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Qu’est-ce que le plan Juncker ?

Mis en œuvre depuis 2015 et prolongé jusqu’en 2020, le plan d’investissement pour l’Europe, dit “plan Juncker”, vise à relancer l’investissement dans les pays de l’Union européenne. Comment fonctionne-t-il ? Que finance-t-il ? Quel est son impact en France ? Le tour de la question en 6 points.

Plan d'investissement Juncker

Quels sont ses objectifs ?

Annoncé en juillet 2014 et pleinement opérationnel depuis septembre 2015, le plan Juncker (du nom du président de la Commission européenne) vise à relancer l’investissement et l’industrie en Europe. Il a pour objectif de mobiliser 315 milliards d’euros d’investissements de 2015 à 2018, afin de compenser le déficit d’investissements dont souffre l’Union européenne. Un objectif atteint en juillet 2018, et porté à 500 milliards d’euros pour l’horizon 2020.

Avec l’éclatement de la crise économique et financière en 2008, les investissements ont en effet rapidement chuté (-15% les premières années), amplifiant le ralentissement de l’économie. Les investisseurs, publics comme privés, sont plus réticents qu’auparavant à participer au financement de projets qu’ils jugent incertains.

Face à cette frilosité, le plan Juncker a souhaité inciter ces acteurs à financer ce type de projets plus risqués et dont le rendement apparaît moins évident, en garantissant à ces investisseurs un meilleur remboursement des pertes éventuelles.

Programme et non véritable entité juridique, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) constitue le pilier financier et le principal volet du plan d’investissement. Il est en grande partie géré par la Banque européenne d’investissement (BEI), elle-même bras financier de l’Union européenne.

Les deux autres piliers du plan Juncker sont les plateformes (
Plateforme européenne de conseil en investissement et Portail européen des projets d’investissement) et le volet réglementaire.

Que finance le plan Juncker ?

Via le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), le plan Juncker a pour vocation de financer la réalisation de projets industriels au sein de l’Union européenne.

Deux grands types de projets sont concernés :

  • Des grands projets portant sur un secteur d’avenir : infrastructures (transport, haut débit, énergie, numérique…) mais aussi utilisation plus efficace des ressources et énergies renouvelables, fonds d’investissement de long terme, recherche et innovation, éducation, stages ;
  • Des projets innovants portés par des petites et moyennes entreprises (PME : capital, micro crédits) ou des entreprises de taille intermédiaire (ETI : crédits pour les projets de recherche et développement, capital risque pour des prototypes). Ces projets sont généralement financés via le Fonds européen d’investissement (FEI), filiale de la BEI, qui apporte sa garantie aux banques nationales qui souhaitent prêter à ces entreprises.
Le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) ne doit pas être confondu avec le Fonds européen d’investissement (FEI), filiale de la Banque européenne d’investissement (BEI) spécialisée dans le soutien aux PME et créée en 1994. Le FEI est particulièrement sollicité dans le cadre du plan Juncker puisqu’il finance les projets innovants des PME et ETI.

Le plan Juncker cible les projets les plus prometteurs, mais aussi les plus risqués, qui n’auraient pas pu obtenir un financement via le circuit traditionnel de la Banque européenne d’investissement (BEI).

Les projets ne sont approuvés que s’ils répondent à plusieurs critères d’éligibilité : ils doivent être viables sur les plans économique et technique, être compatibles avec les politiques de l’Union (objectifs de croissance intelligente, durable et inclusive, de création d’emplois de qualité et de cohésion économique sociale et territoriale), apporter une additionnalité (pas de financement possible via les circuits traditionnels), maximiser la mobilisation de capitaux du secteur privé, et enfin porter sur au moins l’un des sept secteurs suivants :
- La recherche, le développement et l’innovation ;
- Le développement du secteur de l’énergie ;
- Le développement des infrastructures et des équipements de transport et des nouvelles technologies dans le domaine des transports ;
- La fourniture, par le FEI et la BEI, d’un soutien financier aux entités comptant jusqu’à 3 000 salariés, en ciblant particulièrement les PME et les petites entreprises de taille intermédiaire ;
- Le développement et le déploiement des technologies de l’information et de la communication ;
- La protection de l’environnement et l’utilisation efficace des ressources ;
- La promotion du capital humain, de la culture et de la santé.

Le choix des projets ne doit pas répondre à des quotas nationaux ou sectoriels.

Le plan Juncker ne prévoit en outre pas de quotas géographiques ou thématiques. Les pays membres de l’UE ne sont donc pas uniformément bénéficiaires du plan, même si via sa plateforme d’aide en investissement, les autorités européennes cherchent à le déployer sur l’ensemble du territoire européen.

Notons enfin que le FEIS complète mais ne remplace pas les instruments traditionnels de la politique européenne de cohésion, en particulier les fonds structurels et d’investissement européens (FEDER, FSE, FC, FEADER, FEAMP).

Comment les projets sont-ils financés ?

Le plan Juncker a mobilisé plus de 315 milliards d’euros d’investissements entre 2015 et 2018, et prévoit un total de 500 milliards d’euros d’ici 2020.

Pour ce faire, il dispose d’une mise initiale de 21 milliards d’euros de crédits publics. Ce montant se décompose en un fonds de garantie de 16 milliards d’euros tirés du budget de l’Union européenne et d’une contribution de 5 milliards d’euros de la BEI.

