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Guerre en Ukraine : comment l’agence Eurojust participe aux enquêtes pour crimes de guerre

Après la découverte de dizaines de corps de civils le 31 mars à Boutcha, près de Kiev, l’UE a mis à disposition son agence de coopération judiciaire (Eurojust) pour aider l’Ukraine, la Cour pénale internationale et certains États dans les enquêtes ouvertes pour de potentiels crimes de guerre commis par Moscou.

L'agence de coopération judiciaire européenne Eurojust a été créée en 2002 et est basée à La Haye, aux Pays-Bas - Crédits : Eurojust
L’agence de coopération judiciaire européenne Eurojust a été créée en 2002 et est basée à La Haye, aux Pays-Bas - Crédits : Eurojust

Le 8 avril 2022, l’Union européenne a annoncé mettre à disposition tous les moyens en sa possession pour participer aux enquêtes ouvertes pour crimes de guerre par l’Ukraine. Quelques jours plus tôt, des centaines de corps de civils étaient découverts à Boutcha, certains les mains liées derrière le dos ou fauchés sur leur vélo ou un sac de course à la main.

Parmi ces outils, l’agence de coopération judiciaire européenne Eurojust regroupe les Etats membres de l’UE (sauf le Danemark), mais également des pays partenaires comme l’Ukraine depuis 2016. Depuis sa création en 2002, sa mission est de coordonner les Etats membres face à toutes les formes de criminalité organisée, du trafic de drogue au trafic d’êtres humains en passant par le blanchiment d’argent. 

Mais l’agence, basée à La Haye (Pays-Bas), peut également apporter un soutien logistique et financier aux enquêtes menées par les Etats membres et associés. Elle ne peut en revanche ni recueillir ni conserver elle-même des éléments de preuves. Le 25 avril, la Commission européenne a ainsi proposé de modifier le statut d’Eurojust afin de “donner à l’agence la possibilité légale de collecter, de conserver et de partager des preuves de crimes de guerre”. “Etant donné que les hostilités sont en cours, il est impossible de conserver les éléments de preuve en toute sécurité en Ukraine”, ajoute le communiqué. 

Par cette proposition, l’exécutif européen souhaite la mise en place d’un “système central de stockage dans lequel pourraient être conservées les preuves recueillies par les agences et organes de l’Union, ainsi que par des autorités nationales et internationales ou par des tiers tels que des organisations de la société civile”. L’agence serait également en capacité de traiter des données comme des vidéos, des enregistrements audio ou encore des images satellites et de les partager avec les enquêteurs. Le Conseil de l’UE a adopté un accord préalable de cet élargissement du mandat le 6 mai. Le 18 mai, le Parlement a voté en faveur de la proposition de la Commission par 560 voix pour, 17 contre et 18 abstentions. Et le 25 mai 2022, le Conseil a officiellement adopté ces nouvelles règles permettant à Eurojust de traiter, d’analyser et de partager des preuves relatives à des crimes de guerre, en collaboration avec Europol, ainsi que de les conserver.

Equipe commune d’enquête

L’aide fournie par Eurojust prend trois formes. Tout d’abord, l’agence chapeaute une équipe commune d’enquête, constituée d’enquêteurs polonais, lituaniens et ukrainiens. Depuis le 25 avril, celle-ci coopère également avec le procureur de la CPI Karim Khan. Eurojust centralise les éléments de preuve recueillis afin de faciliter les échanges et ainsi accélérer les enquêtes et les éventuelles poursuites pouvant être menées devant la CPI.

Comme l’explique Angélique Bouin dans son émission “l’Europe tu l’aimes ou tu la quittes” du 7 avril, cette coopération permet d’éviter des doublons : “qu’un témoin d’un crime ne soit pas entendu, par exemple, une première fois par la police ukrainienne, puis par celle du pays dans lequel il se serait réfugié. Pour que les enquêteurs puissent aussi retrouver facilement des témoins d’un même massacre, mais qui se seraient ensuite éparpillés sur le territoire européen.” Tous les Etats membres et associés à l’Agence peuvent se joindre à cette équipe.

5600 enquêtes

Depuis le début de l’invasion russe en février, près de 5 600 enquêtes pour crimes de guerre ont été ouvertes, selon la procureure générale ukrainienne Iryna Venediktova. Plus de 11 000 cas présumés de crimes de guerre ont également été signalés. Autant de soupçons de violences commises “en violation des lois et usages de la guerre” qui doivent aboutir à des procès devant la justice ukrainienne, la justice de pays tiers voire devant la justice internationale. 

Le 19 mai 2022, Kiev a ouvert le premier procès pour crime de guerre visant un militaire russe de 21 ans, accusé d’avoir abattu avec une kalachnikov un civil non-armé en pleine rue. La Cour pénale internationale (CPI) a également ouvert, le 2 mars, une enquête sur la situation en Ukraine, pour “crimes de guerre, […] crimes contre l’humanité et […] génocide commis par quiconque sur quelque partie du territoire ukrainien que ce soit”. Le 17 mai, son a annoncé l’envoi en Ukraine d’une équipe “composée de 42 enquêteurs, experts en criminalistique et autre personnel d’appui”.

Coordination et expertise

Eurojust organise également des réunions de coordination, afin d’harmoniser et de partager les preuves recueillies par les équipes d’enquête et les investigations des pays. Car 11 Etats membres de l’UE avaient, début mai, ouvert des enquêtes nationales pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en Ukraine, dont l’Allemagne, la Suède ou l’Espagne. 

Ces pays recourent au principe de la “compétence universelle”. Celle-ci autorise des Etats à poursuivre et juger des auteurs de crimes internationaux sur leur territoire, peu importe le lieu où ces crimes ont été commis ou la nationalité des auteurs et des victimes. 

Enfin, l’agence héberge le réseau Génocide, un réseau d’experts européens sur les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocides, qui tente d’améliorer la coordination et la collecte de preuves notamment sur le théâtre de guerre ukrainien.

En France, le Parquet national antiterroriste (Pnat) a également ouvert six enquêtes pour crime de guerre, mais uniquement dans des cas concernant des ressortissants français. Une première avait été initiée le 14 mars après la mort du journaliste franco-irlandais Pierre Zakrewski. Trois autres ont suivi le 5 avril pour des faits commis à Marioupol, à Gostomel et Tcherniguiv. Une autre concerne des faits commis contre entre le 26 mars et le 7 avril dans des villes près de Kiev. Enfin, la dernière en date a été ouverte le 30 mai après la mort du journaliste français Frédéric Leclerc-Imhoff.

Le Pnat participe également aux réunions du réseau Génocide. Les médecins légistes, enquêteurs et magistrats dépêchés en Ukraine peuvent également contribuer à l’enquête de la Cour pénale internationale.

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