Un chargeur pour son smartphone, un autre pour sa console de jeux vidéo portable, et encore un pour l’appareil photo. Le tout emmêlé au fond d’un tiroir. Cette situation sera bientôt un mauvais souvenir après le vote du Parlement européen en faveur d’une proposition de directive sur le sujet, le 4 octobre.
Celle-ci vise à doter les appareils électroniques de chargeurs universels et interopérables. Après l’approbation formelle du Conseil de l’UE, les Etats membres disposeront de 12 mois pour transposer les nouvelles règles dans leur droit national et de 12 supplémentaires pour les appliquer. Elles imposeront alors aux fabricants l’utilisation pour leurs appareils d’un port USB-C.
Un même chargeur permettra aux Européens de recharger tous leurs appareils. En effet, la mesure concernera l’ensemble des smartphones, tablettes, appareils photo numériques, casques audio, consoles de jeux vidéo ou enceintes connectées. Les ordinateurs disposeront d’un délai supplémentaire et ne devraient être concernés qu’à partir de 2026.
Le texte impose également d’harmoniser la technologie de recharge rapide. Autrement dit, un constructeur ne pourra plus brider la rapidité du chargement si son matériel est utilisé avec un autre appareil. En plus d’une meilleure information pour les consommateurs, la directive oblige les constructeurs à dissocier la vente d’un chargeur de celle d’un appareil électronique. Les consommateurs pourront ainsi choisir de ne pas en acheter un nouveau.
Le projet entre particulièrement en résonance avec le plan d’action européen pour une économie circulaire présenté le 30 mars 2022 par la Commission européenne. Son objectif : que la plupart des produits vendus sur le marché unique soient recyclables, réparables ou répondent à d’autres critères d’écoconception.
Moins de déchets… et de frustration
Pour les défenseurs du texte, la mesure répond à deux objectifs : engendrer moins de déchets et en finir avec les désagréments causés au consommateur.
Selon l’étude d’impact menée par les services de la Commission européenne, 420 millions d’objets électroniques portables sont vendus chaque année dans l’UE. La grande majorité d’entre eux accompagnée d‘un nouveau chargeur, rendant parfois inutile le précédent. Ces chargeurs “en double” généreraient ainsi 11 000 tonnes de déchets par an. La mesure proposée doit permettre de réduire ces déchets d’environ 1 000 tonnes.
La directive devrait également faire économiser aux consommateurs près de 250 millions d’euros par an, selon l’exécutif européen. “Cela fait suffisamment longtemps que les consommateurs européens sont agacés par l’accumulation de chargeurs incompatibles dans leurs tiroirs” avait déclaré Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission en charge du Numérique et de la Concurrence, à l’occasion de la présentation du texte.
Une idée qui ne date pas d’hier
La problématique du chargeur universel est un véritable serpent de mer à Bruxelles. Le dossier est en effet sur la table depuis 2009, date des premières propositions avancées par la Commission européenne. Depuis, le nombre de chargeurs a fortement diminué. Si bien que d’une trentaine à l’époque, on en compte désormais plus que trois : le port USB-C, utilisé par la majorité des smartphones sous Android, le port USB-B, son ancêtre amené à disparaitre à plus ou moins long terme, et enfin le port “Lightning” utilisé par Apple pour ses iPhones ou iPads.
Si la Commission européenne avait dans un premier temps opté pour une approche coopérative avec les fabricants, elle impose désormais l’utilisation d’un seul et même chargeur : l’USB-C.
Conflits en série avec Apple
La marque à la pomme était la principale récalcitrante à l’adoption du chargeur universel. Depuis 2009, elle a systématiquement dénoncé ce projet, expliquant qu’il nuirait à l’innovation dans le domaine. “Le temps qu’il a fallu pour aller de l’avant avec ce projet montre le pouvoir d’Apple, qui jusqu’ici est parvenu à retarder le processus, pendant que d’autres constructeurs ont accepté d’utiliser le port USB-B, et maintenant USB-C”, expliquait l’eurodéputée verte Saskia Bricmont au New York Times en septembre 2021.
Ce dossier est loin d’être l’unique source de tensions entre la Commission européenne et le géant californien. Ce dernier ne voit pas forcément d’un très bon œil les deux textes visant à réguler le numérique au niveau européen : le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). Apple et ses homologues de la tech ont ainsi fait bondir leurs dépenses en lobbying pour atteindre 97 millions d’euros, selon un rapport de Corporate Europe Observatory et LobbyControl en août 2021.
A cela s’ajoute la condamnation infligée en 2016 par la Commission européenne imposant à Apple de rembourser l’Irlande à hauteur de 13 milliards d’euros d’impôts impayés.