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[Podcast] L’Europe et le plan de relance à 750 milliards d’euros

Ce deuxième numéro d’Europe Story est consacré aux difficiles négociations autour du budget pluriannuel européen et au plan de relance inédit de 750 milliards d’euros qui lui est adossé. Comment ce plan a-t-il été validé ? Quel est son lien avec le budget 2021-2027 ? Et quels rapports de forces et lignes de fracture politiques a-t-il dessiné entre les Etats membres ? Barthélémy Gaillard (Toute l’Europe) et Antoine Lheureux (Bulle Média) vous expliquent tout.

Au sommaire de ce numéro d’Europe Story : le plan de relance européen, ou la réponse inédite à une situation qui l’est tout autant. En juillet 2020, face à la crise économique provoquée par la pandémie du coronavirus, les dirigeants des 27 Etats membres de l’Union européenne se sont accordés pour que l’UE emprunte 750 milliards d’euros en leur nom dans le cadre d’un plan de relance inédit. On revient sur l’histoire de ce plan de relance avec vous Barthélémy, bonjour. On va donc parler gros sous et montages financiers avec ce plan, baptisé EU Next Generation. Comment ça a commencé ?

Par la crise du Covid-19 qui a frappé l’Europe, comme le reste du monde. Le virus a atteint le continent en janvier 2020 et fait plus de 200 000 morts en Europe. Tous les Etats membres ont été touchés à des degrés divers et la grande majorité d’entre eux a répondu en instaurant des mesures de confinement et donc en ralentissant de fait l’activité économique. Au point que la Commission européenne prévoit une récession sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale avec une chute de 8,3% du PIB de l’Union en 2020. Les dirigeants se sont donc mobilisés au niveau national d’abord, mais aussi au niveau européen.

Avec ce plan de relance européen, donc. Mais Barthélémy, le plan de relance a été voté en juillet. Le coronavirus, lui, a pris des proportions inquiétantes en Europe dès le mois de mars. Pourquoi la réponse européenne a-t-elle été aussi longue ?

En fait, au vu de la complexité institutionnelle de l’Union européenne, la réponse a été plutôt rapide. Il a tout de même fallu passer par quatre étapes principales.

La première est survenue le 24 avril, quand le Conseil européen, qui réunit les 27 chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres, a autorisé la Commission européenne à élaborer une réponse commune.

La Commission européenne a ensuite dévoilé fin mai une proposition de plan de relance qui a servi de base de négociation aux Vingt-Sept.

Enfin, troisième et quatrième étapes, les dirigeants des Etats membres se sont réunis deux fois, d’abord le 19 juin, puis enfin le 17 juillet, pour parvenir à un accord. Et ça n’a pas été sans mal puisque le Conseil européen de juillet a duré quatre jours et quatre nuits avant qu’un consensus ne se dégage. L’Union n’avait pas connu de négociations aussi longues et aussi âpres depuis 20 ans !

Pourquoi les discussions ont-elles été si longues pendant le sommet ?

Parce que si tout le monde était à peu près d’accord sur la nécessité de trouver une réponse commune à la crise, personne ne s’entendait sur les modalités. Schématiquement, on peut dire que la situation se résumait à une opposition entre deux camps.

Le premier, c’est celui des pays du Sud, comme l’Italie, l’Espagne ou la Grèce, auxquels l’Allemagne et la France se sont joints. Ces pays défendaient l’idée d’un emprunt commun européen.

Alors ça c’est important ? Ca veut dire quoi ?

Ca veut dire qu’ils voulaient que tout se passe au niveau de l’Union européenne : que ce soit l’Union européenne qui emprunte sur les marchés au nom des 27, que ce soit l’Union européenne qui reverse cet argent à chacun des Etats membres selon ses besoins et enfin que ce soit l’Union européenne qui rembourse l’emprunt. Pour le président français Emmanuel Macron, tout l’intérêt est là, comme il l’expliquait au sortir du Conseil européen de juillet :

Une solidarité européenne donc puisque les pays bénéficient de l’emprunt sans avoir à rembourser quoi que ce soit à titre individuel.

Et ça, Barthélémy, c’est pas vraiment du goût d’autres pays, surnommés les pays frugaux, ou les pays radins, par leurs détracteurs. Mais qui sont-ils, ces pays frugaux ?

Les frugaux, c’est un groupe de quatre pays - les Pays-Bas, l’Autriche, la Suède et le Danemark - rejoints ensuite par la Finlande. Ces Etats sont tous contributeurs nets au budget de l’Union européenne, c’est-à-dire qu’ils donnent plus qu’ils ne reçoivent de l’Europe. Ils sont aussi tous en excédent budgétaire, ce qui signifie que leur Etat engrange plus de recettes qu’il ne fait de dépenses. Ils sont donc très attachés à la notion de rigueur budgétaire et à la responsabilité de chaque Etat… en la matière.

Pour eux, le fait d’emprunter à 27 revient à faire un cadeau qu’ils ne méritent pas aux pays les plus endettés de l’Union, si je comprends bien ?

