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Asile et migrations en Europe : qu’est-ce que le règlement de Dublin ?

Le règlement de Dublin régit les demandes d’asile au niveau de l’UE. Comment fonctionne-t-il, et que lui est-il reproché ?

En attendant la prise en charge de leur demande d'asile, les réfugiés restent plusieurs mois dans des camps, comme ici à Idomeni en Grèce, le 15 mars 2016 - Crédits : Sakis Mitrolidis / Commission européenne
En attendant la prise en charge de leur demande d’asile, les réfugiés restent plusieurs mois dans des camps, comme ici à Idomeni en Grèce, le 15 mars 2016 - Crédits : Sakis Mitrolidis / Commission européenne

Ce que vous allez apprendre dans cet article

Lorsqu’un migrant demande l’asile dans un pays de l’UE, c’est au premier pays européen qu’il a traversé de traiter cette demande.

Le règlement de Dublin fait reposer l’essentiel de la pression migratoire sur des pays comme Malte, l’Italie, la Grèce ou l’Espagne.

Une nouvelle proposition de réforme a été présentée par la Commission européenne le 23 septembre 2020 : le Pacte européen sur la migration et l’asile.

Qu’est-ce que le système de Dublin ?

Partant du principe que le niveau de protection et d’accueil des demandeurs d’asile est le même dans tous les pays de l’UE, le système de Dublin permet de définir quel pays est le plus à même d’accueillir une demande d’asile. 

Il oblige ainsi, dans la plupart des cas, un individu à déposer sa demande dans son pays d’arrivée sur le territoire de l’UE. S’il la dépose dans un autre Etat, par exemple une fois arrivé en France après avoir d’abord débarqué en Grèce, il sera renvoyé dans cette dernière pour qu’elle traite sa demande.

Le système lie l’ensemble des pays de l’Union européenne, mais aussi la Suisse, la Norvège et le Liechtenstein, à l’exception du Danemark qui ne souhaite pas y participer. 

Pièce maîtresse du régime d’asile européen commun (RAEC), il comprend les règlements de Dublin III et Eurodac. Voté en 2013, le premier établit les critères et les mécanismes d’accueil pour les demandeurs d’asile. Il succède à la convention de Dublin (signée en 1990) et au règlement Dublin II (adopté en 2003).

Le second a été adopté au même moment (en révision d’un précédent règlement de 2003) pour assurer une plus grande efficacité dans l’application de Dublin III. Il organise la collecte les données biométriques des personnes à leur entrée sur le sol européen et leur conservation dans un système automatisé pour suivre le demandeur d’asile et son dossier. Il permet d’éviter qu’un même individu ne dépose de demande dans plusieurs pays.

Quels sont les critères pour déterminer le pays responsable d’une demande d’asile ?

Pour déterminer quel Etat sera responsable de la demande d’accueil, le texte du règlement prévoit un principe simple expliqué par la Commission européenne : l’Etat qui prendra en charge la demande d’asile est celui qui a joué “le rôle le plus important dans l’entrée du demandeur sur le territoire de l’UE” .

Cette importance est évaluée à travers plusieurs critères. Selon un rapport d’évaluation du Parlement européen, l’Etat responsable peut ainsi être :

  • un Etat membre dans lequel le demandeur d’asile a déjà de la famille, auquel cas il peut demander à ce que sa demande soit traitée dans ce pays. Pour les mineurs non-accompagnés, le pays responsable est celui dans lequel réside un parent ou un adulte capable de prendre en charge le mineur. Comme l’explique Horatia Muir Watt, professeure en droit international privé et en droit comparé à Sciences-Po, “ce système explique pourquoi de très nombreux mineurs se retrouvant à Calais disent qu’ils ont un parent en Angleterre” ;
  • un Etat membre qui a déjà délivré au demandeur d’asile un titre de séjour ou un visa encore en cours de validité, auquel cas la demande de celui-ci peut être traitée dans ce pays, à l’expiration de son autorisation de séjour ;
  • si aucun de ces critères ne peut s’appliquer, c’est alors le premier pays par lequel le demandeur d’asile est entré qui est responsable du traitement de la demande. Cette obligation prend fin après 12 mois à compter de la date d’entrée. Ce critère est celui qui est le plus souvent appliqué, ce qui explique que la pression migratoire s’est principalement portée sur des pays comme l’Italie, la Grèce, Malte ou l’Espagne.

