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20 ans de l’euro : les réponses à vos questions sur la monnaie unique

L’euro a-t-il fait grimper le prix de la baguette de pain ? Quels Etats européens ne l’utilisent pas ? Se dirige-t-on vers un “euro numérique” ? Alors que la monnaie unique souffle ses 20 bougies en 2022, Toute l’Europe répond aux grandes questions sur l’un des principaux symboles de l’intégration européenne.

Questions sur l'euro
Crédits : erhui1979 / iStock

En 1999, onze Etats membres de l’Union européenne lançaient une monnaie commune sous la houlette de la Banque centrale européenne (BCE). D’abord utilisé sur les marchés financiers, l’euro s’est incarné dans les pièces et billets trois ans plus tard, en 2002.

L’euro a-t-il fait augmenter les prix ?

Depuis l’apparition de l’euro dans le portefeuille des Français en janvier 2002, les prix se seraient envolés. L’affirmation est en tout cas souvent reprise, utilisant par exemple l’image de la baguette de pain.

En réponse à une étude – dont la méthodologie a sérieusement été remise en cause - affirmant que les Français avaient été plus perdants que leurs voisins avec le passage à l’euro, la Banque de France déclarait en mars 2019 : “n’attribuons pas à l’euro les bénéfices qu’il n’a pas créés, et ne l’affublons pas des maux dont il n’est pas responsable”. Si la baguette et d’autres produits du quotidien ont bien vu leurs prix augmenter depuis 2002, ces hausses ne sont pas particulièrement dues au passage à la monnaie unique.

Dans une autre étude menée par l’Insee entre 2002 et 2016, le constat est similaire : l’inflation “n’a pas été atypique” depuis 2002. En d’autres termes, la “hausse depuis quinze ans n’est pas plus prononcée qu’au cours de la décennie précédant le passage à l’euro”, précise l’institut. En effet, entre 1986 et 2001, le prix de la baguette a augmenté de 2,1 % par an, alors qu’il n’a augmenté “que” de 1,4 % de 2002 à 2016.

Plus récemment, l’inflation dans la zone euro a atteint 4,9 % au mois de novembre 2021. Son plus haut niveau depuis trente ans. Mais là encore, pas grand-chose à voir avec l’euro. Au contraire, la monnaie unique a plutôt joué un rôle de stabilisateur durant les récentes crises. De plus, le phénomène actuel d’inflation touche l’ensemble de la planète, en raison notamment de la forte hausse des prix de l’énergie et des moyens engagés dans les plans de relance pour lutter contre les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Sur la même période, les Etats-Unis affichaient par exemple une inflation de 6,8 %, du jamais-vu depuis 1982.

Pourquoi certains Etats européens n’utilisent-ils pas l’euro ?

A ce jour, 8 Etats membres de l’UE ne sont pas membres de la zone euro : le Danemark, la Suède, la Pologne, la République tchèque, la Hongrie, la Croatie, la Roumanie et la Bulgarie. Leurs raisons sont cependant différentes. 

Le Danemark utilise ainsi toujours la couronne comme monnaie nationale. En 1992, un referendum organisé dans le pays balaie le traité de Maastricht d’une courte majorité, alors même que cet acte pose les fondements d’une monnaie commune. Les accords d’Edimbourg permettent ensuite à Copenhague d’obtenir plusieurs options de retrait (opt-out), dont une concernant l’Union économique et monétaire (UEM).

En 2003, c’est également un referendum qui rejette l’adoption de l’euro dans un Etat européen. Avec plus de 56 % des suffrages exprimés, les citoyens suédois refusent clairement l’entrée de leur pays dans l’Union économique et monétaire. Avec une économie prospère, “les Suédois hésitent à remettre en cause leur mode de fonctionnement et à perdre le contrôle de leur politique monétaire”, écrit l’Observatoire des élections en Europe. Contrairement au Danemark, le pays reste toutefois lié à l’obligation d’intégrer la zone euro lorsqu’il remplira les conditions économiques prévues par le traité de Maastricht… qu’il s’efforce donc de ne pas respecter. 

