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Emploi, formation, pauvreté : les grands objectifs des Vingt-Sept pour l’Europe sociale

Lors du sommet social de Porto en mai 2021, Etats membres, partenaires sociaux et institutions européennes ont fixé trois grands objectifs pour l’Europe sociale à l’horizon 2030 axés autour de l’emploi, de la formation et de la pauvreté.

A Porto, l'ambition sera de faire du sommet des Vingt-Sept un tournant pour l'Europe sociale - Crédits : simplethrill / Flickr CC BY-NC-ND 2.0
A Porto au Portugal, l’ambition était de faire du sommet des Vingt-Sept un tournant pour l’Europe sociale - Crédits : simplethrill / Flickr CC BY-NC-ND 2.0

Avec l’apparition de la pandémie de Covid-19 sur son sol, l’Europe a connu sa plus grave crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale. Une crise aux lourdes conséquences sociales, bien que les systèmes de protection sociale européens aient permis de l’amortir en partie. Grâce aux dispositifs de chômage partiel mis en place par les Etats membres, de nombreuses faillites d’entreprises ont pu être évitées. Avec la reprise économique, les taux de chômage de l’Union européenne et de la zone euro, à respectivement 6,4 % et 7 % en décembre 2021, se trouvent même sous leur niveau d’avant-crise (6,6 % et 7,4 % en février 2020) selon Eurostat. Mais malgré cette évolution positive de l’emploi, la crise liée au Covid-19 a aggravé la précarité de publics vulnérables.

Les problématiques sociales, qui figuraient déjà parmi les priorités de la Commission européenne avant l’arrivée du Covid-19, demeurent donc d’actualité. Si ces questions relèvent avant tout de la compétence des Etats membres, l’UE n’ayant qu’une compétence d’appui en la matière, l’Europe sociale connaît un nouveau souffle depuis novembre 2017. La raison ? L’adoption du socle européen des droits sociaux par les institutions et les pays de l’UE, un ensemble de 20 principes appelés à guider les politiques sociales communautaire et nationales. Trois ans et demi plus tard, le sommet social de Porto, qui s’est tenu les 7 et 8 mai 2021, a permis de dresser un premier bilan de la mise en œuvre de ces principes tout en définissant les objectifs à atteindre à plus long terme.

En amont du sommet, la Commission européenne avait présenté le 4 mars 2021 un plan d’action relatif au socle européen des droits sociaux. Son but : préciser la mise en œuvre concrète des intentions affirmées dans le socle. Il a donc défini un calendrier législatif mêlant propositions de directives, révisions de textes existants et nouvelles recommandations aux Etats membres. La Commission listait dans ce document trois grands objectifs à atteindre d’ici à 2030 et invitait les Vingt-Sept à les adopter, ce qu’ils ont fait au sommet de Porto de mai 2021 :

  • un emploi pour au moins 78 % des 20-64 ans
  • une participation à des activités de formation pour au moins 60 % des adultes chaque année
  • a minima 15 millions de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale en moins

Etant donné les compétences restreintes de l’UE en ce qui concerne le social, la volonté politique des pays européens sera un facteur déterminant de l’application de ces objectifs. Ces trois caps liés à l’emploi, à la formation et à la pauvreté sont désormais intégrés au semestre européen, qui coordonne les politiques économiques et budgétaires des Etats membres. Où en sont les pays de l’UE par rapport aux ambitions qu’ils se sont fixées ?

Taux d’emploi : des progrès à confirmer

Avant le début des difficultés économiques provoquées par la diffusion du virus, le taux d’emploi de l’UE27 avait progressé de près de 5 points au cours des années 2010, de 67,3 % en 2009 à 72,7 % en 2019. Mais en 2020, dernier année pour laquelle les données sont disponibles au niveau européen, le taux régresse, passant à 71,7 %. Si les données de 2021 pourraient voir ce taux repartir à la hausse, l’UE a mobilisé dès le début de la crise des ressources financières pour en limiter l’impact.

Parmi elles, le Fonds social européen (FSE, devenu FSE+ à partir de la période 2021-2027), qui représente 88 milliards d’euros à dépenser sur sept ans et soutient l’emploi à différentes échelles dans toute l’UE. A cette manne financière s’ajoute celle de la Facilité pour la reprise et la résilience, pilier central de plan de relance européen (Next Generation EU) pour un montant de 672,5 milliards d’euros. Dans sa recommandation du 4 mars au Conseil européen, la Commission enjoint les Etats membres à mettre en place des mesures de “soutien actif et efficace à l’emploi (EASE)” pour faire face à la crise du Covid-19 et mentionne spécifiquement ces deux sources de financement européennes.

Pour bénéficier des fonds de Next Generation EU, les plans de relance nationaux devaient par ailleurs favoriser, outre les transitions écologique et numérique, la résilience économique et sociale. Les plans nationaux ont un rôle important à jouer dans la reprise économique et ainsi aboutir sur le long terme à un taux d’emploi supérieur à celui observé ces dernières années, comme l’implique l’objectif de 78 % à l’horizon 2030 adopté par les pays de l’UE.

