Beaucoup d’Européens ont eu l’occasion de le remarquer. Depuis quelques mois, les bars et les restaurants ne proposent plus la traditionnelle paille en plastique pour que les clients sirotent leurs boissons. C’est le résultat d’une directive européenne adoptée en juin 2019, en application depuis le 3 juillet 2021, bannissant un certain nombre de produits en plastique de notre vie quotidienne.
Pourquoi interdire la vente de certains objets en plastique ?
Les déchets en plastique engendrent une pollution qui atteint particulièrement les océans et la biodiversité. Selon l’Unesco, ceux-ci “causent la mort de plus d’un million d’oiseaux marins et de plus de 100 000 mammifères marins chaque année”. Les produits en plastique à usage unique représenteraient 50 % des déchets retrouvés sur les plages de l’Union européenne. Les bouteilles, filtres de cigarette et cotons-tiges forment le top 3 de cette pollution plastique.
Adoptée en 2019, la directive entend ainsi promouvoir une économie circulaire, où les matières sont réutilisables et les produits réparables plutôt que jetables. Evitant de cette manière des dépôts sauvages et la dissémination de ces déchets dans la nature.
Que contient la directive ?
Dans le détail, le texte s’attaque aux produits en plastique destinés à être jetés peu de temps après leur utilisation. Cette interdiction de mise sur le marché comprend tous les couverts (assiettes, fourchettes, couteaux…), les pailles, les cotons-tiges, les bâtonnets pour mélanger les boissons, les tiges des ballons de baudruche ainsi que certains récipients. Sont également concernés les produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, c’est-à-dire les petits sacs dans lesquels on mettait auparavant les fruits et les légumes au supermarché.
Dans le cas où il n’existe aucune alternative, les Etats membres doivent s’assurer que l’utilisation des produits concernés soit réduite, comme pour les couvercles en plastique ou les récipients destinés à une consommation immédiate.
Le texte fixe également l’objectif d’un tri séparé de 77 % des bouteilles en plastique en 2025 et jusqu’à 90 % en 2030. A cette même date, les bouteilles devront être fabriquées à partir d’au moins 30 % de plastiques recyclés.
La directive comprend enfin une série de mesures concernant la sensibilisation des citoyens (promouvoir les habitudes de consommation responsable, marquage obligatoire sur certains produits concernant le recyclage) et la responsabilité des producteurs. La législation européenne consacre ainsi le principe du “pollueur-payeur”, contraignant par exemple ces derniers à supporter les coûts de la gestion et du nettoyage des déchets.
En mai 2021, la Commission européenne a précisé le champ d’application de cette législation. Le plastique biodégradable entre ainsi dans le champ de la directive, tout comme les emballages avec du film plastique.
Est-elle bien appliquée ?
En droit européen, les “directives” ne s’appliquent pas immédiatement et de façon uniforme dans toute l’Union européenne, contrairement aux “règlements”. Chaque Etat membre doit adapter sa législation aux nouvelles règles européennes une fois qu’elles ont été adoptées : c’est ce qu’on appelle la “transposition”.
Aux côtés de plusieurs organisations, l’ONG Surfrider a fait le point sur les mesures prises dans chaque pays européen sur la question. Plusieurs d’entre eux accusent selon elle un retard dans cette application, comme la Bulgarie ou la République tchèque. A l’inverse, cinq Etats membres se distinguent particulièrement par leurs efforts et leur interprétation ambitieuse de la directive. La France, l’Irlande, la Grèce, l’Estonie et la Suède sont ainsi allées plus loin que le texte adopté au niveau européen. La France a par exemple interdit les articles en plastique à usage unique 6 mois avant l’échéance européenne et les entreprises ne peuvent plus mettre de bouteilles d’eau gratuites à disposition de leurs employés ou clients. A partir de 2023, les fast-foods ne pourront plus proposer de couverts jetables. Le collectif d’ONG regrette toutefois que les ballons de baudruche ne soient pas inclus dans ce train de mesures.
Pour autant, en novembre 2021, l’association No Plastic In My Sea a dévoilé une enquête sur l’application de la loi anti-gaspillage en France. Celle-ci conclut notamment qu’il est difficile de se faire servir une boisson à emporter dans un contenant réutilisable amené par le client lui-même et que très peu d’enseignes de restauration appliquent la réduction financière prévue par la loi.
Lutter contre les objets en plastique pour lesquels il existe des solutions alternatives nécessite encore du travail au niveau mondial. Selon une analyse commandée par l’organisation de protection de l’environnement WWF, “si la production mondiale de plastique double bel et bien d’ici à 2040 comme l’affirment les projections, la quantité de débris plastiques dans les océans aura, elle, quadruplé d’ici à 2050″.