C’est après avoir inscrit le titre “Emploi” dans le traité d’Amsterdam en 1997 que les dirigeants européens ont lancé la Stratégie européenne de l’emploi (SEE), au sommet européen exceptionnel sur l’emploi de Luxembourg la même année. L’objectif ? Coordonner les politiques nationales dans ce domaine.
En mars 2010, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie sur dix ans, destinée à relancer l’économie européenne. Intitulée Europe 2020, celle-ci réforme et prolonge la précédente stratégie de Lisbonne par une gouvernance plus étroite au sein de l’Union.
En avril 2012, la Commission a également présenté un “paquet Emploi” , dans le but de parvenir à une collaboration plus aboutie des politiques nationales pour l’emploi et à la mise en place d’outils communautaires pour améliorer l’accès au travail.
Réduire le taux de chômage en Europe représente l’un des plus grands chantiers de l’Union européenne. L’autre volet de l’action européenne est celui de la protection sociale et de la lutte contre l’exclusion sociale.
Les origines de la politique européenne de l’emploi et de la protection sociale
Le traité de Rome (1957) ne comportait que peu d’articles visant la politique sociale de manière spécifique. Les dispositions dans ce domaine concernaient essentiellement la mise en œuvre de la libre circulation des travailleurs et la liberté d’établissement dans le cadre du marché commun.
L’Acte unique européen (1986) a consacré une place plus importante à la politique sociale, notamment dans le domaine de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, du dialogue avec les partenaires sociaux et de la cohésion économique et sociale.
Le volet social avance avec le traité de Maastricht (1992), et plus particulièrement avec le protocole sur la politique sociale.
Quant à l’emploi, c’est le traité d’Amsterdam (1997) qui est venu insérer la promotion d’un “niveau d’emploi élevé” dans les objectifs de l’UE.
Bien que relevant avant tout de la compétence des Etats membres, la politique de l’emploi constitue désormais une “question d’intérêt commun” . Ainsi, l’UE dispose d’un outil juridique permettant de coordonner les politiques de l’emploi des pays de l’UE au sein d’une stratégie commune. Elle doit également soutenir les actions des ces derniers et au besoin les compléter.
De nombreuses politiques communautaires contribuent de fait au développement de l’emploi : politique d’éducation et de la formation, politique régionale, politique de la recherche et du développement technologique…
La stratégie européenne de l’emploi
Avant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam en 1998, le sommet extraordinaire de Luxembourg sur l’emploi de novembre 1997 a lancé la stratégie européenne pour l’emploi (SEE), ou processus dit “du Luxembourg” , lequel fait l’objet d’une relance en 2005.
Tout en maintenant la politique de l’emploi en tant que compétence nationale, la SEE amène les Etats membres à définir chaque année des objectifs communs en la matière au niveau communautaire. La Commission met en forme ces objectifs, avant leur adoption par le Conseil. Ces recommandations s’inscrivent ensuite dans les Plans nationaux pour l’emploi (PNAE), que chaque Etat membre élabore une fois par an. Le mode d’action reste donc intergouvernemental, étant donné que l’UE ne considère pas la politique de l’emploi comme une compétence communautaire, en vertu du principe de subsidiarité.
En 2000, la stratégie de Lisbonne est lancée pour 10 ans. Celle-ci pose alors les lignes directrices de la politique économique de l’UE, prévoyant d’aboutir à “l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale” . C’est dans ce cadre qu’est notamment mise en place la méthode ouverte de coordination (MOC), qui est un instrument de politique publique souple d’incitation et d’évaluation, utilisé en particulier dans le cadre des politiques de l’emploi et de la protection sociale.
Face aux chiffres alarmants du chômage, la Commission européenne a adopté en avril 2012 une série de mesures visant à encourager l’emploi. Ce “paquet Emploi” comporte trois principaux objectifs :
- Soutenir la création d’emplois
Pour y parvenir, la Commission préconise de réduire la fiscalité du travail, d’utiliser efficacement les subventions à l’embauche et d’exploiter le potentiel de secteurs clés tels que l’économie verte, les technologies de l’information et de la communication (TIC) et la santé.
- Rétablir la dynamique des marchés de l’emploi
La Commission invite tous les acteurs concernés à mettre en œuvre les réformes nécessaires et permettre aux travailleurs d’être aidés pour changer d’emploi, revenir sur le marché du travail et circuler plus facilement dans l’UE. L’Union doit investir dans les compétences sur la base d’une prévision et d’un suivi plus efficaces des besoins.
- Renforcer la gouvernance des politiques en matière d’emploi
Les pays de l’UE doivent être aidés pour assurer un meilleur suivi de ces politiques.