Car selon la législation européenne, l’ensemble des Etats membres de l’UE a vocation à rejoindre la zone euro. Le traité de Maastricht de 1992 avait institué une série de critères de convergence afin de rapprocher les économies européennes, dans l’optique de partager une seule et même monnaie. Or les six autres pays dépourvus de l’euro au sein de l’UE l’ont rejointe à partir de 2004, c’est-à-dire après la mise en circulation de la monnaie unique. Et ces nouveaux entrants ne sont pas tout à fait dans les clous.

Enfin, certains Etats utilisent l’euro sans pour autant faire partie de l’Union européenne. Le Kosovo et le Monténégro ont ainsi adopté la monnaie unique de façon unilatérale. Cela signifie qu’ils ne participent pas à la définition de la politique monétaire européenne et n’ont pas l’autorisation de frapper de monnaie.

Membre de la CEE puis de l’UE de 1973 à 2020, le Royaume-Uni n’avait pas non plus adopté la monnaie unique, bénéficiant d’une clause d’opt-out comme le Danemark. Entre autres raisons, le gouvernement travailliste avait fixé en 1997 cinq critères afin de juger si l’économie britannique était en phase avec celle de la future eurozone. Le ministère des Finances avait conclu par la négative.

Quelle place pour l’euro face au dollar ?

L’euro est-elle une monnaie de rang international, à l’image du fameux billet vert américain ? Elle se place aujourd’hui comme la deuxième monnaie la plus importante du système monétaire international. Une position qui se vérifie à travers trois grands critères.

D’abord, l’euro constitue un moyen de paiement entre les entreprises ou les particuliers qui résident dans des Etats différents. En 2020, 60 % des exports de marchandises issues de la zone euro sont libellés dans cette monnaie. Ensuite, il est utilisé comme unité de compte sur le marché mondial, pour déterminer la valeur de certains biens, de services ou d’actifs financiers échangés hors de la zone euro, ce qui en fait une monnaie “internationale”. Référence en la matière, le dollar américain est largement dominant dans cette catégorie.

Pour acquérir une dimension mondiale, une monnaie “doit enfin faire office de réserve de valeur”, explique l’économiste Michel Dévoluy (1). En d’autres termes, il faut que les particuliers aient suffisamment confiance en elle pour détenir une épargne ou des titres en euro, ou des réserves de change – les stocks en monnaie étrangère détenus par une banque centrale – concernant les acteurs publics. En 2020, plus de 21 % des réserves de change mondiales sont libellées en euros, contre 59 % pour le dollar.

Plus largement, “la part de l’euro s’élève à environ 20 %, quel que soit l’indicateur choisi : […] 22 % du stock international de titres de dette, 15 % des prêts transfrontaliers et 18 % des dépôts”, résume Sylvie Goulard dans un article de juin 2020 pour la Banque de France.

La monnaie commune tient son rang mondial non seulement grâce à la puissance économique des pays qui l’ont adoptée, mais aussi parce que ces derniers entretiennent des liens économiques forts avec les Etats membres de l’UE qui utilisent d’autres monnaies (Danemark, Suède, République tchèque…), tout comme il existe des relations d’interdépendance avec son voisinage proche (Norvège, Suisse, Balkans…). Tous ces Etats ont une certaine confiance en l’euro et s’en servent notamment pour leurs réserves de change : en 2020, près de l’intégralité des réserves bulgares et 87 % de celles en Croatie étaient par exemple des euros. A l’échelon régional, la monnaie européenne est enfin dominante dans certaines parties de l’Afrique, notamment dans la zone franc CFA.

(1) L’euro est-il un échec ?, La documentation française, Reflexe Europe, Paris, 2011.

Des nouveaux billets en 2024 ?

A l’heure actuelle, le graphisme des billets “repose sur le thème ‘Epoques et styles architecturaux’, représenté par des fenêtres, des portails et des ponts”, explique la Banque centrale européenne (BCE) sur son site. Des symboles qui représentent donc l’évolution architecturale européenne mais ne correspondent à aucun édifice réel. Aujourd’hui, la BCE souhaite que la monnaie unique soit plus incarnée à travers ses billets.

