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Bannissement des produits issus du travail forcé : le Parlement européen plaide pour un texte ambitieux

Les eurodéputés ont adopté une position ambitieuse sur la proposition de la Commission européenne, qui vise à maintenir hors du marché européen des produits issus du travail forcé. Avant d’entamer les négociations avec le Conseil, ils plaident pour instaurer un système capable de lutter efficacement contre le phénomène.

Les commissions du marché intérieur et du commerce international ont adopté le rapport le 16 juin dernier à Strasbourg
Les commissions du marché intérieur et du commerce international ont adopté le rapport le 16 octobre à Strasbourg - Crédits : Philippe Buissin / Parlement européen

A travers le monde, 28 millions de personnes étaient victimes de travail forcé en 2021, selon l’Organisation internationale du Travail. Or, le fruit de cette exploitation se retrouve bien souvent dans les rayons des magasins européens. A l’image des produits textiles fabriqués de manière contrainte par la minorité ouïghoure en Chine.

Pour tenter de parer ce phénomène, la Commission européenne a présenté un règlement le 14 septembre 2022. Il vise à stopper l’entrée sur le marché unique de produits fabriqués par des travailleurs contraints. Concrètement, si le recours au travail forcé est avéré, tous les produits seront retirés du marché et les autorités douanières bloqueront les importations comme les exportations. “Dans nos magasins européens, il ne doit pas y avoir de place pour les produits tachés par le travail forcé des Ouïghours”, résume le député européen Raphael Glucksmann (S&D).

Les ambitions élevées des eurodéputés

Lundi 16 octobre, en marge de la session plénière, les eurodéputés des commissions du marché intérieur et du commerce international ont adopté leur position sur le texte. Ce sont d’ailleurs les parlementaires qui sont à l’origine de ce texte. Avant la proposition de la Commission européenne en septembre 2022, ils avaient déjà plaidé pour l’instauration d’un tel mécanisme deux ans plus tôt.

La position du Parlement européen doit être formellement validée en séance plénière en novembre ou en décembre, puis négociée avec les Etats membres, mais elle est “ambitieuse” et le résultat “d’une belle mobilisation transpartisane”, se félicite Marie-Pierre Vedrenne (RE). Pour l’eurodéputé française, ce règlement permettrait à l’Union européenne de “s’affirmer comme une puissance commerciale crédible” auprès de ses différents partenaires commerciaux. En juin 2022, les Etats-Unis ont adopté une loi similaire. Depuis, les douanes américaines saisissent les importations de marchandises dont des composants ont été produits dans la province du Xinjiang, où vit la minorité ouïghoure.

Nous voulons un mécanisme plus rapide” que ce qui est proposé par la Commission européenne, avance pour sa part l’eurodéputée belge Saskia Brickmont (Verts) qui souhaite que les produits puissent être retirés le plus vite possible lorsqu’une infraction est constatée. Elle se félicite également que le Parlement européen plaide en faveur du renversement de la charge de la preuve. Autrement dit, s’il était visé par une enquête, ce serait “au producteur de prouver qu’il n’a pas eu recours au travail forcé, et non l’inverse”, illustre la parlementaire. A la Commission européenne reviendrait la charge d’ouvrir ces enquêtes et d’en faire l’instruction après un dépôt de plainte. Elle se baserait sur les informations fournies par des ONG, des associations, des institutions, des élus ou des lanceurs d’alerte.

Une application à tous

Un autre point a alimenté les discussions entre les députés. Dans sa position adoptée lundi, le Parlement européen souhaite que le règlement s’applique à tous, y compris aux petites et moyennes entreprises (PME). Un élément essentiel pour Saskia Brickmont qui explique que celles-ci représenteraient “99 % de l’industrie de la mode”, un secteur particulièrement concerné par le travail forcé dans le monde entier.

Il était clair dès le départ que les conservateurs essaieraient de diluer cette initiative, en prétendant qu’elle entraînerait des coûts supplémentaires pour les entreprises européennes. Rien n’est plus faux”, affirme Raphaël Glucksmann. Ce dernier estime au contraire que les PME “victimes de concurrence déloyale” se réjouiront d’un tel texte.

Enfin, ce règlement s’inscrit dans un cadre plus général. Marie-Pierre Vedrenne souligne par exemple sa “complémentarité avec d’autres outils” comme le devoir de vigilance sur lequel le Parlement européen s’est prononcé en juin dernier. S’il est adopté à l’issue des négociations avec les Etats membres, ce texte sur la responsabilité des entreprises prévoit qu’à partir d’une certaine taille, celles-ci soient “tenues d’identifier et, le cas échéant, de prévenir, de faire cesser ou d’atténuer l’impact négatif de leurs activités sur les droits humains et l’environnement”. Parmi les dérives visées figurent le travail des enfants, l’esclavage, l’exploitation par le travail, la pollution, la dégradation de l’environnement et la perte de biodiversité.

Des interrogations sur la mise en œuvre ?

Les parlementaires souhaitent que le règlement sur les produits issus du travail forcé soit adopté avant les prochaines élections européennes (du 6 au 9 juin 2024), synonyme de fin de la mandature. Ils ont donc quelques mois pour négocier avec les Etats membres, au sein du Conseil de l’UE. L’autre co-législateur n’a pas encore arrêté sa position.

S’il était adopté d’ici juin prochain, sa mise en œuvre n’interviendrait “pas avant 2026″, précise Saskia Brickmont, en raison des délais réglementaires, alors que se pose également une question financière dans sa bonne application sur le terrain. “Il faut donner des moyens à la Commission européenne pour concevoir ces politiques ainsi qu’aux acteurs du territoire pour la mise en œuvre”, à savoir les douanes européennes dans ce cas précis, résume Marie-Pierre Vedrenne.

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