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Quelle gouvernance pour la zone euro ? La position du Parlement européen

Le Parlement européen doit se prononcer demain 24 juin sur un texte appelant à réformer la gouvernance économique de la zone euro. Tout en soulignant que les instruments créés pour faire face à la crise ont permis d’éviter le pire, le rapport prend acte des nombreux dysfonctionnements qui subsistent au sein de l’Union économique et monétaire, en premier lieu un taux de chômage élevé et une faible croissance. Pour renverser la vapeur, il est nécessaire d’approfondir davantage cette Union, juge la rapporteure du texte et présidente de la délégation socialiste française, Pervenche Berès.

Banque centrale européenne

Touteleurope.eu : Votre rapport a été adopté le 16 juin par la commission des Affaires économiques et monétaires, et sera vraisemblablement adopté demain. Pourquoi lancer une telle initiative aujourd’hui ?

“La situation économique actuelle, caractérisée par une croissance fragile et un taux de chômage élevé, nécessite des mesures urgentes, complètes et décisives dans le cadre d’une approche globale fondée sur un assainissement budgétaire propice à la croissance, des réformes structurelles et la stimulation des investissements, afin de rétablir une croissance durable et la compétitivité de stimuler l’innovation et de s’attaquer au chômage tout en luttant contre le risque d’un faible taux d’inflation persistant ou la menace éventuelle d’une pression déflationniste, ainsi que contre les déséquilibres macroéconomiques persistants” - Rapport sur l’examen du cadre de gouvernance économique, art. 9

Pervenche Berès : Nous avons commencé la négociation de ce rapport au mois d’octobre, mais celle-ci a pris un certain temps en raison de plusieurs difficultés et de lignes rouges que je ne souhaitais pas franchir.

Le texte part du constat que la zone euro ne fonctionne pas aujourd’hui de manière optimum, qu’il y a un manque de croissance, des risques d’inflation basse et surtout un taux de chômage, en particulier des jeunes, qui est insoutenable. Elle est de plus confrontée aux défis démographique, technologique et de la compétition mondiale. Et surtout, on ne le sait pas assez, la divergence entre les économies de la zone a plutôt tendance à s’accroitre. Or ça n’est pas soutenable sur la durée, puisque nous partageons tous la même monnaie.

Les instruments de la gouvernance économique ont été mis en place au fur et à mesure au fil des ans. Dans beaucoup de pays y compris le nôtre, on a parfois l’impression que cette gouvernance n’est pas assez démocratique et pas assez efficace.

Or tirer les leçons de la crise nous oblige à penser l’achèvement de l’Union économique et monétaire. C’est quelque chose dont on parle finalement depuis très longtemps, tout en pensant généralement que ce sujet doit passer au second plan derrière d’autres impératifs… en réalité l’urgence est là.

Touteleurope.eu : Quelles sont les pistes que vous proposez ?

Pervenche Berès : Une réforme suppose tout d’abord que le plan d’investissement de Jean-Claude Juncker ne soit pas considéré comme un phénomène ponctuel, mais qu’on ait conscience que les règles actuelles de la gouvernance économique de la zone euro posent un problème d’investissement. Et qu’on s’interroge sur la manière de maintenir un haut niveau d’investissement public et privé, adapté à nos besoins.

Nous proposons que chaque année, avant de commencer chaque cycle budgétaire, on procède à une analyse claire des intérêts communs de la zone euro. Ainsi, nous aurions une vision des objectifs budgétaires agrégés qui devraient être atteints et des moyens de les poursuivre.

“Explorer toutes les options pour approfondir et renforcer l’UEM (…) dont : la mise en place de mécanismes renforcés de stabilité démocratique (…), une dimension sociale (…), une nouvelle capacité budgétaire de la zone euro basée sur des ressources propres spécifiques (…) tout en évitant toute forme de transfert permanent (…)” - Rapport sur l’examen du cadre de gouvernance économique, art. 57

Les Etats membres doivent faire bien sûr des réformes structurelles, mais il faut s’entendre sur celles-ci. Beaucoup de mesures budgétaires prises depuis la crise ont conduit à diminuer les dépenses des Etats membres en faveur de l’enseignement et de la formation, alors que c’est l’un des principaux défis de la zone euro. Il faut donc évaluer ces réformes dans la durée, en fonction d’objectifs non limités à la réduction des coûts, via des systèmes de concertation avec les parlementaires nationaux, les autorités locales, les partenaires sociaux… et une validation parlementaire au niveau national.

L’un des objectifs du rapport est de définir une feuille de route pour une révision des traités. Même si celle-ci ne devrait pas intervenir tout de suite, elle permet de traiter la question d’un éventuel président permanent de l’Eurogroupe, la construction d’un Trésor européen, d’une capacité budgétaire pour la zone euro, d’une intégration du mécanisme de stabilité européen dans les traités - qui pourrait être l’embryon d’un fonds monétaire européen - d’une meilleure représentation externe de la zone euro…

La Commission doit également remplacer le dispositif de la Troïka : il faut un autre mécanisme d’accompagnement des Etats qui doit être soutenu directement.

Enfin, au regard du contexte économique et de la faible croissance, les objectifs de réduction de la dette qui ont été fixés ne peuvent pas être remplis. Dès lors, que fait-on avec cette règle qui ne peut pas être mise en œuvre ?

Touteleurope.eu : Quel est le lien entre votre rapport et celui que les “5 présidents” viennent de dévoiler pour renforcer l’Union économique et monétaire européenne ?

Pervenche Berès : Il y a eu une interaction très grande entre la rédaction de mon rapport et celui des 5 présidents, notamment à travers la contribution du président du Parlement européen Martin Schulz. Nous avons été très en contact pour porter un certain nombre de propositions.

Le Sommet européen des 25 et 26 juin devrait être très perturbé par d’autres demandes, notamment la question grecque et la définition des conditions de négociations des demandes britanniques liées au référendum. Dans ce contexte, je ne pense pas que ces rapports vont conduire à une feuille de route décisionnelle du Conseil, mais il faut que le processus s’engage pour ne pas laisser passer l’urgence.

Touteleurope.eu : Ne craignez-vous pas que de plus en plus de voix s’élèvent contre un tel approfondissement ?

Pervenche Berès : Il faut bien sûr combattre le populisme. Mais s’interdire de penser la réforme de l’Union économique et monétaire parce qu’il existe des voix populistes, c’est leur donner raison avant même de les avoir combattues.

Je ne me résigne pas à leur victoire et je pense que l’une des raisons de leur progression, c’est justement que l’on s’est mal occupé de l’Union économique et monétaire. On l’a laissée inachevée, il y a donc urgence à la corriger et la redresser, pour lui permettre de produire les effets qu’on est en droit d’attendre d’elle.

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