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Réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage : que font les autres pays européens ?

La loi sur la “liberté de choisir son avenir professionnel” a été promulguée le 5 septembre dernier en France. Quelles sont ses dispositions phares ? Et que font nos voisins européens en termes d’apprentissage et de formation professionnelle ?

Muriel Pénicaud - Crédits : Ministère du Travail
Muriel Pénicaud, ministre du Travail, présentant le projet de loi pour “la liberté de choisir son avenir professionnel”- Crédits : Ministère du Travail

Promulguée le 5 septembre, la loi pour “la liberté de choisir son avenir professionnel” a fait l’objet de nombreux débats à l’Assemblée nationale. Second volet prévu des réformes du modèle social après la “loi travail” , adoptée en novembre 2017, celle-ci traite de trois sujets différents : la formation professionnelle, l’apprentissage et l’assurance chômage.

La rénovation du compte personnel de formation

Aujourd’hui alimenté en heures, le compte personnel de formation (CPF) permet aux salariés et aux demandeurs d’emploi de bénéficier de formations qualifiantes. Ces droits peuvent être utilisés tout au long de la vie professionnelle.

La nouvelle loi prévoit de “monétiser” ce compte en euros, en le créditant de 500 euros chaque année, avec un plafond de 5 000 euros. Le montant annuel et le plafonnement seront supérieurs pour les employés peu ou non qualifiés (800 euros par an avec un plafonnement à 8 000 euros). Les personnes à temps partiel bénéficieront du même abondement annuel que les salariés à temps plein : une mesure qui permettrait d’agir en faveur de l’égalité femmes-hommes, les femmes représentant 80% des temps partiels. Pour le moment, la modalité de conversion en euros des heures précédemment acquises, sur la base du système existant, n’est pas fixée et fera l’objet d’un décret dont la publication est envisagée le 31 décembre 2018. Enfin, un compte personnel de “formation de transition professionnelle” a été créé afin de permettre à ceux qui le souhaitent de changer plus facilement de profession. Il remplace le Congé individuel de formation (CIF).

Le compte personnel d’activité et le compte personnel de formation sont des exceptions françaises. Cependant, des expériences ont été menées dans d’autres pays européens. C’est le cas au Royaume-Uni, qui a mis en place un dispositif national en 2000. Celui-ci consistait à octroyer une bourse de 150 livres à toute personne âgée de plus de 19 ans qui décidait d’ouvrir un compte de formation dans une banque, sur lequel il cotiserait 25 livres par mois. La mesure a cependant été suspendue, victime de trop nombreuses fraudes.

En Allemagne, plusieurs dispositifs existent, et peuvent différer selon les Länder. Dans les Länder où une loi sur la formation est entrée en vigueur, chaque salarié dispose de cinq jours de formation par an, s’il est embauché dans son entreprise depuis plus de six mois.

En Finlande, la formation professionnelle pour adultes repose sur un système de qualification basé sur les compétences. Des diplômes sont attribués en fonction des compétences, qui peuvent également être acquises dans le cadre professionnel. La formation est financée grâce à des aides publiques et aux salariés eux-mêmes. Les entreprises sont quant à elles libres de participer ou non au financement des formations. Les salariés peuvent bénéficier d’un congé de formation allant jusqu’à deux ans, après une période de travail de cinq ans au sein de la même entreprise. Pendant cette période, ils ne touchent pas de salaire mais peuvent faire la demande de bourse.

En Irlande, il n’existe pas de règlementation uniforme en matière de formation professionnelle des salariés. Les individus peuvent cependant prendre des cours de longue durée certifiés par les chambres professionnelles à leur initiative, si leur employeur les y autorisent. Les entreprises peuvent également encourager les salariés à se former et y sont d’ailleurs incités financièrement par l’Etat. En Italie, au contraire, une loi de 1993 autorise tout travailleur à prendre un jour de congé pour des raisons formatives.

Enfin, en Belgique, les salariés ont le droit de suivre des formations agréées pendant leur temps de travail tout en percevant leur rémunération habituelle : c’est le “congé éducation” . Les employeurs ne peuvent pas refuser ce droit. Aucune corrélation entre le poste et la formation n’est demandée, et la formation peut atteindre une durée maximale de 80 à 180 heures par an en fonction du type de formation.

Un nouveau contrat d’apprentissage

Actuellement, les apprentis doivent avoir au moins 16 ans pour accéder à une formation en apprentissage. La nouvelle loi prévoit d’allonger l’âge maximum à 29 ans, contre 25 ans aujourd’hui. La durée minimale d’apprentissage est d’un an et peut aller jusqu’à trois ans.

