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Economie : face aux risques de dérives, comment l’Union européenne tente-t-elle de réguler les cryptomonnaies ?

Bitcoin, Ethereum, Binance…les cryptomonnaies intéressent une part de plus en plus importante de la population. Mais ces “monnaies numériques” utilisant des algorithmes informatiques sont beaucoup moins encadrées que les monnaies traditionnelles.

L'Union européenne tente de réguler le marchés des cryptomonnaies pour contrer ses dérives - Crédits : werbeantrieb / iStock
L’Union européenne tente de réguler le marché des cryptomonnaies pour contrer ses dérives - Crédits : werbeantrieb / iStock

Le 19 juin 2022, le Bitcoin, la cryptomonnaie la plus connue du grand public, voyait sa valeur passer sous les 20 000 dollars. Quelques mois auparavant, à l’automne 2021, la monnaie numérique valait encore 68 000 dollars. Cet effondrement est symptomatique de celui qui touche l’ensemble des cryptomonnaies depuis le mois de mai.

Ces actifs numériques, qui ne dépendent pas d’une institution bancaire, permettent d’effectuer des transactions rapides et à faible coût. Notamment pour investir ou avoir accès à des services. Mais ils comportent également de nombreux risques. Les fluctuations de leur valeur, qui peut augmenter ou diminuer très rapidement, peuvent engendrer d’importants gains… mais aussi de larges pertes pour leurs utilisateurs.

Ils sont également plus sujets aux risques de piratage, de vol et peuvent plus facilement financer des activités illégales du fait du caractère anonyme des transactions. Enfin, le système d’exploitation des cryptomonnaies est également très gourmand en énergie, ayant besoin d’une grande puissance informatique. Ainsi, la production de Bitcoin nécessite la consommation de 105,2 térawattheures par an, selon l’université de Cambridge, soit l’équivalent de la consommation d’électricité aux Pays-Bas.

L’apparition de la première cryptomonnaie remonterait à 1995 avec eCash, une monnaie électronique créée par l’Américain David Chaum. Mais la véritable entrée en scène des monnaies virtuelles intervient en 2017 lorsqu’un Bitcoin s’échangeait autour de 20 000 dollars alors qu’au moment de sa création en 2008 il valait 0,01 dollars. Un record qui n’a cessé d’être battu, pour atteindre plus de 68 000 dollars en novembre 2021 avant de retomber en-dessous des 20 000 dollars en juin 2022. Aujourd’hui, il existerait plus de 5000 cryptomonnaies en circulation dans le monde. Certains Etats comme le Salvador tentent de s’approprier ces actifs numériques, en autorisant par exemple les commerçants à accepter ce moyen de paiement et même en faisant du Bitcoin sa monnaie officielle.

Quelle législation européenne sur les cryptomonnaies ?

Contrairement aux actifs financiers traditionnels (actions, obligations…), les ‘cryptos’ ne connaissent pas en principe de régulation particulière, par exemple sur la transparence ou les taxes imposées par des autorités.

Plusieurs Etats ont toutefois instauré des mesures pour encadrer leur utilisation. En France par exemple, la loi PACTE du 22 mai 2019 a instauré le statut de Prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), ce sont des intermédiaires qui aident à obtenir et stocker des cryptoactifs. Leur enregistrement est obligatoire auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui peut décider de leur délivrer un agrément si la structure comporte suffisamment de garanties de stabilité financière et de transparence. Mais au 7 juillet 2022, aucun des 42 PSAN enregistrés n’avait obtenu d’agrément de l’AMF.

De son côté, la Commission européenne a présenté le 24 septembre 2020 deux textes afin de mieux réguler l’usage, l’échange et le stockage des cryptoactifs. La première proposition de règlement, intitulée MiCA (pour Markets in Crypto-Assets Regulation), cherche, elle aussi, à “créer un cadre réglementaire pour les cryptoactifs et à les faire entrer dans la règlementation financière classique, avec notamment un agrément”, explique Aurore Lalucq, membre de la commission des Affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen.

L’objectif est d’obtenir plus de transparence des échanges de cryptoactifs, la surveillance des intermédiaires financiers prestataires par un agrément et la protection des consommateurs. Elle prévoit la création d’un régime d’agrément harmonisé pour les PSAN (comme en France) dans les vingt-sept Etats membres, avec des exigences plus élevées que dans la réglementation française.