En ce qui concerne les jeunes, des dispositifs spécifiques ont été, entre autres, instaurés par les Etats membres dans le cadre de la Garantie pour la jeunesse, initiée en 2013. A travers cette dernière, renforcée en octobre 2020, ceux-ci se sont engagés à garantir à tout jeune de moins de 30 ans une offre d’emploi, de formation continue, d’apprentissage ou de stage dans les quatre mois qui suivent la perte de son emploi ou la fin de ses études. Depuis sa création, plus de 24 millions de jeunes Européens y ayant eu recours ont accepté une offre, indique le site de la Commission européenne.

Formation : un long chemin à parcourir pour les Etats membres

Toute personne a droit à une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie, inclusifs et de qualité, afin de maintenir ou d’acquérir des compétences lui permettant de participer pleinement à la société et de gérer avec succès les transitions sur le marché du travail”. Il s’agit là du premier principe du socle européen des droits sociaux, signe de l’importance attribuée à la formation dans la politique sociale de l’UE.

La nécessité de former à tous les âges de la vie se fait sentir plus fortement encore avec la pandémie. Avant qu’elle ne survienne, l’économie se trouvait déjà dans une phase de profonde transformation, “un mouvement de destruction créatrice qui modifiait beaucoup les emplois”, expliquait l’économiste Nicolas Bouzou lors d’un débat organisé par le think tank Confrontations Europe en avril 2021. En raison de la montée en puissance de certaines technologies, de nombreux travailleurs étaient amenés à acquérir de nouvelles compétences pour adapter leur emploi aux évolutions économiques, voire pour se reconvertir suite à la disparition progressive de leur métier. Parmi ces technologies et innovations de la “troisième révolution industrielle” figurent “le numérique, la robotique, l’intelligence artificielle, les imprimantes 3D, les énergies renouvelables, les biotechnologies”, liste le chercheur. Celles-ci ont vu leur utilisation croître avec la crise, qui “a joué un rôle d’accélérateur de cette transformation structurelle”, comme le souligne Nicolas Bouzou, et qui a donc accentué les besoins de formation.

Face à ces changements, les Vingt-Sept souhaitent que 60 % des adultes puissent suivre une formation chaque année, un objectif ambitieux au vu du dernier taux observé en la matière : en 2016, seuls 37 % des adultes en avaient bénéficié. Les avancées dans ce domaine dépendront de la mobilisation des Etats membres eux-mêmes, à qui revient principalement la compétence de légiférer sur cette thématique. 

Côté européen, de nombreuses actions sont néanmoins menées afin de promouvoir et d’élargir la formation. En juin 2016, la Commission européenne a adopté un agenda des compétences pour l’Europe, une série de dix objectifs pour améliorer la rencontre entre la demande et l’offre d’emplois en “dot[ant] les personnes de meilleures compétences”. Un agenda consolidé en novembre 2020 avec de nouveaux objectifs chiffrés à atteindre d’ici à 2025, dans le but de mieux prendre en compte les transitions écologique et numérique.

Cette destruction créatrice à l’œuvre sur le marché de l’emploi et les besoins de formation qu’elle engendre ont été pris en compte dans le plan européen Next Generation EU : le versement des fonds aux Etats membres a été conditionné à ce que leurs plans de relance nationaux soient consacrés pour au moins 37 % à la transition écologique et pour 20 % au numérique. Des fonds qui peuvent également financer des programmes de formation.

Risque de pauvreté ou d’exclusion sociale : un objectif ambitieux mais tenable

Sur le plan de la lutte contre la pauvreté, les pays de l’UE veulent voir le nombre de personnes exposés à un risque de pauvreté et d’exclusion sociale diminuer de 15 millions d’ici à 2030 à l’échelle du continent. Un objectif qui, s’il était tenu, aboutirait à une amélioration significative de la situation. Cette ambition semble atteignable car elle s’inscrit dans la tendance observée lors de la dernière décennie. 

Entre 2011 et 2019, Eurostat fait savoir que le nombre d’individus concernés par cette situation avait baissé de 15,4 millions de personnes. Mais en 2020, sous l’effet de la crise économique liée au Covid-19, ce nombre a de nouveau augmenté de 5,4 millions de personnes. Tout l’enjeu sera donc de faire en sorte que la reprise économique actuellement observée soit synonyme de recul durable du risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. 

Là encore, les compétences relatives au traitement de la pauvreté appartiennent en premier lieu aux Etats membres. Ce qui n’empêche pas l’UE de s’investir sur la question par le biais de certains programmes, tel que le Fonds européen d’aide aux plus démunis, qui participe au financement d’associations de lutte contre la pauvreté. Concernant les Vingt-Sept, la progression sur l’objectif de recul du risque de pauvreté ou d’exclusion sociale se réalisera aussi grâce aux politiques de promotion de l’emploi et de la formation, intimement liées à cette troisième ambition. 

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1 commentaire

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    CHAIX PAUL

    Excellent article. Gagnons 10 ans en atteignant les objectifs en 2021.
    Ce sera des investissements importants qui seront ensuite réduits car il faudra simplement optimiser.
    2030 , c’est maintenant et la population européenne d’aujourd’hui a aussi droit au bonheur. Elle adhérera encore plus vite et massivement à cette Europe .
    Qui pourrait refuser un tel présent et un tel avenir ?