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[Revue de presse] La Grèce, une Argentine bis ?

L’incertitude de la situation grecque pousse certains observateurs à se tourner vers le cas argentin, dont le défaut de paiement en 2001 et la crise économique qui a suivi évoquent en de nombreux points les difficultés hellènes actuelles. Si les similitudes sont nombreuses et donnent des éléments de réponse quant aux conséquences d’un “non” au référendum de dimanche, certains les jugent néanmoins insuffisantes.

Grèce, une Argentine bis ?

Toute la semaine, la presse n’a cessé de commenter, analyser, décortiquer la situation grecque et son “référendum historique” [Euronews].

Si ce scrutin est effectivement fondamental, la crise grecque n’est pourtant pas sans précédent dans le monde. En effet, une partie de la presse rapproche les derniers événements grecs avec ce qu’a vécu l’Argentine il y a près de quinze ans.

La présidente argentine Christina Kirchner a elle-même déclaré : “Ce que vit le peuple grec correspond exactement à ce que nous, Argentins, avons vécu en 2001 : les conséquences de politiques terribles, néolibérales, d’ajustements permanents qui entraînent vers la misère, la faim et le chômage” [Le Monde].

L’économiste Joseph Stiglitz rappelle en effet, dans une tribune publiée sur EurActiv, que l’Argentine s’est elle aussi retrouvée en situation de défaut de paiement vis-à-vis du Fonds monétaire international.

Incapable de payer ses dettes, la Grèce court actuellement le risque de sortir de la zone euro. Face à l’incertitude des conséquences d’un ‘Grexit’, Libération propose d’utiliser la crise argentine de 2001-2002 comme “repère pour mesurer les conséquences des nouveaux développements de la crise grecque, et plus largement de la zone euro” .

La situation des deux pays est de fait très similaire. Avant le défaut de paiement, ils “souffraient d’institutions défaillantes, du surdéveloppement du secteur des services après des années d’euphorie financière, d’un déficit de compétitivité à l’exportation, d’une dette publique non soutenable” . L’Argentine comme la Grèce “avaient par ailleurs renoncé à leur politique monétaire” , la première en couplant sa monnaie avec le dollar et la seconde en intégrant la zone euro.

M. Stiglitz ajoute de son côté que “la politique d’austérité [imposée par le FMI] a eu pour conséquence de transformer la récession en dépression, rendant de fait la dette encore plus insoutenable” . “Dans les deux cas, le FMI s’est trompé et a fourni des prévisions totalement erronées sur les conséquences des politiques imposées. Le chômage et la pauvreté se sont envolés et le PIB s’est effondré” .

Libération poursuit que dans le cas argentin, la parité entre le peso et le dollar a fini par être abolie en 2002, “mettant fin à une décennie de stabilité monétaire” . Un danger qui guette la Grèce si elle renonce à l’euro.

Que s’est-il donc passé en Argentine ? Libération explique que “le peso argentin s’est déprécié massivement […] le gouvernement a modifié, par voie législative, l’ensemble des contrats de l’économie libellés en dollars, obligeant les acteurs économiques à les transcrire en monnaie nationale” , ce qui a conduit à l’effondrement du crédit bancaire, “tout comme le PIB, qui a chuté de 11%” .

Finalement, “le système bancaire n’a pu se relever que grâce à l’injection de capital de la part de l’Etat, financée par la création monétaire et par l’émission de la dette publique, en hausse de presque 100 points de PIB en 2002″ . En outre, la dette publique argentine a été massivement restructurée.

Le journal conclut que “si l’année 2002 a été chaotique, la situation de l’économie réelle s’est améliorée très rapidement” , mais “la résolution de la crise argentine s’expliquerait par le cumul de trois facteurs : la forte dépréciation de la monnaie, l’allègement de la dette publique et la modification forcée de l’ensemble des contrats” .

Face à ce constat, Libération évite le fatalisme quant à l’évolution de la situation grecque : le pays pourrait parfaitement rester dans la zone euro en cas de “non” au référendum.

Néanmoins, le journal affirme qu’en cas de Grexit, “à long terme, ce sera l’ensemble de la zone euro qui sortira perdante” : “l’euro cessera d’être perçu comme un engagement irréversible” .

Mais pour le prix Nobel Joseph Stiglitz, “la Grèce fait face à une situation plus compliquée que l’Argentine en 2001″ : cette dernière a, dans ce marasme économique, pu dévaluer sa monnaie. La Grèce, elle, devrait revenir à la drachme, et donc créer une nouvelle monnaie. Ces deux issues sont totalement différentes.

L’économiste défend une restructuration de la dette - jusque là refusée par les créanciers européens - essentielle pour “un nouveau départ” .

Le Monde reste néanmoins sceptique quant à la pertinence d’une telle comparaison.

Les économies des deux pays sont en effet totalement différentes : l’Argentine “semble à première vue plus solide que l’économie hellène, […] parce qu’elle dispose de matières premières agricoles” , tandis que la Grèce repose essentiellement sur le tourisme et “peine à reconstruire son modèle de croissance” .

Le journal affirme ensuite que même les défauts enregistrés par les deux pays ne sont pas similaires : la dette argentine appartient à des créanciers privés, tandis que la grecque a été rachetée à 75% par des créanciers publics.

Enfin, l’article explique que l’économie argentine ne s’est pas aussi bien remise qu’on pourrait le penser : “la croissance mondiale ralentit, ses exportations de matières premières et ses réserves de change diminuent” , tandis que le pouvoir d’achat est en baisse.

Difficile, donc, de prédire de l’avenir de la Grèce. M. Stiglitz convient dans sa tribune que “les citoyens grecs auront le choix entre deux alternatives : l’austérité et la dépression sans fin, ou la possibilité de prendre en main leur propre destin dans un contexte hautement incertain. Aucune de ces deux options n’est réjouissante […] Mais une seule est porteuse d’espoir…

Mais quel que soit le résultat du référendum dimanche, Maud Vergnol de L’Humanité en est sûre : “lundi, une autre Europe” émergera.

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