Oui, ils auraient préféré que l’UE prête l’argent aux Etats et donc que ce soit eux qui remboursent individuellement l’emprunt. Ils insistent aussi sur la nécessité de mener des réformes dans les pays du Sud, comme l’expliquait le Premier ministre néerlandais Mark Rutte en juillet dernier.

Malgré cette position ferme de Mark Rutte, le plan a été voté. Les pays dits frugaux se sont finalement ralliés à la position de la Commission européenne ?

Non, il a fallu négocier, serré. C’est pour ça que le sommet a été si long. Et le compromis trouvé est assez éloigné de la proposition initiale de la Commission européenne. Elle avait proposé de distribuer 500 milliards sous forme de subventions et 250 milliards sous forme de prêts. Sous la pression des frugaux, le ratio a été largement remanié. A la fin du sommet européen, on n’avait plus que 390 milliards de subventions. Les prêts eux, ont grimpé à 360 milliards. Ca fait une vraie différence. En ce sens, c’est donc aussi une victoire pour les frugaux, d’autant qu’ils ont également obtenu une augmentation de leur rabais, des ristournes sur leurs contributions au budget européen.

Néanmoins, l’idée d’un emprunt commun a été validé, c’est quand même un pas important. Qu’est ce qui a permis d’aboutir à cela ?

Même pour les pays riches et peu endettés, ce plan a un intérêt car il permet de maintenir la cohésion économique du marché intérieur, la zone de libre échange qui relie tous les pays de l’Union européenne. En préservant un niveau minimum de richesse chez leurs voisins, les pays dits frugaux qui dépendent beaucoup du commerce comme les Pays-Bas conservent des débouchés pour leur production. Ils ont en fait compris que leur réussite économique dépendait de la survie de leurs voisins dans le marché intérieur, comme l’a d’ailleurs fait l’Allemagne dès le début de la crise.

Vous nous avez raconté l’histoire de ce plan, les oppositions qu’il a générées, le compromis qui en a résulté. Si nous parlions maintenant du contenu de ce plan ?

Et bien comme c’était prévu au départ, l’Union européenne va bien emprunter 750 milliards d’euros sur les marchés. Les Etats vont tous se porter garants de l’Union européenne et dire que si l’UE venait à ne pas pouvoir rembourser la somme empruntée, ils seront derrière pour régler la note. Grâce à cette garantie, l’Union européenne emprunte donc sur les marchés et redistribue les fonds sur trois ans entre 2021 et 2023. Elle s’engage ensuite à rembourser sur 30 ans, de 2028 à 2058. Comme l’Union emprunte à un taux proche de zéro, les intérêts sont quasi nuls.

Comment cet argent va-t-il être distribué, dépensé ?

L’essentiel de ces fonds seront versés directement aux Etats membres, qui devront, eux, élaborer des plans de relance nationaux validés par la Commission et le Conseil européen.

Et le plus important Barthélémy, qui va recevoir quoi ?

Alors là je deviens un peu technique Antoine. La part qui va revenir à chaque Etat sera calculée selon deux critères. Les 70 premiers % des fonds seront d’abord alloués selon les situations économiques de chaque pays en 2019. Les 30% restants, eux, seront calculés selon la chute du PIB enregistrée en 2020 et 2021. Ca, ça nous empêche pour l’instant d’avoir des certitudes sur les montants pays par pays, même si le gouvernement français estime qu’il touchera environ 40 milliards d’euros sur trois ans.

Autre élément important Barthélémy, comment les institutions européennes comptent-t-elles rembourser cet argent ?

Pour éviter de puiser dans le budget européen ou de demander aux Etats de contribuer, ce qu’ils refusent, l’UE compte mettre en place ce qu’on appelle de nouvelles ressources propres.

C’est quoi les ressources propres ?

On peut dire que c’est une sorte d’impôt qui n’est plus collecté par les Etats membres mais par l’Union européenne elle-même. Une taxe sur le plastique va, par exemple, entrer en vigueur le 1er janvier 2021 mais ça ne suffira pas. D’autres taxes sont envisagées comme celles sur les géants du Net ou sur le carbone aux frontières. Le Parlement européen met la pression pour obtenir des engagements sur leur mise en place rapide.

En conclusion, peut-on dire que l’Europe fait un pas vers le fédéralisme avec ce plan de relance ?

Les avis divergent sur le sujet. Certains insistent sur le caractère très innovant de l’emprunt commun et la perspective de création de nouvelles ressources propres. Les autres rappellent que ce plan n’est que temporaire et qu’il a été en partie vidé de sa substance suite aux concessions faites aux pays dits frugaux.

Merci Barthélémy, on retient donc que ce plan de relance est inédit par son ampleur, 750 milliards d’euros, mais aussi par son mécanisme d’emprunt européen. Ce mécanisme ouvre la porte à plus d’autonomie budgétaire en forçant l’Union européenne à trouver des sources de revenus. Mais il a aussi révélé les divisions entre les Etats européens et l’attachement des frugaux à la rigueur budgétaire.

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