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José Bové : “Il faut que l’Union européenne mette fin à l’exportation de ses déchets”

Cette semaine, Touteleurope.eu s’intéresse à la gestion des déchets en Europe, dans le cadre de la Semaine européenne de réduction des déchets (SERD), qui se tient du 18 au 26 novembre. Aujourd’hui, le député européen du groupe Europe Ecologie les Verts (EELV), José Bové, revient sur les grands défis qui attendent encore l’Union européenne en la matière.

José Bové
José Bové - Crédits : Europe Écologie les Verts

L’Union européenne a fait de la bonne gestion des déchets une priorité pour la sauvegarde de l’environnement. A cet égard, pensez-vous que la législation européenne va dans le bon sens ?

Vis-à-vis de l’environnement, la plupart des avancées viennent du niveau européen. Il convient de le dire et de le répéter. Au niveau des déchets par exemple, sans initiative européenne la plupart des pays n’auraient pas bougé d’un centimètre. Néanmoins, la difficulté que nous rencontrons est que certains Etats membres, comme la France par exemple, n’appliquent pas toujours correctement les directives européennes. C’est le cas pour la directive nitrate, adoptée au début des années 90. La France préfère ainsi payer des amendes plutôt que de faire appliquer le droit européen et ainsi faire face aux lobbies de producteurs. Concernant les déchets, d’une manière plus globale, les pays du nord sont beaucoup plus attentifs que ceux du sud. Au final, ce que l’on peut noter, c’est qu’il y a quand même une amélioration globale de la prise de conscience des Européens, que cela soit au niveau des pays latins ou des pays du nord.

La délicate question du traitement des déchets nucléaires se pose dans de nombreux Etats membres. Pour sa part, la France a fait le choix controversé d’enfouir ces déchets à Bure, une option aujourd’hui largement remise en question en Allemagne. Que préconisez-vous ?

Je me suis rendu plusieurs fois à Bure, pour soutenir des personnes qui se sont mobilisées contre le centre d’enfouissement. On constate que les Allemands de leur côté - également concernés par la question - ne sont pas satisfaits par l’option consistant à ensevelir ces déchets. C’est pourquoi ils préfèrent actuellement chercher d’autres issues, qui ne sont pas encore très claires. Sur la question des déchets nucléaires, Il est absolument indispensable de ne pas faire n’importe quoi, de ne pas essayer de les enfuir à 500 mètres sous terre sans savoir ce qu’il pourra se passer dans 300, 400 ou 2000 ans. Le lobby du nucléaire en France est extrêmement puissant, néanmoins il ne s’est jamais posé la question - depuis l’élaboration de sa première centrale ou de sa première bombe atomique - de savoir ce qu’il ferait des déchets nucléaires. Dans le débat public aucune alternative ne se détache actuellement, et cela prouve bien que la filière du nucléaire n’a pas de solution. C’est pourquoi il faut chercher d’autres réponses et ne pas enterrer ces déchets. Cela permettra aux générations futures de trouver des solutions plus effectives que celles qui sont proposées actuellement.

Alors que l’UE tente d’améliorer ses méthodes de récupération et de recyclage, elle reste l’un des principaux exportateurs de déchets de toute sorte - dont le papier, les plastiques et les métaux, comment l’expliquez-vous ?

Je pense que l’Union européenne a l’obligation de gérer ses propres déchets, car on ne peut pas s’autoriser à avoir des régulations extrêmement fortes sur la gestion des déchets et permettre que d’anciens ordinateurs soient démontés au Ghana ou en Inde dans des conditions d’une pollution absolument totale et dans des pays où la santé des travailleurs n’est absolument pas prise en compte. Il faut stopper les exportations de déchets. Le problème est qu’il n’y a pas assez de contrôles. Dans le cas des exportations, ces derniers sont réalisés par des douanes, or il y a de moins en moins de personnel aux frontières, c’est pourquoi les contrôles sont de moins en moins bien faits. Et puis, il convient de signaler qu’il existe une mafia d’exportation de déchets, cela signifie qu’il y a de la corruption. En la matière, l’Europe ne se donne pas les moyens de faire un suivi de la production jusqu’au traitement des déchets et les Etats membres non plus.

Pourquoi le secteur des déchets est-il aussi propice à la corruption ?

Malheureusement je dirais que plus les activités sont gênantes et amorales, plus les réseaux mafieux ont la capacité et les moyens financiers de corrompre les personnes en responsabilité. A partir du moment où il existe une possibilité de faire retraiter ou de valoriser des déchets à l’extérieur de l’Union européenne, on ouvre les vannes, et il devient extrêmement compliqué de contrôler tout cela. Donc si nous voulons véritablement une réduction de ces déchets ou un traitement convenable de ces derniers, il faut les traiter en Europe avec les technologies européennes, avec les coûts du travail européens, et avec les législations qui protègent la santé des travailleurs. Ces derniers sont protégés en Europe et le contrôle est relativement bien fait, c’est pourquoi ces produits sont exportés, car il est trop cher d’en assurer le traitement ici. Comme c’est plus cher ici et moins cher là-bas, il y a un différentiel de coût énorme, c’est pourquoi il y a énormément d’argent à se faire.

La Chine a annoncé sa volonté d’interdire l’arrivée sur son sol d’une variété de 25 types de déchets différents en provenance de l’Europe. Certains y voient la cause d’une future crise des déchets sur le Vieux continent, croyez-vous à cette hypothèse ?

Les Chinois ont compris qu’il était nécessaire de réguler tout cela. A l’heure actuelle, ils ont suffisamment de pollution à traiter liée à leur propre production sans avoir encore à traiter les pollutions des produits dangereux qui viennent de l’Union européenne. Je pense que si rien n’est fait au niveau de l’Europe, c’est l’Afrique qui deviendra la poubelle du monde.

Y a-t-il de véritables disparités, en termes d’équipements et d’infrastructures, entre les Etats membres pour traiter ces déchets ?

On voit qu’il y a un durcissement au niveau européen mais que les normes les plus strictes ne sont pas respectées. Il y a un différentiel entre les pays, comme par exemple entre l’Allemagne et la France. Sur certains produits il est de 1 à 10 en termes d’exposition et de coûts de protection, l’Allemagne étant beaucoup plus protectrice que la France. En Europe, nous avons malheureusement un alignement sur le moins disant. J’ai proposé que l’on reprenne des normes allemandes ou néerlandaises - plus protectrices pour les salariés en la matière - afin de les appliquer à l’ensemble de l’Europe et c’est plutôt l’inverse qu’a choisi de faire le Parlement européen. C’est inquiétant, car cela veut dire qu’au sein de l’Union européenne, si on continue comme cela, il y a aura des pays qui se spécialiseront dans le traitement des déchets des pays les plus riches. C’est pourquoi, il faut une harmonisation au niveau européen concernant ces produits dangereux afin que les déchets n’aillent pas finir au fin fond de la Bulgarie ou en Calabre.

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