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Concurrence : comment se déroule l’enquête de la Commission européenne sur les subventions de la Chine à ses véhicules électriques ?

Le 4 octobre, Bruxelles a lancé une procédure pour vérifier si l’interventionnisme de Pékin dans son industrie automobile, jugé déloyal, ne nuit pas aux intérêts du Vieux Continent. Entre questionnaires et visites en Chine, l’enquête européenne devrait durer 13 mois.

Selon une étude de la banque suisse UBS, le constructeur chinois BYD peut proposer des voitures 25 % moins chères que ses concurrents européens
Selon une étude de la banque suisse UBS, le constructeur chinois BYD peut proposer des voitures 25 % moins chères que ses concurrents européens - Crédits : Robert Way / iStock

En matière de commerce extérieur, l’Union européenne a un traumatisme : les panneaux solaires chinois. Dans les années 2010, alors que ce marché est en pleine expansion, les fabricants européens de panneaux photovoltaïques connaissent une véritable hécatombe. En cause : les importations massives de l’UE depuis la Chine, qui subventionne à tour de bras son industrie florissante. Aujourd’hui, plus de 80 % de la production mondiale du secteur est chinoise.

Pour la Commission européenne, hors de question de revivre pareil désastre avec un autre produit clé de la transition énergétique : les véhicules électriques. Alors que l’UE prévoit de mettre fin à la vente des voitures thermiques neuves en 2035, le marché européen est un débouché de choix pour des capacités de production grandissantes en Chine… au détriment de celles du Vieux Continent et de ses emplois.

C’est dans ce contexte que la présidente de la Commission Ursula von der Leyen a annoncé, le 13 septembre, une “enquête antisubventions” visant Pékin. “Les marchés mondiaux sont aujourd’hui inondés de voitures électriques chinoises bon marché dont le prix est maintenu artificiellement bas par des subventions publiques massives”, a-t-elle ajouté à l’occasion de son quatrième discours sur l’état de l’Union. Selon les services de la Commission, la Chine représente aujourd’hui environ 8 % des ventes de voitures électriques en Europe.

Lancée officiellement le 4 octobre, l’enquête peut durer au maximum 13 mois. Comment va-t-elle se dérouler ?

Preuve et échantillons

Il aura d’abord fallu que la Commission réunisse des éléments de preuve suffisants pour lancer l’affaire. Selon son avis d’enquête, trois formes de subventions chinoises posent un problème de concurrence : des aides financières directes, notamment “l’octroi de prêts […] par des banques publiques”, des avantages fiscaux comme les “exonérations et […] abattements de la TVA”, ainsi qu’un soutien en nature comprenant la fourniture de matières premières. L’agence Reuters estime de son côté que les subventions publiques directes de Pékin pour les véhicules électriques ou hybrides se sont élevées à 57 milliards de dollars entre 2016 et 2022.

Compte tenu du nombre d’entreprises chinoises concernées par l’enquête – la Commission recense plus de 300 producteurs de ces véhicules – les équipes de la direction générale du Commerce (DG TRADE) vont procéder à un échantillonnage. Le but ? Recenser quelques entreprises représentatives afin de concentrer les efforts d’investigation sur celles-ci. A l’occasion d’une procédure similaire sur les vélos électriques chinois en 2018, la Commission avait choisi de cibler cinq des 78 groupes, représentant 43 % des importations dans l’UE.

Toutes doivent d’abord remplir un questionnaire. On y trouve de nombreuses requêtes, comme le volume annuel des exportations depuis la Chine vers l’UE, des informations financières ou bien les liens avec les fournisseurs de matière première. Sur cette base, la Commission formera l’échantillon sur lequel portera l’enquête.

Visites de vérification

Les entreprises sélectionnées auront ensuite 30 jours pour renvoyer un nouveau questionnaire, beaucoup plus détaillé. On y trouve des questions sur les avantages fiscaux ou les tarifs préférentiels de l’énergie dont elles auraient bénéficié, mais également sur leurs liens avec les autorités chinoises.

En parallèle, les banques et les pouvoirs publics en Chine sont eux aussi invités à fournir des données sur la question des subventions aux véhicules électriques. Côté européen, les importateurs, l’industrie et les associations de consommateurs sont par ailleurs interrogés. Car la Commission doit évaluer les préjudices causés au marché européen par les pratiques chinoises.

Afin de vérifier les informations qu’elles recueillent avec tous ces questionnaires, les équipes d’enquête de la Commission européenne peuvent effectuer des visites dans les locaux des entreprises concernées. Et même dans ceux des ministères ou des banques. Ces examens in situ doivent, lorsqu’ils ont lieu sur le sol chinois, obtenir l’aval des autorités à Pékin. La Commission envisage de les effectuer entre le 4 décembre 2023 et le 11 avril 2024.

Là aussi, ce n’est pas une nouveauté. Les équipes de la DG TRADE s’étaient rendues dans les bureaux du ministère chinois du Commerce en 2018 dans le cadre de la procédure sur les vélos électriques. Les enquêteurs avaient aussi visité 17 sites d’entreprises en Chine.

Un instrument de défense commerciale

Au premier terme de son enquête, au maximum neuf mois après son lancement et dans le cas présent le 5 juin 2024, la Commission publiera un rapport préliminaire. Elle décidera alors si elle doit imposer des droits de douane supplémentaires pour contrebalancer le prix plus faible des importations chinoises. C’est ce qu’on appelle des “mesures compensatoires”. Ces droits provisoires ne peuvent pas durer plus de quatre mois. A terme, en tenant compte des commentaires de toutes les parties prenantes, l’exécutif européen pourrait publier des mesures définitives. Les autorités européennes peuvent par exemple réévaluer à la hausse ou à la baisse les droits compensateurs. Ces éventuelles mesures définitives sont pour l’instant attendues le 2 novembre 2024.

Les enquêtes antisubventions sont l’un des instruments de défense commerciale à disposition de la Commission. L’UE peut aussi mettre en place des mesures antidumping, lorsqu’un exportateur casse les prix d’une marchandise pour mieux pénétrer le marché européen, ou restreindre temporairement les importations d’un produit quand celles-ci sont massives et menacent l’industrie de l’UE.

Les enquêtes antisubventions ne sont pas les plus fréquentes, compte tenu de la difficulté à prouver l’existence d’un financement sur le territoire d’un Etat tiers. Fin 2022, 25 mesures antisubventions étaient en place sur un total de 177 mesures européennes de défense commerciale. Outre la Chine, elles touchaient plusieurs pays dont la Turquie, l’Inde ou encore les Etats-Unis. Et Pékin nous le rend bien. Depuis 2011, l’UE est par exemple visée par des mesures compensatoires chinoises sur les exportations… de fécule de pomme de terre.

L’UE pourrait par ailleurs lancer d’autres procédures antisubventions visant la Chine. Selon plusieurs journaux, la Commission compterait enquêter sur le soutien de Pékin à son industrie dans le domaine de l’éolien et de l’acier.

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