“Les événements se précipitent, s’enchaînant à quelques heures d’intervalle”, débute Le Temps. Tandis que Google présentait ses dernières avancées en matière d’intelligence artificielle (IA), 9 300 kilomètres plus loin les eurodéputés “se réunissaient jeudi matin à Strasbourg pour faire avancer la régulation de l’IA”. C’est un “vote clé”, prévenait la veille The Guardian, cité par Courrier international. L’Union européenne ambitionne d’être “la première au monde à se doter d’un cadre juridique complet pour limiter les dérives de l’IA, tout en sécurisant l’innovation”, ajoute Le Monde.
Ainsi, les eurodéputés des commissions parlementaires des libertés civiles et du marché intérieur “ont donné leur feu vert pour interdire l’utilisation de la reconnaissance faciale dans les espaces publics et le recours aux outils de police prédictive”, explique L’Usine Nouvelle. L’agent conversationnel ChatGPT, développé par l’entreprise américaine OpenAI, est aussi dans le viseur avec l’introduction de nouvelles mesures de transparence aux applications d’IA générative.
Projet phare de Bruxelles “visant à réglementer l’intelligence artificielle en fonction de son potentiel de nuisance” [Euractiv], l’examen du texte proposé il y a deux ans a pris du retard ces derniers mois, après les controverses “sur les dangers des IA génératives capables de créer des textes ou des images” [Le Monde].
Durcissement des règles
La proposition de la Commission, dévoilée en avril 2021, prévoyait déjà “un encadrement des systèmes d’IA qui interagissent avec les humains”, poursuit Le Monde. Celles-ci devront “informer l’utilisateur qu’il est en relation avec une machine” ou encore préciser si des images ont été créées artificiellement.
Le quotidien britannique The Independent rappelle en outre que l’Europe prévoit de classer les systèmes d’IA “selon quatre niveaux de risque, de minime à inacceptable”. Ceci afin d’éviter des dérives à la “Big Brother” [The Guardian] : si les IA peuvent “sauver des vies en permettant un bond en avant des diagnostics médicaux”, elles sont aussi exploitées par des régimes autoritaires “pour exercer une surveillance de masse des citoyens” [Le Monde]. Parmi les risques classés comme “inacceptables”, selon l’UE : “le score social, comme c’est le cas en Chine” [Courrier international]. La loi sur l’IA veut ainsi bannir “les techniques de manipulation et l’évaluation sociale”, précise Euractiv.
En outre, les droits d’auteurs devraient être mieux protégés des IA “qui créent du contenu à partir d’une contribution humaine limitée, comme ChatGPT [ou] Midjourney”, note Politico. Les députés européens proposent aussi “des normes plus strictes en matière de transparence et de respect des droits de l’homme”, ajoute le journal.
Un “effet Bruxelles” ?
Les autorités du monde entier “se précipitent pour élaborer des règles” qui accompagneront le développement fulgurant des IA génératives, constate The Independent. Les Etats-Unis et la Chine, “les deux principales puissances du numérique, avancent aussi sur le sujet”, mais “les approches diffèrent”, relèvent Les Echos. Par peur de brider l’innovation, “les Etats-Unis restent prudents à ce stade” et n’ont pas adopté de législation contraignante. Washington ne souhaite pas “se mettre des bâtons dans les roues, alors que le pays a enfanté OpenAI”, poursuit le journal économique. Du côté de Pékin, le régime communiste veut rester dans la course face aux Etats-Unis, “tout en s’assurant que l’IA épouse la ligne du Parti” [Les Echos].
En Europe, on espère que ce nouveau texte deviendra “l’étalon-or de la réglementation dans le monde entier”, et qu’il sera suivi par les géants du numérique - notamment les GAFAM [The Guardian]. “C’est ce qu’on appelle l’effet Bruxelles. Si l’UE agit en premier et propose des normes raisonnables, les autres pays s’inspireront des règles de l’UE pour élaborer leur propre réglementation”, selon Zach Meyers, chercheur au Centre for European Reform, interrogé par le quotidien britannique.
“Le premier texte de loi sur l’IA n’est pour l’instant qu’un mandat de négociation”, explique Courrier international. L’étape suivante est son adoption par l’ensemble des eurodéputés en séance plénière, “dont la date est provisoirement fixée au 14 juin”, selon Euractiv. Les Etats membres ont quant à eux “défini leur position à la fin de 2022″ [Le Monde]. Une fois la position du Parlement européen adoptée, les négociations pourront débuter “avec le Conseil de l’UE et la Commission, ce que l’on appelle les trilogues” [Euractiv]. Après leur conclusion et l’instauration de la législation, “une période de grâce d’environ deux ans permettra aux parties concernées de [s’y] conformer”, indique l’agence de presse Reuters.
Les autres sujets du jour
Economie
- Amsterdam : amender le dogme libéral [France Culture]
- Les dépenses de l’Europe grevées par les taux [Le Figaro]
- En Allemagne, la cagnotte fiscale se dégonfle [Les Echos]
- En Grèce, derrière la reprise économique, la crise sociale perdure [Le Monde]
Industrie
- Macron appelle à une “pause” dans la réglementation environnementale européenne [Le Monde]
- Batteries électriques : pourquoi la production en Europe est-elle menacée par les Etats-Unis et la Chine ? [Sud Ouest]
Italie
- Giorgia Meloni, diablement habile [Le Point]