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William Monlouis-Félicité : “La responsabilité sociétale des entreprises a plus que jamais sa place dans un contexte de crise”

La Commission européenne a publié en octobre 2011 sa nouvelle stratégie sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Quels changements apporte ce nouveau texte ? La RSE peut-elle être une opportunité face à la crise ? Pour William Monlouis-Félicité, expert à la Commission Nationale de Normalisation AFNOR DD/RS ISO 26000, les nombreux atouts de la RSE lui assurent un avenir.

Touteleurope.eu : A quoi sert la norme ISO 26000 ?

La norme ISO 26000:2010 présente des lignes directrices pour tous types d’organisations, quelle que soit leur taille ou leur localisation. Elle concerne en particulier :
- les concepts, termes et définitions relatifs à la responsabilité sociétale ;
- les origines, les orientations et les caractéristiques de la responsabilité sociétale ;
- les principes et pratiques en matière de responsabilité sociétale ;
- les questions centrales et les domaines d’action de la responsabilité sociétale ;
- l’intégration, la concrétisation et la promotion d’un comportement responsable dans l’ensemble de l’organisation, et à travers ses politiques et pratiques, dans sa sphère d’influence ;
- l’identification des parties prenantes et le dialogue avec elles ; et
- la communication sur les engagements, les performances et autres informations concernant la responsabilité sociétale.

William Monlouis-Félicité : La norme ISO 26000 est sortie il y a environ un an. Elle a été constituée par plus d’une centaine de pays, et sa construction a impliqué, au niveau de chaque Etat, l’ensemble des parties prenantes : entreprises, ONG, consommateurs… c’est déjà une première. Elle reprend les bonnes pratiques et dispositifs existants dans le domaine de la RSE. Elle a pour avantage d’être la synthèse de tout ce qui se fait aujourd’hui et constitue une ligne directrice autour de 7 principes : gouvernance de l’organisation, droits de l’homme, relations et conditions de travail, environnement, bonnes pratiques des affaires, questions relatives aux consommateurs, engagement sociétal : l’aide au développement des populations locales.

Touteleurope.eu : Comment est-elle appliquée en Europe ?


W. M.-F. :
Pour le moment, timidement ! L’une des raisons est peut-être l’amalgame avec la “norme” usuelle, comme ISO 9001 en termes de qualité ou 14001, qui est particulièrement lourde à appliquer, et qui freine l’entreprise. A la différence de ces dernières, ISO 26000 est volontaire, non certifiable donc elle n’oblige pas l’entreprise à une atteinte de résultats mais à une amélioration perpétuelle et continue. Enfin, elle n’est pas une couche supplémentaire mais va prendre en compte les pratiques socialement responsables qui existent déjà : elle permet ainsi de rassembler ce qui est épars et donner un sens global à des éléments diffus de l’entreprise. Elle aide l’organisation à se poser la question de la pertinence de ses choix de RSE, et à vérifier qu’ils répondent bien aux attentes des parties prenantes, externes et internes.

Touteleurope.eu : Que peut changer la nouvelle stratégie présentée par la Commission européenne en matière de RSE ?


W. M.-F. : La communication de la Commission me paraît fondamentale à trois niveaux. D’une part, la définition de la responsabilité sociétale a évolué par rapport à 2001, où l’entreprise était incitée à mettre en place volontairement des mesures responsables au niveau social et environnemental : aujourd’hui, on parle des effets de l’entreprise sur son système et son environnement. D’autre part, la Commission entre dans un mode opérationnel et concret de la pratique de RSE en Europe. Enfin, elle met l’accent sur les questions de dialogue à tous niveaux : entre l’entreprise et ses parties prenantes, internes et externes, mais aussi entre le niveau européen, les Etats et les entreprises. On est enfin dans un dispositif global et intégrant, où tout le monde va fonctionner de la même façon. Si des directives et des règlements pourraient être adoptés en matière de RSE, la Commission met aussi l’accent sur l’autorégulation et la corégulation, et incite les parties prenantes à créer des systèmes qui généreraient des apports complémentaires à ces règlements, telles que les initiatives sectorielles par exemple.


Touteleurope.eu : La Commission prévoit-elle des moyens de contrôle de la mise en œuvre de la RSE ?

W. M.-F. : Elle pose la question des moyens de contrôle, et de la crédibilité de la démarche. Quid du dialogue avec les parties prenantes ? Quid du niveau de transparence qu’on va admettre et des informations que l’on va communiquer à l’extérieur ? Quid de la sincérité des données communiquées ? Je pense que l’aspect de contrôle viendra tout naturellement de la démarche globale de l’entreprise : il est important de se poser la question, et l’on est encore en train de réfléchir à ces sujets.

Touteleurope.eu : Alors que l’Europe traverse une crise sans précédent, la RSE a-t-elle de l’avenir ?

Principes de la RSE
- La Responsabilité de rendre compte
- La notion de transparence.
- Le comportement éthique au cœur de la RSE.
- La place des parties prenantes : identification, attentes et organisation du dialogue.
- Le principe de légalité, les normes internationales et les droits de l’Homme.

W. M.-F. : La RSE a plus que jamais sa place. Dans un contexte de crise systémique, on parle en particulier d’impact de l’entreprise sur son environnement et vice-versa, des relations d’interdépendance entre l’entreprise et ses parties prenantes. L’organisation capable de survivre à ces agitations est celle qui sera capable de percevoir son environnement à 360°, d’identifier ses impacts sur l’environnement et de mesurer ce qui l’impacte elle. Compte-tenu du caractère transversal des démarches de RSE, l’organisation va nécessairement s’ouvrir sur des champs nouveaux : développement, innovation… et évoluera de manière harmonieuse. La RSE peut donc être un atout.

A l’inverse, la crise peut se révéler un frein au développement de la RSE dans la mesure où la première privilégie le court-terme, la seconde le moyen et long terme. Or ce qu’on a retenu de 2008, c’est bien que les mesures de licenciement et de restructuration draconiennes ne sont pas suffisantes pour garantir la pérennité de l’entreprise à terme.

Touteleurope.eu : Va-t-on imposer de plus en plus de contraintes aux entreprises ?


W. M.-F. : Bien sûr, des contraintes sont nécessaires sur certains pans du développement durable comme l’environnement. Mais je pense au contraire que la responsabilité va s’imposer de fait par rapport aux attentes des parties prenantes, des consommateurs notamment, aujourd’hui rapidement informés par les nouvelles technologies de l’image de l’entreprise. Celle-ci est quelque part condamnée à accepter cette nouvelle pression sociétale : contrainte ou pas, elle sera obligée de s’adapter à son environnement et de rendre des comptes.

Touteleurope.eu : L’Europe a-t-elle intérêt à s’inspirer des normes internationales de RSE ?


W. M.-F. :
Elle le fait déjà : ces normes sont par essence applicables au niveau européen. Elles sont parfois le seul recours auquel ont accès les entreprises européennes dans les pays où elles ne sont pas appliquées. Et on peut tout à fait imaginer que les entreprises aillent même plus loin que ce que demandent les normes internationales.

En savoir plus

www.responsabilite-societale.fr, site fondé par William Monlouis-Félicité

Quelle stratégie européenne pour la Responsabilité Sociétale des Entreprises ? - Compte-rendu du débat “Réalités européennes”

Michel Capron : “Pour les entreprises, la crise est l’occasion d’être socialement plus responsables” - Touteleurope.eu

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