La période d’embauche est rythmée par l’année scolaire, et doit avoir lieu au plus tôt 3 mois avant et au plus tard 3 mois après le début du cycle du CFA, généralement en septembre ou octobre.

La rémunération est encadrée : elle va, au 1er janvier 2018, de 374,62 euros à 1 168,80 euros en fonction de l’âge et de l’année d’étude de l’apprenti. Par la suite, selon la nouvelle loi, les plus de 26 ans devront être payés au minimum au niveau du SMIC tandis que la rémunération des 16-20 ans sera augmentée de 30 euros nets. Une aide de 500 euros pour le permis de conduire sera également octroyée aux apprentis d’au moins 18 ans.

La durée minimale du contrat sera désormais de 6 mois, et non plus d’un an. Celui-ci pourra être conclu tout au long de l’année, et en cas de rupture, l’année d’apprentissage pourra tout de même être validée grâce à la poursuite de la formation en centre de formation d’apprentis (CFA).

Enfin, pour les mineurs, le temps de travail, initialement fixé à 35 heures maximum par semaine, passera à 40 heures avec des journées de travail de 8 heures maximum et des dérogations de 2 heures supplémentaires par jour.

En Allemagne, pays où l’apprentissage est ancré depuis plusieurs années dans le paysage de la formation professionnelle, la durée des formations est souvent plus longue qu’en France, entre 2 ans et 3 ans et demi. Les salaires sont quant à eux fixés par des conventions collectives en fonction des branches professionnelles. Ils augmentent chaque année et correspondent en moyenne au tiers du salaire d’un travailleur qualifié débutant. En ce qui concerne les licenciements, les apprentis sont soumis à une période d’essai de six mois.

L’Allemagne et la Suisse disposent des systèmes les plus poussés en termes d’apprentissage. Ces deux pays se distinguent par cette étroite relation entre les branches professionnelles, les partenaires sociaux et le système éducatif, faisant de cette voie une formation d’excellence.

Au Danemark, la durée de la formation est également supérieure à la France : en moyenne trois ans et demi. En Espagne, le système de formation en alternance est en revanche peu développé et ouvert en priorité aux jeunes de 16 à 21 ans qui ont quitté l’école obligatoire sans diplôme ou qualification. La formation peut aller de six mois à deux ans (Source : Institut pour la professionnalisation des acteurs de l’apprentissage).

Au sein de l’Union européenne, le processus de Copenhague, adopté en 2002 et renforcé en 2010 et 2015, fixe des objectifs pour 2020 afin d’améliorer l’enseignement et la formation professionnels, grâce à la coopération entre les pays. Une démarche qui a notamment abouti à la création du système européen de crédits d’apprentissage et du réseau européen d’assurance de la qualité.

Le rôle du dialogue social dans la mise en œuvre de la formation professionnelle

A l’échelle française, les partenaires sociaux ont un rôle plus ou moins approfondi dans le développement et la mise en œuvre de la formation professionnelle tout au long de la vie et de l’apprentissage. Cependant, “on constate généralement que lorsque les pouvoirs publics ne sont pas les seuls à définir les politiques de formation et leur mise en œuvre, mais que des représentants à la fois des employeurs et des travailleurs y participent également, on obtient des politiques considérées comme stratégiques” , et donc plus efficaces, car elles sont “liées aux besoins des entreprises” , assure Thiébault Weber, secrétaire de la Confédération européenne des syndicats (CES).

En Bulgarie il n’existe par exemple pas de structure de représentation des travailleurs sur le lieu de travail, et seuls 2% des adultes ont participé à une formation professionnelle en 2015, selon le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEPOF).

A l’inverse, au Danemark, les organisations patronales et syndicales ont un rôle de premier plan sur de nombreuses questions, notamment sur les fonds de formation. Le taux de participation des adultes à la formation y est le plus élevé de l’UE : 31,3%, en 2015. Il en va de même, chez ses voisins du Nord, comme la Suède ou la Finlande, qui partagent une culture de la formation tout au long de la vie. En France, ce taux atteint 18,6%, pour une moyenne européenne de 10,7%.

Outre-Rhin enfin, ce sont les entreprises et les partenaires sociaux qui organisent des négociations pour proposer aux ministères de l’Éducation et de l’Économie une évolution des formations initiales existantes ou la reconnaissance de nouveaux métiers. Cela permet de définir des formations en lien avec les besoins des secteurs économiques.

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