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Charles III en France, peut-il resserrer les liens entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ?

En France ce mercredi 20 septembre et pour trois jours, le roi Charles III effectue sa troisième visite officielle à l’étranger, après l’Allemagne et la Roumanie. Depuis 50 ans, en tant que prince, il a multiplié les visites sur le continent. De là à l’imaginer jouer un rôle dans le réchauffement des relations entre son pays et l’Union européenne ?

Le roi Charles III a participé en 2011 à un débat au Parlement européen de Bruxelles à propos de la lutte contre le réchauffement climatique - Crédits : Pietro Naj-Oleari / Parlement européen
Le roi Charles III, alors prince de Galles, a participé en 2011 à un débat au Parlement européen à Bruxelles sur la lutte contre le réchauffement climatique - Crédits : Pietro Naj-Oleari / Parlement européen

Cette fois, c’est la bonne. Ce mercredi 20 septembre 2023, Charles III va fouler pour la première fois le sol français en sa qualité de roi du Royaume-Uni. Une visite officielle initialement prévue à la fin du mois de mars dernier et qui devait être alors sa première sortie à l’étranger comme monarque. Mais le contexte social en France à l’époque lié au mouvement contre la réforme des retraites avait forcé le report de sa venue.

Entretemps, Charles III s’est rendu en Allemagne à la fin du mois de mars, puis en Roumanie au début du mois de juin. Pour ses trois premiers voyages officiels en tant que souverain, le nouveau roi aura donc visité trois pays de l’Union européenne. De quoi y voir le signe d’une volonté de resserrer les liens entre son royaume et ses voisins européens et d’enterrer la hache de guerre du Brexit ?

Un intérêt qui dépasse le rôle protocolaire

Le 9 février 1970, le prince Charles s’installe au premier rang de l’hémicycle de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, abrité au sein de la Maison de l’Europe, à Strasbourg. Il accompagne son père, le prince Philip, invité à présider la séance d’ouverture d’une conférence dédiée à la conservation de la nature. C’est la première fois que le jeune prince de Galles, alors âgé de 21 ans, rend officiellement visite à une organisation intergouvernementale européenne en tant que membre de la famille royale britannique.

De nombreuses autres visites suivront, cette fois-ci auprès des institutions de l’Union européenne. Comme fin novembre 1978, lorsqu’il participe à des discussions au siège de la Commission européenne à Bruxelles, ou encore en novembre 1992, quand il visite le siège du Parlement européen à Strasbourg et participe à une conférence intitulée “Commerce européen et environnement”. Quelques jours plus tôt, il s’entretenait avec Jacques Delors, président de la Commission européenne, au siège de celle-ci à Bruxelles.

Le prince Charles au côté de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, le 19 novembre 1992 à Bruxelles - Crédits : Christian Lambiotte / Commission européenne
Le prince Charles au côté de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, le 19 novembre 1992 à Bruxelles - Crédits : Christian Lambiotte / Commission européenne

Pour Aurélien Antoine, professeur des universités spécialiste du droit et des institutions britanniques, le prince Charles s’est emparé avec beaucoup d’intérêt de cette mission de représentation de la famille royale britannique auprès des institutions européennes. “Sous le règne d’Elizabeth II, c’est surtout le prince de Galles qui se chargeait de cette représentation. On ne pourra jamais savoir s’il aurait voté en faveur ou non du Brexit, mais c’est évident que sur les relations avec l’Union européenne, il a toujours montré sa volonté de maintenir des relations étroites”.

Un message hautement symbolique envoyé à l’UE

Au-delà de ses venues à Strasbourg et Bruxelles, le prince Charles a multiplié les visites officielles dans les pays européens depuis près de 50 ans. 36 en France, 34 en Allemagne, 18 en Italie. Un intérêt personnel, qui dépasse son simple rôle de représentation de la monarchie britannique, selon Aurélien Antoine. “Charles III témoigne d’un profond attachement à l’histoire. Il entretient un lien personnel avec les pays européens. Le roi est très européen culturellement, féru de musique classique de compositeurs allemands comme de bons vins bordelais”.