Après vingt ans, il est temps de revoir l’apparence de nos billets de banque, afin que les Européens de tous âges et de tous horizons puissent s’en sentir plus proches”, considère la présidente de l’institution, Christine Lagarde. Des personnalités emblématiques de l’histoire européenne ou des monuments, réels cette fois-ci, pourraient ainsi y figurer. Pour préparer cette évolution, des groupes de travail seront constitués afin de consulter les citoyens des pays de la zone euro. Puis, un groupe consultatif composé de 19 experts, un par Etat membre de la zone, proposera des thèmes au Conseil des gouverneurs de la BCE. A partir de ces propositions, le public sera appelé à se prononcer.

Un concours de design sera ensuite lancé et à son issue, une nouvelle consultation publique aura lieu. Après ces étapes, le Conseil des gouverneurs de la BCE devrait prendre sa décision finale en 2024.

D’autres évolutions de l’euro pourraient suivre. Déjà, en 2019, la production de billets de 500 euros a été abandonnée, notamment parce qu’ils facilitent les activités illégales, même si ceux déjà en circulation continuent d’avoir cours légal.

Les pièces de 1 et 2 centimes d’euro, dont l’utilité fait débat et dont la valeur est moins élevée que leur coût de production, pourraient elles aussi connaître le même sort. Selon une consultation publique de la Commission européenne dont les résultats ont été publiés en mai dernier, 72 % des plus de 17 000 citoyens de la zone euro ayant donné leur avis se déclarent favorable à leur disparition. La Finlande, les Pays-Bas, la Belgique, l’Irlande et l’Italie ont déjà franchi le pas, en mettant en place des règles d’arrondi pour les achats en liquide.

Qu’est-ce que l’euro numérique ? 

Face au bitcoin, ether, Diem et autres cryptomonnaies, la Banque centrale européenne réfléchit à doter la zone euro de sa propre monnaie numérique. Utilisé directement par les résidents de l’Union européenne, l’euro numérique (ou “euro digital”) coexisterait aux côtés des billets et pièces en circulation (monnaie fiduciaire), ainsi que de la monnaie scripturale, échangée par les banques et les autres agents économiques sous forme de virements principalement électroniques. 

A la différence de ces dernières, l’euro numérique n’aurait plus besoin d’intermédiaires pour assurer un paiement. Il offrirait un accès direct à l’argent de la Banque centrale européenne sans passer par un compte dans une banque commerciale. Dans une tribune du journal Le Monde, trois économistes énumèrent les avantages possibles d’une telle monnaie : achats en “cash numérique” sur internet à l’autre bout du monde, utilisation par l’Etat pour verser ses aides sociales ou percevoir directement l’impôt, paiements transfrontaliers ou micropaiements facilités du fait de l’absence de frais associés… 

Selon la Banque centrale européenne, l’euro numérique pourrait en outre “promouvoir la numérisation de l’économie européenne et l’indépendance stratégique de l’UE” et “favoriser l’abaissement du coût global et de l’empreinte écologique” de la monnaie. Il pourrait être envisagé en cas de “large utilisation, dans la zone euro, de monnaies numériques de banques centrales étrangères ou de services de paiement numériques privés”, comme “nouveau canal de transmission de la politique monétaire” ou encore “pour renforcer le rôle international de l’euro”. Il aurait également l’avantage, par rapport aux cryptomonnaies, d’avoir un prix stable, de garantir leur remboursement par une institution publique, et d’assurer le respect de la vie privée en n’utilisant pas les données de transaction (ou autres données personnelles) à des fins commerciales. 

Le projet d’euro numérique, qui n’implique pas son lancement effectif à terme, a été officiellement lancé en juillet 2021. Une phase d’étude a débuté en octobre 2021 pour deux ans. Si le Conseil des gouverneurs de la BCE le décide, elle pourrait être suivie d’une phase de développement et de tests, en vue d’une mise en service de la monnaie numérique en 2026.

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