L’enjeu des organismes publics : pallier les difficultés d’accès aux financements des PME européennes
Les entreprises européennes et plus particulièrement les petites et moyenne entreprises et les entreprises de taille intermédiaires (PME-ETI) font face à une difficulté majeure : accéder aux financements qui leur permettront de se développer et d’innover. La crise économique a en effet créé, ces dix dernières années, un resserrement des normes de crédit : les banques et les intermédiaires financiers en général sont bien plus frileux qu’auparavant à prêter de l’argent aux entreprises ou à y investir, et ce notamment dans les pays où le système financier est encore fragile.
Par ailleurs, la création d’emplois durables et la croissance reposent sur le dynamisme des PME, qui représentent plus de 99% des entreprises européennes, et donc de leur capacité à accéder à des financements. C’est pourquoi l’Union européenne a mis en place différents programmes de financement disposant de critères spécifiquement destinés aux PME, afin de répondre aux principes édictés en 2008 par le Small Business Act. Une déclaration politique de l’Union européenne, visant à promouvoir les petites entreprises, énonce notamment le principe du “think small first” .
Les programmes de financements du Groupe BEI à destination des PME
La Banque européenne d’investissement, à travers le Fonds européen d’investissement (voir encadré), propose différents instruments financiers à destination des PME afin de leur faciliter l’accès tant au crédit bancaire, qu’aux marchés de capitaux. Ce Fonds dispose une crédibilité auprès des agences de notation qui lui permet donc d’assurer les prêts (garanties de prêts), de proposer des prêts, ou d’investir dans des fonds d’investissements. Pour déployer ses instruments, le FEI intervient auprès des intermédiaires financiers : banques, fonds d’investissements, etc. (plus de 1000, selon leurs chiffres) sélectionnés à l’issue d’une candidature auprès de la BEI. Les PME s’adressent pour leur part directement à ces intermédiaires.
A titre d’exemple, le programme COSME, d’un budget de 1,3 milliard d’euros est notamment composé de deux sortes d’instruments financiers. L’un d’eux est un instrument de garantie de prêts que les banques font aux PME. Selon les estimations de la Commission, cet instrument devrait permettre de garantir environ 21 milliards d’euros de prêts destinés à 330 000 PME entre 2014 et 2020. COSME vise également à investir dans divers fonds d’investissement sélectionnés qui sont enclins à investir dans des PME en phase de croissance. En mars 2017, COSME, dans sa globalité, avait soutenu 172 800 PME dont plus de 90% de moins de 10 employés, selon la Commission européenne.
On peut également citer le programme Innov’Fin dans le cadre d’Horizon 2020, qui dispose de prérogatives proches ainsi que l’instrument PME qui cherche également à les accompagner et “coacher” .
Ces programmes sont quasi-essentiellement destinés à des PME dites innovantes. En effet, “les PME et en particulier les start-ups ont besoin de financements pour innover parce que si elles veulent être compétitives et croitre, il faut qu’elles innovent” , selon Sébastien Bourdin, enseignant-chercheur en développement territorial, à l’école de management de Normandie. Toutefois, poursuit-il, on peut “reprocher” à la Commission européenne “de laisser tout un pan de l’économie de côté : toutes les TPE-PME ne sont pas des TPE-PME innovantes”.
Le Fonds européen d’investissements stratégiques (FEIS) ou plan Juncker à destination des PME
Initiative de la Commission européenne et du Groupe BEI, l’un des grands axes du FEIS est le soutien aux petites et moyennes entreprises. Le volet PME représente 5,5 milliards d’euros, également déployés par le FEI, soit 26% des fonds mobilisés pour le plan. Avec un effet multiplicateur estimé à 15 (1€ investi génère 15€ d’investissements dans l’économie réelle) par la Commission, le volet PME devrait donc créer 75 milliards d’euros d’investissements avant 2020.
Dans le cadre de ce volet, les PME et ETI peuvent solliciter les fonds de différentes façons. Ils viennent tout d’abord renforcer les instruments financiers évoqués dans le paragraphe précédent (COSME, etc.). Et les PME peuvent également solliciter des prêts pour appuyer un projet particulier, ce qui nécessite la préparation d’un dossier destiné aux experts de la BEI, qui sélectionneront les projets qui correspondent aux objectifs de politique publique de l’UE.