D’après les projections de la Commission européenne, ces 21 milliards initiaux devaient permettre d’emprunter sur les marchés (obligations) pour atteindre 63 milliards d’euros utilisables par la BEI.

En y ajoutant diverses contributions publiques et privées, on atteint 315 milliards d’euros d’investissements sur 3 ans, soit 15 fois le montant initialement disponible. On parle “d’effet de levier” .

Le FEIS n’est pas un organe en tant que tel, mais un programme supplémentaire de la Banque européenne d’investissement. Lorsqu’un projet est reconnu éligible au fonds, la BEI, avec d’autres bailleurs, y investit en utilisant ses instruments financiers traditionnels (prêts, garanties, contre-garanties, instruments du marché des capitaux…) et non des subventions.

Toutefois, les 21 milliards d’euros initiaux du FEIS n’ont pas pour but de financer les projets eux-mêmes, mais de rembourser en priorité les investisseurs si un projet devait être abandonné. Le FEIS est donc avant tout un fonds de garantie visant à couvrir les premières pertes de certains projets, et permet par là-même d’emprunter sur les marchés financiers par effet de levier, tout en permettant à la BEI de prendre en charge des projets plus risqués.

Qui peut bénéficier du FEIS ?

Tout porteur de projet, public ou privé, peut présenter ce dernier directement à la Banque européenne d’investissement.

Toutefois, afin d’épauler les porteurs de projet, le plan Juncker a mis en place deux instruments :

  • une plateforme européenne de conseil en investissement : celle-ci appuie le recensement, la préparation et le développement de projets d’investissement, et fournit un conseil technique au financement de projets dans l’Union, en particulier en matière d’ingénierie financière.
  • Un portail européen de projets d’investissement : il s’agit d’un site Internet fournissant des informations sur les projets d’investissement actuels ou potentiels dans l’Union, y compris ceux qui n’ont pas encore trouvé de financements. Cette base de données accessible au public permet de faire le pont entre porteurs de projets et bailleurs de fonds.

Par ailleurs, les banques nationales de développement (BND) peuvent jouer un rôle d’intermédiaire entre les porteurs de projets et la BEI. Celles-ci détiennent une connaissance fine des stratégies nationales, des entreprises et des investisseurs locaux, et permettent de catalyser le financement de l’économie à long terme. En France, ce rôle est assuré par la Caisse des dépôts et par BPI France. La Caisse des dépôts se concentre ainsi sur les infrastructures économiques ou sociales et BPI France sur les entreprises.

Enfin, le gouvernement français a mis en place un dispositif de coordination interministérielle au sein du Commissariat général à l’investissement, qui travaille en lien étroit avec les associations de collectivités territoriales notamment. L’État, via le Commissariat général à l’investissement et ses services déconcentrés sur tout le territoire, accompagne ainsi les porteurs de projet, en les conseillant dans la préparation et la présentation de leurs dossiers.

Comment le FEIS est-il organisé ?

Le Fonds européen pour les investissements stratégiques est dirigé par l’Autrichien Wilhelm Molterer.

Il se compose de deux comités :

  • Un comité de pilotage, qui décide de l’orientation stratégique du Fonds, y compris l’octroi de la garantie de l’Union. Il est composé de 4 membres : 3 nommés par la Commission européenne et 1 par la BEI (son vice-président français Ambroise Fayolle). Le président du comité est élu parmi eux pour un mandat de trois ans, renouvelable une fois. Les membres prennent leurs décisions par consensus.
  • Un comité d’investissement, chargé d’étudier les projets potentiels du FEIS et d’approuver leur éligibilité financière. Il est composé de 9 membres : le directeur exécutif du FEIS et 8 experts indépendants, nommés par le comité de pilotage pour un mandat de trois ans, renouvelable une fois, qui prennent leurs décisions à la majorité simple.

La BEI a par ailleurs recruté plus d’une centaine de responsables d’investissements pour déployer le plan Juncker.

Quels sont les projets qui ont été validés ?

Selon la BEI, au 18 juillet 2018 ce sont 335 milliards d’euros qui ont été mobilisés dans le cadre du plan Juncker.

En proportion du PIB, les pays en tête du classement des investissements générés par le plan Juncker sont la Grèce, l’Estonie, la Lituanie, la Bulgarie et la Finlande. Depuis septembre 2015, le plan Juncker a en outre permis à la BEI d’approuver près de 900 projets.

Les projets approuvés dans le cadre du plan Juncker l’ont été par le Conseil d’administration de la BEI, avant que le comité d’investissement soit opérationnel.

A la date du 15 mars 2018, la France comptait à elle seule 119 grands projets approuvés au titre du plan d’investissement, pour un total de 50 milliards d’euros levés, dont 12 milliards d’euros à destination des PME.

Au cours des prochains mois, outre la prolongation et l’amplification du plan Juncker pour l’UE, la Commission européenne entend développer une capacité d’investissement similaire pour l’Afrique. Elément important du discours sur l’état de l’Union de Jean-Claude Juncker, le 12 septembre 2018, ce “plan Juncker pour l’Afrique” doit “offrir une réponse économique à la crise migratoire” et sortir l’Europe de la seule logique de l’aide au développement. L’objectif est de mobiliser 44 milliards d’euros et de créer 10 millions d’emplois en Afrique au cours des cinq années à venir.

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