Toute L'Europe – Comprendre l'Europe

Carlos Trindade (CESE) : “La question de l’eau engage la société tout entière”

26 millions d’européens ont des problèmes d’accès à l’eau. Face à ce constat, quelle stratégie adopter, alors que ce chiffre devrait s’accentuer avec le réchauffement climatique ? Pour Carlos Trindade (CESE), co-auteur d’un avis sur le sujet, la gestion de l’eau doit devenir une priorité dans la législation européenne.

Carlos Trindade, co-auteur de l’avis sur la précarité hydrique, lors de la session plénière du Comité économique et social européen à Bruxelles, le 13 juillet 2023 - Crédits : Comité économique et social européen

Un nombre croissant d’européens est affecté par la précarité hydrique, se retrouvant dans l’incapacité de payer ses factures d’eau ou d’avoir accès à un assainissement de qualité. Un phénomène qui risque de s’accentuer avec le réchauffement climatique et ses effets sur les ressources en eau. Dans un avis adopté le 13 juillet (171 pour, 19 non, 22 abstention), porté par la Hongroise Kinga Joó (rapporteuse) et le Portugais Carlos Trindade, le Comité économique et social européen (CESE), organe consultatif de représentation de la société civile européenne, propose de mettre à l’agenda cet aspect de la pauvreté en plaidant pour un “Pacte Bleu” européen. L’eau deviendrait ainsi une priorité transversale dans les futures législations européennes.

Toute l’Europe : Qui est affecté en premier lieu par la précarité hydrique ?

Carlos Trindade : La précarité hydrique concerne environ 26 millions de citoyens européens. Soit environ 6 % de la population européenne qui a des problèmes d’accès à une eau et à un assainissement de qualité à un prix abordable. On constate que les groupes qui sont les plus vulnérables dans la société de manière générale sont aussi les plus vulnérables face à la précarité hydrique. Les ménages les plus pauvres ont plus de risques de ne pas avoir d’équipements sanitaires adaptés chez eux. Et certains groupes sont plus affectés par des problèmes spécifiques, comme les femmes chez qui cette situation peut poser des soucis d’hygiène intime menstruelle. La précarité hydrique n’est pas un sujet particulièrement mis en avant. Et pourtant la question de l’eau ne concerne pas seulement les groupes les plus vulnérables : elle engage la société tout entière.

Le changement climatique renforce-t-il la précarité hydrique en Europe ?

On a déjà eu en Sicile une situation où, en période de sécheresse, les habitants avaient accès à l’eau seulement deux ou trois heures par jour dans certaines villes. Mais tous les Européens peuvent être affectés, et pas seulement le sud du continent ! Les pays ayant d’importantes côtes maritimes risquent de rencontrer des problèmes liés à l’élévation du niveau des mers, par exemple. Dans les Etats montagneux, l’absence de neige va avoir des conséquences directes sur l’accès à l’eau, mais aussi sur l’économie locale et le tourisme. Il y a aussi la question de l’assèchement des grands fleuves européens : si le Danube manque d’eau, l’activité économique est en jeu. Dans son avis, le CESE s’intéresse non seulement aux groupes vulnérables, mais aussi à la problématique plus générale du manque de ressources en eau et à son impact sur l’économie.

Quelles sont les solutions concrètes avancées par le CESE pour lutter contre les inégalités d’accès à l’eau ?

D’abord, la question de l’eau doit être abordée sous l’angle des droits humains : ce n’est pas une marchandise mais un bien public. Plutôt que de le réguler par le marché unique, le CESE souhaite que la Commission européenne s’appuie sur les objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU. En particulier l’objectif numéro 6 qui vise à garantir un accès à l’eau pour tous et assurer une gestion durable des ressources. Je tiens à rappeler aussi que dans le socle européen des droits sociaux, un article est consacré au droit d’accès à des services essentiels de qualité, dont l’eau fait partie.

Actuellement, l’eau reste en dehors du marché unique grâce à une directive issue de l’initiative citoyenne européenne “Right2Water”. Mais il faudrait renforcer cette vision sociale, en introduisant par exemple l’ODD n°6 dans la directive relative à l’eau potable pour qu’elle garantisse à tous un accès aux services d’approvisionnement en eau.

Le “Pacte Bleu” proposé par le CESE est-il un moyen d’encadrer la concurrence des usages de l’eau de manière transversale ?

Oui. Car ce que l’on propose avec le “Blue Deal” c’est une vision stratégique et holistique. Bien sûr, nous avons besoin d’une vision sociale, l’accès à l’eau étant un droit essentiel. Il ne faut pas non plus négliger l’aspect économique et trouver un équilibre entre ces deux dimensions : l’eau est nécessaire à l’agriculture, à l’industrie ou encore pour assurer aux citoyens un certain nombre de services, comme les activités touristiques. Les aspects sociaux et économiques vont de pair.

La coopération territoriale est aussi très importante. Dans la gestion des fleuves et bassins hydriques transfrontaliers notamment. C’est le cas dans la péninsule ibérique où un comité de gestion a été créé pour le Tage. C’est aussi un moyen de prévenir les conflits liés à l’eau. La coopération permet d’éviter les tensions et de réduire les inégalités de manière plus efficace. Si nous voulons un avenir meilleur, nous devons donner à la question de l’eau l’intérêt qu’elle mérite.

Votre avis compte : avez-vous trouvé ce que vous cherchiez dans cet article ?

Pour approfondir

À la une sur Touteleurope.eu

Flèche

Participez au débat et laissez un commentaire

Commentaires sur Carlos Trindade (CESE) : "La question de l'eau engage la société tout entière"

Lire la charte de modération

Commenter l’article

Votre commentaire est vide

Votre nom est invalide