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Travailleurs détachés : le Parlement européen et les gouvernements à la recherche d’un compromis

Tard lundi 23 octobre, les ministres européens du Travail ont abouti, lundi 23 octobre, à un accord en vue de la révision de la directive sur les travailleurs détachés. Une étape majeure pour un processus législatif entamé il y a 18 mois, et qui entérine le principe d’une même rémunération sur un même lieu de travail pour les travailleurs nationaux comme détachés. Toutefois, des points de divergence demeurent avec la position du Parlement européen, trouvée le 16 octobre, portant sur la durée maximale du détachement ou encore sur les transports routiers. Les négociations entre les eurodéputés et les gouvernements européens pourraient durer plusieurs semaines.

Elisabeth Morin-Chartier, qui représentera, avec Agnes Jongerius, le Parlement européen lors des négociations avec les ministres européens pour la révision de la directive sur les travailleurs détachés
Elisabeth Morin-Chartier, qui représentera, avec Agnes Jongerius, le Parlement européen lors des négociations avec les ministres européens pour la révision de la directive sur les travailleurs détachés - Crédits : Les Républicains

Après un an et demi de tractations, la révision de la directive sur le détachement des travailleurs va désormais pouvoir entrer dans sa phase finale : celle des négociations entre le Parlement européen et le Conseil des ministres du Travail de l’Union européenne.

Accord au Conseil

En effet, une semaine après les eurodéputés, les gouvernements se sont entendus sur un compromis, approuvé à une large majorité. Seules la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne s’y sont opposées, réduisant de fait le clivage Ouest/Est mis en évidence par les premières discussions. Au cœur de l’accord trouvé, la validation du principe “à travail égal, rémunération égale, sur un même lieu de travail” . Une avancée sociale, qui n’avait rien d’une évidence à l’ouverture des négociations, début 2016. De plus, les conventions collectives universelles en vigueur dans les Etats membres devront également s’appliquer à l’ensemble des travailleurs.

En juin dernier, les gouvernements de l’UE avaient déjà été proches de s’entendre, mais les discussions avaient été prolongées, notamment sous l’impulsion de la France, qui souhaitait renforcer certaines dispositions, dont celle de la durée maximale du détachement. Pour Emmanuel Macron, qui s’est personnellement impliqué sur ce dossier au cours de l’été, il était indispensable de fixer la limite à 12 mois. Le 23 octobre, le président français a obtenu gain de cause.

Pour Elisabeth Morin-Chartier, eurodéputée LR et rapporteure du Parlement européen pour la révision de la directive sur les travailleurs détachés en collaboration avec la travailliste néerlandaise Agnes Jongerius, il est donc possible de se “réjouir” . Les motifs de satisfaction sont assez nombreux et trouver un compromis au Conseil n’était pas assuré.

Une avancée, pas une “victoire” pour les eurodéputés

Toutefois parler de “victoire” , comme la presse française a pu le faire après l’annonce de l’accord, est à la fois prématuré et excessif selon Mme Morin-Chartier. En effet, au Conseil, des concessions importantes ont été faites aux pays réticents à la révision de la directive. Parmi celles-ci : l’exclusion du secteur routier de la directive, ou encore l’extension du délai d’application de la future directive à 4 ans.

Deux points qui ne font pas partie de l’accord trouvé au Parlement et à propos desquels Elisabeth Morin-Chartier avoue donc logiquement “ne pas être contente” . Pour Veronica Lope Fontagné, eurodéputée conservatrice espagnole, “c’est une évidence” , l’insistance française sur cette limite de 12 mois n’était pas judicieuse, dans la mesure où ce sujet était secondaire en comparaison d’autres enjeux. D’autant plus, comme le rappelle Mme Morin-Chartier, que la durée moyenne du détachement des travailleurs ne s’élève qu’à “44 jours” .

Au cours des semaines à venir, les eurodéputés tâcheront donc de rapprocher les gouvernements de l’UE de leurs positions. Lors d’un point presse avec les journalistes à l’occasion de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg (23-26 octobre), Guillaume Balas, eurodéputé socialiste, n’a pas caché son inquiétude. “La fixation des équilibres politiques au Conseil ne va pas nous aider” , a-t-il déclaré après avoir vertement critiqué la stratégie de la France. Sur un ton plus diplomatique, Elisabeth Morin-Chartier, qui représentera avec Mme Jongerius l’institution lors des discussions, a également reconnu que sa position “est compliquée par la France” .

Blocage prévisible sur le transport routier

Au cœur de ces ultimes tractations se trouvera également la question du transport routier. Sur ce point, certains pays comme l’Espagne, le Portugal, la Pologne ou encore la Hongrie se sont montrés exigeants. Interrogé par Toute l’Europe, Adam Kosa, eurodéputé hongrois membre du parti du Premier ministre Viktor Orban, explique que “la logique veut que des règles différentes s’appliquent” aux chauffeurs routiers. Contre toute révision de la directive, M. Kosa fait valoir que “les routiers ne sont pas des travailleurs détachés, mais des travailleurs mobiles” .

Quels sont les principaux points de désaccord entre le Parlement européen et les ministres ?

- L’incorporation, ou non, du secteur routier au champ d’application de la directive
- La durée maximale du détachement
- Le délai d’application de la directive
- L’extension, ou non, de la base légale de la directive aux droits sociaux

Des règles spécifiques au secteur routier doivent en effet être décidées prochainement au niveau européen dans le cadre du “paquet mobilité” , un “ensemble de mesures visant à renforcer la durabilité et la compétitivité dans le secteur des transports routiers” . Mais le vote de ces mesures, qui selon Christine Revault d’Allonnes Bonnefoy, eurodéputée socialiste et spécialiste des questions de transports, pourrait ne pas avoir lieu avant les élections européennes de 2019. C’est pourquoi les eurodéputés sont une majorité à souhaiter incorporer temporairement les travailleurs routiers dans le champ d’application de la directive.

Si ça ne devait pas être le cas, ce serait “dramatique” , estime Elisabeth Morin-Chartier, qui assure par ailleurs qu’elle “ne lâchera rien” au moment d’affronter le Conseil. Veronica Lope Fontagné se veut pour sa part optimiste. Comme le gouvernement espagnol, dont elle partage la couleur politique, elle est favorable à ce que les travailleurs du secteur des transports soient traités à part. Mais ayant approuvé la solution de sa collègue française, Mme Lope Fontagné veut croire qu’un “compromis” sera également possible avec les ministres.

Le dumping social comme cible globale

Aboutir à un accord avant la fin de l’année 2017 paraît dans ce contexte tout de même difficilement atteignable, prévient Elisabeth Morin-Chartier, qui entend “négocier en bloc” . A cet égard, une issue au cours du “premier trimestre 2018″ semble être une échéance plus réaliste.

A cette période, le prochain grand chantier social européen, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, devrait être en discussion au Parlement. Un texte pour lequel Guillaume Balas sera rapporteur et qui est censé venir compléter la révision de la directive sur les travailleurs détachés. L’objectif global étant de faire de l’Europe un “triple A social” , pour reprendre la formule utilisée par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.

Un effort jugé indispensable par une majorité d’eurodéputés, dont Jan Keller, socialiste tchèque. “Depuis le début de la crise financière, les différences de revenus et de qualité de vie au sein de l’UE ont augmenté, facilitant le développement du dumping social” , explique-t-il, interrogé par Toute l’Europe. Avant d’ajouter que “sauf si des progrès sont accomplis en faveur de la convergence, les remèdes proposés ne traiteront que les effets, et non pas les causes du dumping social” .

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