critères du Pacte de stabilité”. L’importante capacité d’investissement en Europe n’est pas démentie par tous les acteurs et intervenants sur le sujet, mais c’est plutôt une demande “de stabilité réglementaire” qui est souhaitée, comme le dit à nouveau Dominique Riquet : “si on veut se doter d’une véritable politique d’investissement de long terme au niveau de l’UE.” Un point central pour l’eurodéputé Renew Europe, qui termine son troisième mandat, et ne se représentera pas. Mais il lance néanmoins le travail de la prochaine législature. 

La Sixième édition des Assises européennes du long terme s’est tenue le 20 février 2024, dans les salons du Parlement européen à Bruxelles. Cette matinée d’échanges et de travail était organisée par le think tank Confrontations Europe présidé par Michel Derdevet, le Groupe Caisse des Dépôts et l’Intergroupe “Investissements durables à long terme et industrie européenne compétitive” présidé par Dominique Riquet (Renew Europe). Deux tables rondes étaient au programme, la première sur le thème du “soutien aux transitions écologique et numérique” et la seconde, dont les témoignages de cet article sont issus, sur le thème du “soutien au modèle social européen” avec Ludovic Voet, secrétaire confédéral de la Confédération européenne des syndicats ; Antoine Kasel, Chef de cabinet du Commissaire Nicolas Schmit ; Philippe Blanchot, directeur des Relations institutionnelles, internationales et européennes du Groupe caisse des Dépôts et Sylvie Brunet, eurodéputée (Renew Europe) membre de la commission de l’Emploi et des affaires sociales. 

Les débats étaient animés par Christophe Lefèvre (Comité économique et social européen).

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