Coordination des politiques de l’emploi : principales étapes
La stratégie européenne pour l’emploi propose un cadre permettant aux pays de l’UE de partager les informations, de discuter des politiques en matière d’emploi et de les coordonner.
Un examen annuel de la croissance est réalisé selon plusieurs étapes. Il définit les priorités de l’UE pour l’année à venir afin de stimuler la croissance et la création d’emplois et marque le lancement du semestre européen, qui encourage une coordination renforcée entre les politiques économiques et budgétaires des gouvernements.
- Les lignes directrices pour l’emploi
Proposées par la Commission européenne et adoptées par les gouvernements nationaux, elles fixent les priorités et les objectifs communs pour les politiques nationales de l’emploi. Elles sont approuvées par le Conseil de l’UE.
- Le rapport conjoint sur l’emploi
Ce rapport qui fait partie de l’examen annuel de la croissance comporte une évaluation de la situation de l’emploi en Europe, la mise en œuvre des lignes directrices pour l’emploi et l’examen des projets de programmes nationaux de réforme (voir plus bas) par le comité de l’emploi. Il est publié par la Commission et adopté par le Conseil de l’UE.
- Les programmes nationaux de réforme (PNR)
Ce sont les gouvernements des Etats membres qui les présentent. Ils sont ensuite analysés par la Commission européenne chargée de vérifier s’ils sont conformes à la stratégie Europe 2020.
- Les recommandations spécifiques par pays
Elles sont publiées par la Commission sur la base d’une évaluation des PNR.
Santé et sécurité au travail
Chaque pays établit sa propre réglementation en matière de santé et de sécurité au travail, à laquelle sont soumis tous les employeurs et les travailleurs qui exercent dans le pays. Cependant, le droit européen fixe les conditions minimales que chaque Etat membre de l’Union européenne doit remplir.
Des organismes européens spécialisés : la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail et, depuis 2019, l’Autorité européenne du travail (spécialisée dans la mobilité intra-européenne des travailleurs).
La réglementation européenne a notamment instauré dans toute l’Union européenne :
- L’obligation d’établir un contrat de travail écrit ;
- La limitation de la durée de travail hebdomadaire ;
- La protection sociale de la maternité et de la paternité ;
- L’interdiction d’exposition aux radiations ;
- L’interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans et réglementation du travail des 15-18 ans (durée de travail, travail de nuit, repos obligatoires, etc…) ;
- La protection contre les agents chimiques, physiques et biologiques ;
- L’encadrement du travail sur écran d’ordinateur ;
- L’encadrement des travaux exposant à l’amiante.
La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée en 1989, engage les Etats membres à garantir une protection sociale, un revenu minimum et une retraite.
De très nombreux secteurs ont fait l’objet de directives, de règlements et de recommandations de l’UE, lesquels harmonisent et renforcent de manière très concrète les droits des travailleurs et leur protection sur leur lieu de travail.
Les droits sociaux figuraient parmi les priorités de la Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker (2014-2019). C’est également le cas pour la présidente actuelle Ursula von der Leyen.
En 2017, est ainsi adopté le Socle européen des droits sociaux. Ce texte reconnaît la nécessité de rééquilibrer les considérations économiques et budgétaires avec les enjeux sociaux. Il fixe 20 principes devant orienter les politiques sociales de l’Union européenne et des Etats membres, réunis au sein de trois chapitres : “Egalité des chances et accès au marché du travail” , “Conditions de travail équitables” et “Protection sociale et inclusion sociale” .
L’Europe sociale en temps de Covid-19
La crise liée à la pandémie de Covid-19 et ses conséquences économiques désastreuses ont réaffirmé la place de la question sociale au cœur des priorités de la Commission. Une question notamment traitée grâce à l’accord en juillet 2020 sur un plan de relance européen, baptisé Next Generation EU, lequel prévoit le versement de 750 milliards d’euros aux Etats membres sous forme de transferts et de prêts. Si cet accord doit encore être approuvé par les députés européens, il implique que les plans de relance nationaux favorisent, outre l’enjeu environnemental, la résilience économique et sociale.
Parallèlement, la Commission européenne a mis en place un mécanisme temporaire de réassurance chômage, le programme SURE. Cette initiative européenne permet aux Etats membres de bénéficier de prêts de l’UE jusqu’à 100 milliards d’euros à très faibles taux d’intérêt, notamment destinés à financer leurs systèmes d’assurance chômage, très fortement mis à contribution avec le recours massif au chômage partiel. Le 21 octobre 2020, l’exécutif a ainsi émis ses premières obligations sociales, pour un montant de 17 milliards d’euros.