Le 14 mars 2022, la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen s’est prononcée en faveur du règlement MiCa. Et le 30 juin, le Parlement européen et le Conseil de l’UE ont trouvé un accord concernant le règlement. Désormais, la responsabilité des intermédiaires financiers sera engagée en cas de perte de cryptoactifs appartenant à des investisseurs.

Le deuxième texte vise la création d’un régime pilote pour les marchés des cryptoactifs. Il s’agit en fait de créer un espace légal, pour une durée de 3 ans, afin d’expérimenter l’utilisation de la blockchain dans les structures financières dans l’UE. Rouage essentiel du fonctionnement des cryptomonnaies, la blockchain est un mode de stockage numérique décentralisé sans intermédiaire ou organe de contrôle. Ce règlement a été adopté par le Conseil en décembre 2021 et le Parlement le 24 mars 2022. Le texte a même été publié au Journal officiel de l’UE le 2 juin, pour une entrée en vigueur le 23 mars 2023.

Enfin, le 31 mars, les députés de la commission parlementaire ont également voté en faveur d’une révision du règlement européen sur les transferts de fonds (TFR), proposé par la Commission européenne en juillet 2021, qui fait partie du paquet sur la lutte contre le blanchiment de capitaux. L’objectif est d’ajouter les cryptomonnaies dans les cibles de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les députés ont notamment décidé de supprimer les seuils minimums et les exemptions pour les transferts de cryptoactifs d’un faible montant.

Concrètement, il s’agira de mieux identifier les transactions en cryptoactifs effectuées via les intermédiaires financiers. Ainsi, une identité sera demandée pour effectuer une transaction en cryptomonnaie via un PSAN tandis que toute transaction en cryptomonnaie avec ces intermédiaires sera automatiquement notifiée aux autorités des Etats membres, par exemple Tracfin en France (le service de renseignement français chargé de la lutte contre les opérations financières frauduleuses). La modification du règlement TFR doit également permettre d’établir un registre public de toutes les plateformes de cryptomonnaie à destination des utilisateurs, afin d’identifier les plus vertueuses et celles qui le sont moins.

De manière générale, cette règlementation “était nécessaire”, estime Aurore Lalucq. “Il faut éviter de se retrouver dans la situation des subprimes aux Etats-Unis, qui profitaient d’une faille règlementaire”.

Bientôt un euro numérique grâce à la blockchain ? 

Mais comme l’explique le Parlement dans un article d’information, l’objectif de ces régulations est aussi “d’encourager le développement et l’utilisation de ces technologies”. Car les cryptoactifs et surtout la technologie qu’ils utilisent, la blockchain, suscitent l’intérêt des institutions. Les avantages qu’elle offre, à savoir la réduction des intermédiaires et des coûts ainsi qu’une augmentation de la rapidité des règlements, pouvant offrir de nouvelles opportunités financières pour les citoyens et les institutions dans l’UE.

Ainsi, en avril 2021, la Banque européenne d’investissement (BEI), la banque de l’UE, a émis des obligations numériques en utilisant la blockchain, à hauteur de 100 millions d’euros. Cette émission, réalisée en collaboration avec Goldman Sachs, Santander et la Société Générale, a permis d’emprunter sur les marchés l’équivalent de 100 millions d’euros grâce à une monnaie numérique expérimentale fournie par la Banque de France.

L’opération possède toutefois les mêmes caractéristiques qu’un emprunt obligataire classique, avec un remboursement traditionnel. Elle s’inscrit dans le cadre d’un programme d’études sur la future création d’une version numérique de l’euro : “des billets d’euros dématérialisés, mais qui utilisent la blockchain pour être émis”, résume Aurore Lalucq.

Pour connaître la position des Européens vis-à-vis de l’idée d’un euro numérique, la Banque centrale européenne (BCE) avait d’ailleurs lancé une consultation en octobre 2020. Selon l’institution financière européenne, le retour a globalement été positif avec une demande toutefois : la garantie de l’anonymat et de la sécurité face aux cyberattaques. Mais le projet ne devrait pas aboutir avant 2026.

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