L’efficacité de ces initiatives européennes les plus récentes (plan Juncker et instruments du FEI) peine toutefois à être évaluée du fait d’un manque de données mises à disposition par la Commission. “Faute d’avoir des données de l’UE, on [les chercheurs] va devoir mener nous-mêmes des sondages auprès des chefs d’entreprises qui ont bénéficié de ces fonds européens pour leur demander les difficultés qu’ils ont rencontrées, si l’effet de levier escompté a eu lieu et demander aux chefs d’entreprises qui auraient pu en bénéficier, pourquoi ça n’a pas été le cas” , explique Sébastien Bourdin.
Cela ne permet pas d’observer, par exemple, dans quelle mesure le recours aux intermédiaires financiers est efficace. Selon un rapport d’information du Comité économique et social européen (CESE), “tant la BEI que le FEI ont très peu d’expérience dans les contacts direct avec les PME et placent leur confiance dans des banques commerciales locales intermédiaires […]. Cependant, [ces banques] ne mettent pas ces ressources au service des PME qui en ont le plus besoin, mais de leurs clients fidèles” .
Les fonds structurels et d’investissement européens (FSIE)
Ces problématiques ne concernent toutefois pas encore les fonds structurels et d’investissements européens (FSIE) puisqu’ils sont toujours majoritairement distribués sous forme de subventions. Ces fonds rassemblent 638 milliards d’euros sur la période 2014-2020 et permettent de soutenir le développement économique, ainsi que de cohésion sociale et territoriale. Parmi leurs quatre objectifs : soutenir les PME.
Ils sont nourris par les Etats membres et les fonds leur sont directement transmis par l’Union européenne pour qu’ils puissent être utilisés à l’échelle locale, en fonction des besoins régionaux et des objectifs de la stratégie Europe 2020. Les Etats membres doivent préalablement signer avec la Commission européenne des accords de partenariat qui expliquent comment ces fonds seront mis en œuvre. A titre d’exemple, l’accord de partenariat de la Commission avec la France prévoit notamment de renforcer la compétitivité des PME grâce au fonds FEDER (voir encadré) avec un montant 1,6 milliard d’euros. L’initiative Bond’Innov, incubateur d’entreprises innovantes, a reçu 66 000€ du fonds FEDER, soit 44% de son budget. En France, ces fonds sont gérés par les Conseil régionaux, soutenus par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET).
Le budget total des FSIE notamment destiné à la compétitivité des PME est de 94 milliards d’euros, dont la moitié est issue du FEDER et l’autre moitié du Feader (voir encadré) entre 2014 et 2020, devenant ainsi le premier poste de dépenses des fonds structurels. Par ailleurs, “les fonds FEDER ont pendant longtemps été orientés vers la construction d’autoroutes par exemple et les entreprises en bénéficiaient peu. Aujourd’hui, on s’aperçoit que de plus en plus les fonds sont réorientés vers les entreprises : il y a eu un très gros effort fait par la Commission européenne envers les PME” , estime Sébastien Bourdin. La France recevra 4,9 milliards d’euros sur la période, dont 3 milliards seront notamment consacrés à la compétitivité des PME.
Déficit de communication de l’Union européenne
Bien que les politiques européennes en faveur des PME soient d’une ampleur de plus en plus importante, il n’en reste pas moins que l’accès à ces financements demeure une problématique centrale, notamment pour les “jeunes pousses”, note le CESE. Certains de ces programmes européens nécessitent par ailleurs de mobiliser des moyens (en interne ou en externalisant) pour proposer des projets qui peuvent être éligibles aux financements, ce qui apparait “trop compliqué”, poursuit le Comité.
Le CESE a par ailleurs observé, dans une enquête de 2015 effectuée auprès d’un panel d’entreprises, qu’ “une proportion extrêmement élevée de PME n’ont pas connaissance de l’existence des possibilités de soutien qu’offrent les programmes de subventions des FSIE” . Ainsi, Sébastien Bourdin explique “qu’il existe un très gros défaut de communication de la part de l’Union européenne. Des dispositifs existent mais ne sont pas connus car on n’accompagne pas les entreprises” .
De même, pour certains programmes de la BEI, les intermédiaires financiers communiquent peu “sur le fait que s’ils ont accordé un financement. C’est parce qu’ils ont obtenu les engagements de l’Union européenne : le startuper en bout de chaîne ne sait pas forcément qu’il a bénéficié des programmes”, décrypte Sébastien Bourdin. Ainsi, bien que le CESE recommande que la BEI diversifie encore plus “l’éventail des partenaires bancaires […] afin d’y inclure des intermédiaires financiers nouveaux ou non conventionnels” , les remettre en question pourrait être une solution pour “faciliter la visibilité des programmes et par ailleurs intéresser certains startupers, à condition qu’ils soient accompagnés” , conclut le chercheur.