Une étude du Parlement européen montre que sur la période 2008-2017, dix Etats membres de l’Union européenne concentraient à eux seuls 90 % des demandes d’asile dans l’ensemble de l’UE. Une tension qui s’est aggravée lors de la crise migratoire de 2015-2016, avant que la pandémie de Covid-19 ne vienne freiner cette dynamique. 

Selon Eurostat, les Etats membres de l’Union ayant reçu le plus grand nombre de demandeurs d’asile en 2021 sont, en valeur absolue, l’Allemagne (190 545), la France (120 685), l’Espagne (65 295), l’Italie (53 610), l’Autriche (39 900) et la Grèce (28 355).

Qu’est-ce qu’un “dubliné” ?

Sauf dans le cas des demandes à la frontière, la première étape de la procédure est celle de l’enregistrement de la demande d’asile. Les empreintes digitales de la personne sont alors saisies et enregistrées dans la base de données européenne Eurodac.

Les autorités nationales peuvent vérifier si ces empreintes ont déjà été enregistrées dans un autre pays, auquel cas ce dernier sera généralement responsable de la demande. Le demandeur d’asile est alors placé en “procédure Dublin”, c’est-à-dire qu’il doit être renvoyé vers ce dernier pays. Ainsi, il est dit “dubliné”.

Depuis la mise en place d’Eurodac en 2003, des demandeurs d’asile en sont venus à s’infliger d’importantes blessures pour modifier leurs empreintes digitales. En 2009, le Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU cité dans le Monde diplomatique, constatait déjà que pour “éviter d’être renvoyés en Grèce ou ailleurs, des migrants et des demandeurs d’asile vont jusqu’à brûler le bout de leurs doigts avec des clous chauffés à blanc ou de l’acide sulfurique pour qu’ils ne puissent plus être identifiés via leurs empreintes digitales”.

Pourquoi la Commission européenne veut-elle “abolir” Dublin ?

A l’occasion de son discours sur l’état de l’Union prononcé à Bruxelles en septembre 2020, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé vouloir “abolir” le règlement de Dublin.

De l’aveu même de la Commission européenne, le système actuel repose en très grande majorité sur un petit nombre d’Etats. Une “situation qui mettrait à rude épreuve les capacités de n’importe quel Etat membre”, reconnaît l’exécutif européen. Plus généralement, l’institution estime que le système de Dublin n’a pas été conçu pour assurer un partage “durable” des responsabilités liées au droit d’asile et qu’il n’est “pas viable” lors de périodes de crise comme celle survenue à l’été 2015.

A l’époque, la pression s’est accrue aux frontières extérieures de l’Union. La plupart des pays de l’UE, notamment ceux de première entrée (mais aussi d’autres comme l’Allemagne et la France), ont enregistré un plus grand nombre de demandes d’asile. L’Italie et la Grèce ont fait face à un afflux massif qu’elles ne sont pas parvenues à gérer, et ont dénoncé un manque de solidarité de la part de leurs partenaires européens.

A quelle réforme peut-on s’attendre ?

Face à la crise, les gouvernements nationaux se sont accordés en septembre 2015 sur une répartition des demandes d’asile par quotas, afin de soulager les pays en première ligne. Décriée par plusieurs pays d’Europe centrale, elle n’a, dans les faits, été que très peu appliquée. Au terme du programme de relocalisation de 120 000 demandeurs d’asiles prévu sur deux ans, 31 000 ont effectivement été pris en charge, soit à peine plus d’un quart des effectifs. Quant à leur répartition, le rapport publié par la Commission montre que les pays d’Europe centrale qui s’y étaient opposés, Hongrie et Pologne en tête, n’ont accueilli aucun migrant en provenance de Grèce ou d’Italie.

Une proposition de réforme, dite “Dublin IV”, avait été avancée par la Commission européenne en avril 2016. Celle-ci prévoyait notamment de changer de critère de répartition du traitement des demandes d’asile, pour ne plus les faire reposer sur les pays d’entrée. La Commission souhaitait également intégrer de nouveaux outils d’identification dans la base Eurodac. Le projet est néanmoins resté lettre morte, les positions des Etats restant très divergentes sur la question.

Prévu initialement pour février 2020 puis pour avril, le “Paquet asile et migrations” a finalement été dévoilé le 23 septembre par la Commission. L’enjeu consiste à construire un consensus politique autour du principe de solidarité entre Etats membres. La réforme prévoit un mécanisme de relocalisation pour les Etats volontaires, accompagné de contreparties financières et/ou d’une surveillance accrue des frontières extérieures pour ceux qui refusent d’accueillir des demandeurs d’asile.

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