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Science, numérique, urbanisme : les inégalités femmes-hommes omniprésentes dans la société en Europe

Après une première journée largement dédiée aux questions culturelles, le Forum Égalité : “pour l’égalité de genre en Europe” s’est penchée sur les inégalités femmes-hommes dans d’autres domaines. Dans les sciences, le numérique et même dans la conception de nos villes, le constat est identique : il reste des écarts à combler.

Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne et de la saison France-Portugal, Angers accueillait un forum sur les inégalités femmes-hommes
Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne et de la saison France-Portugal, Angers accueillait un forum sur les inégalités femmes-hommes - Crédits : Toute l’Europe

Après avoir évoqué la veille les problématiques liées au monde de la culture, les participantes du forum, réunies à Angers jeudi 10 mars, ont élargi leurs horizons à l’occasion de quatre nouvelles tables-rondes pour en arriver à une conclusion bien résumée par Ana Teresa Freitas, PDG d’une entreprise dans le domaine de la génétique au Portugal : “Ce monde a été conçu par les hommes, pour les hommes”.

Des inégalités dans tous les domaines de la société

C’est d’ailleurs par l’exemple des carrières scientifiques qu’a débuté cette seconde et dernière journée des discussions au centre des congrès d’Angers. A l’image du monde de la culture, le constat y est semblable. Selon Sylvie Brulatout-Conway, directrice adjointe du département des relations extérieures et institutionnelles de Campus France, les femmes ne représentent ainsi que 28 % des effectifs dans les écoles d’ingénieurs en France.

Le numérique n’échappe pas non plus à cette situation. Luísa Ribeiro Lopes, présidente du conseil d’administration de .PT, l’entité chargée de gérer le domaine portugais, rappelle ainsi que dans l’Union européenne, seuls 19 % des spécialistes des technologies de l’information et de la communication sont des femmes, s’appuyant sur des chiffres de la Commission européenne. Une situation qui peut sembler paradoxale, car historiquement, les postes informatiques (opératrices etc.) ont été occupés par des femmes, car peu valorisés. Pour le panel, les hommes ont su se les réapproprier. Pourtant, aujourd’hui, “aucun métier ne peut se passer du numérique”, alerte quant à elle Christine Hennion, députée LREM des Hauts-de-Seine.

Contrairement à certaines idées reçues, les inégalités femmes-hommes sont très loin de se limiter au seul monde professionnel. L’ultime table-ronde de la journée était l’occasion de s’en rendre compte à travers l’exemple de l’urbanisme. Pour Anne Labroille, architecte-urbaniste spécialisée en projet d’aménagement urbain, “la ville est faite par les hommes, pour les hommes”. Une affirmation étayée par le fait que la plupart des architectes sont des hommes, mais aussi par un chiffre : 40 % des femmes françaises renonceraient à fréquenter certains lieux publics pour ne pas avoir à subir de comportements sexistes. Une donnée qui fait dire à Anne Labroille que nos villes ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités du genre.

Dessiner les inégalités

En marge du forum, l’exposition Cartooning for Women s’est affichée sur les grilles du jardin des plantes ainsi que du musée Pincé à Angers. Ces œuvres entendent montrer certains aspects des inégalités dont peuvent être victimes les femmes comme les violences sexuelles ou les discriminations en politique.

De multiples facteurs d’explication

Les raisons derrière les inégalités professionnelles, en termes de salaire comme d’accès aux postes à responsabilité, sont nombreuses selon les panelistes.

La première, et peut-être la plus visible, reste le sexisme. Dans une étude parue en 2017, 70 % des étudiantes en formation technologies de l’information disaient en avoir été victimes. Pour Stéphanie Bonneau, chercheuse en physique à la Sorbonne, il faut également ne pas négliger “les biais implicites”, à savoir les représentations que chacun se font des femmes et des hommes. Selon elle, plusieurs études ont notamment démontré qu’un article scientifique signé par une femme était moins bien noté que celui écrit par un confrère masculin. Contrairement aux idées reçues, les évaluatrices ne se sont pas montrées plus indulgentes que leurs homologues masculins. Des situations qui peuvent conduire à de l’autocensure de la part de certaines femmes. “L’autocensure devient rationnelle à un moment car les femmes sont conscientes des difficultés supplémentaires. […] Elles le font parce qu’on leur a appris” qu’elles n’avaient pas leur chance, poursuit la physicienne.