L’universitaire voit dans cette proximité entre le nouveau monarque et les pays européens une forme de rupture avec la reine Elizabeth II. “Charles III fait preuve d’un vrai intérêt intellectuel à se rendre en Europe. Ce que je ne dirais pas forcément de sa mère, qui avait plutôt un réel intérêt à privilégier les pays du Commonwealth”.

Un tropisme européen qui se reflète dans les choix de visites à l’étranger de Charles III, qui s’est rendu dans des pays de l’UE (Allemagne, Roumanie puis France) pour ses trois premiers déplacements en dehors du Royaume-Uni. A titre de comparaison, Elizabeth II avait attendu sa troisième visite à l’étranger pour poser le pied sur le continent européen, en Norvège en 1955.

En octobre 2017, le prince Charles est intervenu lors de la conférence internationale Notre océan, organisée par la Commission européenne à Malte - Crédits : Matthew Mirabelli / Commission européenne
En octobre 2017, le prince Charles est intervenu lors de la conférence internationale Notre océan, organisée par la Commission européenne, à Malte - Crédits : Matthew Mirabelli/Commission européenne

La relation entre Charles III et l’Europe est également intimement liée à son engagement pour la préservation de l’environnement. C’est dans ce cadre-là qu’il a été invité pour la première fois au Conseil de l’Europe en 1970 (voir plus haut). En février 2011, lors d’une nouvelle visite officielle à Bruxelles au Parlement européen, il a débattu de la lutte contre le changement climatique, appelant alors à “en faire plus aujourd’hui pour éviter les catastrophes de demain”.

A l’heure où la Commission européenne s’est donnée pour objectif de rendre l’Europe neutre en carbone d’ici à 2050 à travers son Pacte vert européen, le roi soutiendrait-il cette initiative secrètement ? “Je pense qu’il est tout à fait satisfait de ces évolutions, même s’il aimerait que ça aille encore plus loin”, répond Aurélien Antoine.

Rester à bonne distance des sujets épineux

Cet intérêt de longue date affiché par Charles III pour ses voisins européens pousse naturellement à s’interroger sur l’influence qu’il pourrait avoir sur le devenir des relations entre son pays et l’Union européenne, bientôt trois ans après l’entrée en vigueur du Brexit. “C’est un sujet très sensible”, rappelle Aurélien Antoine. “Son rôle n’est absolument pas de prendre position, ce serait une énorme erreur. Il peut faire des clins d’œil, manifester sa sympathie, son amitié, en choisissant ses destinations, mais il doit s’en tenir à ces simples signes, qui laissent libre court aux interprétations”.

Pour le spécialiste du droit et des institutions britanniques, cela n’indique en rien que le roi se privera d’entretenir des liens avec les institutions de l’Union européenne. Ce qu’il a d’ailleurs déjà fait, en acceptant que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, vienne à sa rencontre au château de Winsdor, le 27 février dernier. Cette entrevue, qui concernait le nouvel accord sur le protocole nord-irlandais du Brexit, n’a pas manqué de faire réagir outre-Manche.

Tout dépend du contexte et de la manière dont il fait les choses”, résume Aurélien Antoine. “Charles III garde le droit de visiter les institutions européennes par intérêt personnel, en sa qualité de chef d’Etat. Il pourrait également prononcer un discours devant le Parlement européen, ce qui enverrait un message différent puisqu’il s’agit de la représentation démocratique du peuple européen. Mais s’il décidait de le faire par exemple le jour de la fête de l’Europe, cela risquerait d’être très mal interprété par les Britanniques”.

Aurélien Antoine est professeur des Universités, titulaire de la chaire Droit public et politique comparés à l’Université Jean-Monnet de Saint-Etienne. Il est également le directeur de l’Observatoire du Brexit, un groupe de recherche sur le Royaume-Uni et l’Union européenne post-Brexit. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le dernier est Droit constitutionnel britannique, 3ème édition, paru aux éditions LGDJ (2023).

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