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Face à l’explosion du nombre de sans-abri en Europe, quelles solutions ?

Une récente étude réalisée par la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (FEANTSA) et la Fondation Abbé Pierre témoigne d’une forte augmentation du nombre de sans-abri en Europe. Les deux organisations appellent à une meilleure prise en compte du phénomène aux échelles nationale comme européenne. 

Le contexte économique tendu de ces dernières années a favorisé l'explosion du nombre de sans-abri en Europe - Crédits : Yes / iStock
Le contexte économique tendu de ces dernières années a favorisé l’explosion du nombre de sans-abri en Europe - Crédits : Yes / iStock

Chaque nuit en Europe, une population équivalente à celle d’une ville comme Marseille ou Turin est privée de ‘chez-soi’ “, indique la Fondation Abbé Pierre sur son site internet. Selon une étude réalisée avec la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (FEANTSA) parue le 5 septembre dernier, le phénomène du sans-abrisme concerne au moins 895 000 personnes. Et dans la majorité des Etats membres de l’UE, la situation s’aggrave, alertent les auteurs du rapport.

En 2019, lors d’une précédente évaluation, la FEANTSA estimait à 700 000 personnes le nombre de sans-abri dans l’UE. Une augmentation considérable a donc eu lieu, favorisée par la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine et leurs conséquences délétères, la crise énergétique et l’inflation alimentaire au premier plan.

L’étude note une progression du sans-abrisme dans la majorité des Etats membres de l’UE. En Espagne, par exemple, 28 552 personnes ont été recensées en tant que sans-abri en 2022, soit 24 % de plus qu’en 2012. Les auteurs du rapport constatent une explosion du nombre de personnes faisant appel aux services d’hébergement d’urgence en Irlande, de l’ordre de 40 % au cours des années 2021 et 2022. En France, d’après la Fondation Abbé Pierre, 209 074 personnes ne disposaient pas d’un domicile fixe en 2021. A rebours de la tendance actuelle, seuls quelques pays à l’instar de la Finlande, du Danemark ou encore de l’Autriche ont réussi à réduire significativement le nombre de sans-abri.

Face à cette situation dégradée sur le Vieux Continent, la FEANTSA et la Fondation Abbé Pierre militent pour une meilleure prise en compte du sans-abrisme aux niveaux national et européen, avec des moyens d’action renforcés. Les préconisations des deux organisations concernent aussi le mal-logement, dont leur étude dresse un panorama très détaillé.

Le mal-logement, un phénomène de masse en Europe

S’appuyant sur des données d’Eurostat, l’office européen de statistiques, le rapport indique que 4,3 % de la population totale européenne, correspondant à plus de 19,2 millions de personnes, subissaient une situation de privation sévère liée au logement en 2020. A savoir des personnes dont l’habitation est non seulement surpeuplée mais qui est aussi affectée par l’un des défauts suivants : “logements dont le toit fuit, sans baignoire ou douche ni toilette intérieure ou considérés comme trop sombres”.

Lorsque l’on ne prend en considération qu’un seul de ces indicateurs, la part des Européens touchés par le mal-logement est encore plus importante. En 2020, ils étaient ainsi 14,8 % à habiter un logement présentant des infiltrations d’eau, des fondations humides ou des moisissures, 17,4 % à occuper une habitation surpeuplée et 7,5 % ne pouvaient maintenir une température adéquate dans leur lieu de vie.

En fonction des Etats membres et de leurs niveaux de richesse, d’importantes disparités existent au sein de l’UE. Près de la moitié de la population roumaine (45 %) vit dans des logements surpeuplés. En Bulgarie, une personne sur huit (13 % de la population) occupe une habitation sans toilettes intérieures. Mais ces difficultés sont loin d’être étrangères aux pays les plus prospères. En France, 18 % des habitants vivent dans un logement pouvant être considéré comme insalubre.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), citée dans l’étude de la FEANTSA et de la Fondation Abbé Pierre, plus de 100 000 décès sont imputables chaque année à l’insalubrité des logements en Europe.

Plus d’actions aux niveaux national…

Pour lutter contre cette précarité massive en matière d’habitat, les auteurs du rapport appellent en premier lieu à soutenir financièrement les ménages confrontés à ces situations. Mais ils soulignent que les aides de l’Etat doivent être accompagnées d’une politique d’augmentation de l’offre de logement, pour en améliorer réellement l’accessibilité.

La FEANTSA et la Fondation Abbé Pierre exhortent ainsi les Etats européens à créer plus de logements sociaux ou encore à développer des logements privés abordables, notamment via une réorientation des investissements, et déplorent le manque d’initiatives nationales dans ce domaine. Ils préconisent aussi de mieux faire respecter les normes minimales d’habitabilité et les lois de protection de locataires, ceux-ci n’étant pas toujours informés de leurs droits ou n’osant pas les faire valoir. Le rapport met aussi en avant l’encadrement des loyers, dont plusieurs études ont démontré l’efficacité face à la hausse des prix de l’immobilier.

Concernant plus spécifiquement le sans-abrisme, les FEANTSA et Fondation Abbé Pierre recommandent aux Etats membres le déploiement de stratégies nationales pour mettre un terme à l’absence de “chez-soi”.

… et européen

L’étude des deux organismes rappelle que les moyens d’action de l’UE pour combattre le sans-abrisme sont limités, les compétences pour y répondre revenant avant tout aux Etats membres. Les deux organisations saluent cependant le travail effectué dans le cadre de la Plateforme européenne de lutte contre le sans-abrisme (EPOCH). Lancée en 2021, celle-ci met en relation Etats membres, institutions européennes et différentes parties prenantes (experts des questions de logement et de sans-abrisme, personnes en ayant fait l’expérience, associations travaillant avec les sans-abri…) dans le but de mettre fin au phénomène d’ici à 2030.

Les stratégies initiées pour améliorer la collecte des données, trouver des moyens de financement et promouvoir le partage de connaissances sont des signaux encourageants”, écrivent les auteurs du rapport. Ils proposent de renforcer la marge de manœuvre d’EPOCH, en lui allouant notamment un budget structurel.

Parmi les parties prenantes d’EPOCH se trouve le Comité économique et social européen (CESE), organe consultatif représentant la société civile de l’UE auprès de ses institutions. En octobre 2022, le CESE avait organisé avec la FEANTSA une conférence sur le sans-abrisme et les moyens de l’éradiquer d’ici à 2030. Les membres de l’organisation avaient enjoint les dirigeants de l’UE à mettre en place un cadre européen de lutte contre le sans-abrisme, avec une gouvernance et un budget spécifiques.

Les politiques du logement nécessitent d’importants budgets. [EPOCH] nous permet sans cesse d’insister auprès de la Commission pour qu’un financement soit mis en place au niveau européen”, expliquait en décembre dernier María del Carmen Barrera Chamorro, membre du CESE et spécialiste des questions liées au sans-abrisme.

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