Autre difficulté rencontrée dans la carrière, “la maternité”, complète Stéphanie Bonneau. Un sujet majeur de discrimination et un vrai frein à la progression pour certaines. Il existerait par exemple une forte corrélation entre la production scientifique et le fait d’avoir des enfants. Le nombre d’articles écrits par les femmes diminue vers l’âge moyen du premier enfant, (alors même que les femmes compensent et rattrapent leurs homologues masculins durant le reste de leur carrière). Problème, c’est aussi l’âge moyen de promotion au rang de professeur. Une étape qu’il est ensuite difficile de rattraper.

Contraintes juridiques et éducation

Les constats, ainsi que les causes, semblent faire consensus au sein des panélistes. C’est à l’heure d’évoquer les solutions que les opinions divergent un peu plus. Si certaines des intervenantes privilégient une “stratégie des petits pas”, d’autres semblent partisanes de mesures fortes, mais temporaires.

C’est notamment le cas des quotas de femmes. “Une politique de quotas peut ne pas plaire, mais ça marche”, affirme la députée Chrisine Hennion. “Ça marche en politique, dans les conseils d’administration. Au bout d’un certain temps on pourra les supprimer, mais on n’en est encore pas là”, poursuit-elle. Anabela Vaz Ribeiro, directrice du Global Compact Network, un programme des Nations Unies pour appliquer les objectifs de développement durable dans les entreprises, partage également cet avis. “Nous voyons les chiffres changer parce que les marchés financiers nous poussent à avoir de bonnes notes en gouvernance sociale et environnementale”, souligne-t-elle.

Dans le cadre de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, la France souhaite faire progresser un dossier évoqué depuis 2012 : la proposition de directive relative à un meilleur équilibre femmes hommes dans les conseils d’administration. Ce point figure à l’ordre du jour d’une réunion des ministres européens en charge de l’emploi lundi 14 mars.

Un texte complémentaire de celui proposé par la Commission européenne en mars 2021 et qui vise à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes.

Pour d’autres, la solution doit avant tout venir de l’éducation. Pour Constance Nebbula, vice-présidente de la Région Pays de la Loire, il est important de “déconstruire les préjugés dès l’enfance”. “Les parents n’offrent pas naturellement des jeux vidéo aux filles. A l’école on ne leur propose pas les filières scientifiques”, liste l’élue. Pour elle, de nouveaux modèles pourraient également permettre de créer des vocations : “La série Netflix Le Jeu de la Dame, mettant en scène une jeune femme jouant aux échecs, a fait bondir les inscriptions des femmes aux clubs d’échecs”. Même idée chez Stéphane Bonneau : “Si l’on parle de femmes astronautes, en France on connait Claudie Haigneré, de scientifiques, on cite Marie Curie mais c’est tout. Une figure d’identification ne suffit pas. Il faut aussi montrer qu’il y a des femmes scientifiques à tous les niveaux”.

A l’heure de conclure, les participantes notent des progrès sur la question des inégalités, même si pour beaucoup d’entre elles, ils restent trop lents. En revanche, elles savent également que rien n’est acquis. En effet, la pandémie de Covid-19 est venu rappeler la fragilité de ces avancées. “L’impact a été dévastateur sur l’éducation des filles dans le monde et les violences faites aux femmes”, a ainsi rappelé en conclusion Delphine O, ambassadrice pour le Forum Génération Egalité. Toutes les participantes en ont conscience, il n’est surtout pas l’heure de crier “victoire”.

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