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Le Parlement européen adopte de nouvelles règles pour réduire et recycler les emballages… et sauve les boîtes à camembert

Les députés européens ont adopté mercredi 22 novembre leur position sur une refonte complète du marché européen des emballages et des déchets d’emballages, résistant tant bien que mal à un intense lobbying autour de ce texte.

"La fin du tout jetable n'est pas pour demain", a déploré à l'issue du vote Frédérique Ries, rapporteur du texte au Parlement européen - Crédits : Alain Rolland / Parlement européen
“La fin du tout jetable n’est pas pour demain”, a déploré à l’issue du vote Frédérique Ries, rapporteur du texte au Parlement européen - Crédits : Alain Rolland / Parlement européen

Une nouvelle étape dans la réduction des déchets au sein de l’Union européenne (UE). Mercredi 22 novembre, le Parlement européen a adopté sa position vis-à-vis du règlement relatif aux emballages et aux déchets d’emballages. Des objets du quotidien qui pèsent lourd, puisque chaque Européen génère quasiment 190 kilogrammes de déchets de ce type chaque année, selon des données d’Eurostat. 64 % de ces déchets sont aujourd’hui recyclables, et 40 % pour ceux composés de plastique.

L’objectif de ce texte est donc de renforcer et de clarifier les exigences de l’UE pour l’ensemble du cycle de vie des emballages, de leurs matières premières à leur élimination finale. Pour Frédérique Ries (Renew Europe, Belgique), rapporteure du texte au Parlement européen, ce règlement marque une “refonte complète du marché européen des emballages et des déchets d’emballages”. Le texte a été adopté par 426 voix pour, 125 voix contre et 74 abstentions.

Plusieurs grandes avancées

La version du règlement votée par les députés européens fixe des objectifs globaux de réduction des emballages à différentes échéances : 5 % d’ici 2030, 10 % d’ici 2035 et 15 % d’ici 2040. Pour les emballages plastiques spécifiquement, les objectifs sont rehaussés : 10 % d’ici 2030, 15 % d’ici 2035 et 20 % d’ici 2040. D’autres objectifs chiffrés concernent quant à eux des pourcentages minimaux de contenu recyclé au sein de ces emballages.

Ce texte adopté par le Parlement européen renforce également la lutte contre les produits chimiques “éternels”. Les députés européens ont ainsi voté l’interdiction de l’utilisation de PFAS (substances alkylées per- et polyfluorées), mais aussi du bisphénol A dans les emballages en contact avec les aliments. “Ces substances sont largement utilisées pour les emballages ignifuges ou imperméables, en particulier les emballages alimentaires en papier et en carton, et ont été associées à une série d’effets nocifs sur la santé”, indique le communiqué du Parlement européen.

Les députés européens ont aussi restreint la mise sur le marché de sacs de caisse en plastique très légers, à cause de leur “fort potentiel [à] devenir des déchets et [à] contribuer à la pollution marine”. Désormais, ils seraient distribués uniquement s’ils sont nécessaires pour des raisons d’hygiène, ou fournis comme emballages primaires d’aliments en vrac. Même sort pour certains formats d’emballage à usage unique, tels que les emballages miniatures pour les produits de toilette dans les hôtels et les films rétractables pour les valises dans les aéroports.

Les boîtes à camembert sauvées

Parmi les sujets secondaires de ce règlement figurait une question primaire pour bien des eurodéputés français : l’avenir des boîtes en bois qui servent d’emballage pour les camemberts et autres fromages traditionnels. La semaine passée, le sujet était devenu un point de crispation inattendu, largement relayé par les médias et réseaux sociaux. La version du règlement sur les emballages et déchets d’emballage adoptée par la Commission environnement du Parlement européen menaçait effectivement ces petites boîtes en bois, imposant que celles-ci soient recyclées d’ici 2030, à l’instar de l’ensemble des emballages présents au sein de l’UE.

Il n’en fallait pas plus pour que la filière et les responsables politiques français montent au créneau pour défendre ce patrimoine national. Des députés européens issus de différents groupes ont rapidement déposé des amendements pour venir à la rescousse du camembert. Finalement, c’est un amendement déposé par le groupe Renew qui a été adopté. Il prévoit une dérogation pour les emballages “en bois ou en cire” – comme ceux des formages Babybel –, valable tant que la Commission européenne n’aura pas réalisé d’évaluation concernant le recyclage des emballages constitués par ces matériaux. Les eurodéputés français se sont empressés de partager, en chœur, leur joie de voir cette dérogation adoptée. “Le Pont-l’Evêque, le Mont d’Or et le Camembert sont sauvés”, a écrit sur X (anciennement Twitter) l’écologiste Karima Delli. “Le sujet est donc réglé”, a ajouté Pascal Canfin, également sur X.

Un lobbying sans précédent

Dans un registre moins léger, lors de cette session plénière au Parlement européen à Strasbourg, de nombreux parlementaires et ONG ont alerté sur le lobbying intense exercé par des représentants d’intérêts de différents secteurs pour vider ce règlement de son contenu. Un texte logiquement sujet à de fortes pressions lorsque l’on sait que le seul secteur de l’emballage a généré un chiffre d’affaires de 355 milliards d’euros dans l’UE en 2018, selon des données communiquées par le Parlement européen.

La rapporteure du texte, Frédérique Ries, a dénoncé à l’issue du vote du Parlement “un lobbying sans précédent”, mené notamment “par certains fournisseurs d’emballages aux établissements de restauration rapide”. Résultat : un certain nombre d’exceptions ont été ajoutées au texte, ce qui laisse un sentiment mitigé à l’eurodéputée belge. Si “le contrat est rempli” sur la réduction des déchets d’emballages plastiques et l’interdiction des polluants éternels dans les emballages alimentaires, “le message envoyé par la plénière en matière d’économie circulaire, de prévention en particulier, n’est pas le bon”, regrette Frédérique Ries. Pour la députée européenne, le constat est clair à l’issue de cette plénière : “la fin du tout jetable n’est pas pour demain.”

La prochaine réunion des 27 ministres de l’Environnement de l’UE est prévue pour le lundi 18 décembre. Il est probable que ce texte soit à l’ordre du jour du Conseil, qui pourra alors adopter son approche générale sur le règlement, lançant ainsi la phase de négociations en trilogue avec la Commission européenne et le Parlement européen. L’essentiel de ces négociations devrait ensuite se dérouler sous la prochaine présidence tournante du Conseil de l’UE, assurée par la Belgique à partir du 1er janvier 2024.

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