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Qu’est-ce qu’Euratom ?

La Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom) est née de la volonté française d’organiser la coopération européenne en matière de nucléaire civil pour assurer l’autosuffisance énergétique du continent. Partie intégrante des traités de Rome signés en 1957, le traité Euratom affiche l’ambition de bâtir une industrie nucléaire florissante. Mais les réticences originelles de certains Etats fondateurs, les blocages institutionnels et la relative faiblesse des moyens mis en œuvre ne permettront pas d’atteindre cet objectif.

Les 60 ans du Traité Euratom

Les origines du projet

En 1955, quatre ans après la signature du traité créant la Communauté européenne du charbon et l’acier (CECA), l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas lancent à la conférence de Messine deux nouveaux projets d’intégration européenne concernant l’économie et l’énergie atomique. Ils chargeront d’une part un comité intergouvernemental de préparer ensemble les traités qui leur donneront vie et d’autre part un comité d’experts de présenter les conditions et les perspectives du développement de l’énergie nucléaire dans ces Etats.

Les traités instituant la Communauté économique européenne (CEE) et Euratom sont signés simultanément le 25 mars 1957 à Rome et, après ratification des parlements nationaux, sont entrés en vigueur le 1er janvier 1958. Ensemble, les traités CECA, Euratom et CEE ont constitué la base légale des trois Communautés européennes par lesquelles leurs Etats membres ont entendu aller plus loin qu’une coopération internationale traditionnelle en cédant une part de leur souveraineté à des institutions communes dans les domaines de la production du charbon et de l’acier, de l’énergie atomique et de l’économie.

A cette époque, la maîtrise de la technologie nucléaire apparaît aux Etats fondateurs comme un facteur clé pour créer les conditions d’une paix et d’une prospérité durables dans une Europe en reconstruction et un monde marqué par la guerre froide. Ils perçoivent cette nouvelle technologie comme un atout pour le développement de leur économie, du niveau de vie de leur population et de relations internationales équilibrées. Elle répond en particulier à la crainte d’une pénurie énergétique qui sera accentuée par la crise de Suez (1956). Les Etats entendent réduire leur dépendance externe à l’égard des sources traditionnelles d’énergie, mais aussi leur dépendance technologique à l’égard des Etats tiers plus avancés dans le domaine nucléaire.

La future CEEA doit leur permettre de mettre en commun les ressources (fonds, connaissances, matières, experts, etc.) nécessaires au développement de cette technologie encore peu avancée en Europe, bien que certains Etats s’y investissent déjà. Les pays membres sont conscients de la difficulté pour un Etat isolé de rassembler ces ressources et de l’avantage de les partager pour progresser plus vite et à moindre coût. La CEEA doit également constituer le cadre juridique offrant les garanties nécessaires à l’ouverture d’une coopération entre les six Etats fondateurs et les Etats-Unis. Ceux-ci bénéficient, à cette époque, d’une position dominante sur les matières et technologies nucléaires.

Enfin, la CEEA est perçue comme un levier pour relancer la construction européenne ralentie par l’échec de la Communauté européenne de la défense (1952-1954). En effet, l’énergie nucléaire est un secteur qui semble propice à une intégration fonctionnelle. De plus, l’intérêt que suscite le projet de CEEA auprès de certains Etats les incite à participer au projet plus vaste de marché commun dont la négociation est jointe à celle du traité Euratom.

Les objectifs

L’objectif principal du Traité Euratom est de créer “les conditions de développement d’une puissante industrie nucléaire” capable de garantir l’indépendance énergétique des Six.

En effet, les pays européens, alors en pleine expansion économique, sont préoccupés par leurs approvisionnements en énergie, qui reposent essentiellement sur l’étranger. En 1956, le blocus du golfe d’Aqaba, à la suite de la crise de Suez, provoque une pénurie de carburant qui fait prendre conscience aux Européens de leur dépendance énergétique.

Le nucléaire est alors considéré comme la source d’énergie du futur. Selon les termes du Traité Euratom, “l’énergie nucléaire constitue la ressource essentielle qui assurera le développement et le renouvellement des productions et permettra le progrès des oeuvres de paix” . Mais le développement des applications civiles de l’énergie nucléaire nécessite des investissements au coût élevé. D’où l’intérêt d’une mise en commun au niveau européen qui permettrait de réaliser des économies d’échelle.

En créant la CEEA, les Etats fondateurs entendent atteindre trois objectifs : “établir les conditions de développement d’une puissante industrie nucléaire, source de vastes disponibilités d’énergie et d’une modernisation des techniques, ainsi que de multiples autres applications contribuant au bien-être de leurs peuples” , sans négliger “les conditions de sécurité qui écarteront les périls pour la vie et la santé des populations” , et l’association “d’autres pays et des organisations internationales attachées au développement pacifique de l’énergie atomique” .

Signé le 25 mars 1957 à Rome, le traité entre en vigueur le 1er janvier 1958.

Les missions d’Euratom

La Communauté européenne de l’énergie atomique a pour objectif principal de favoriser l’émergence d’une industrie européenne du nucléaire civil. A cet effet, elle a pour mission de :

Favoriser la recherche sur les technologies nucléaires civiles et la diffusion des connaissances

Le traité Euratom n’instaure pas de programme commun de recherche à proprement parler. La Commission invite les Etats, les particuliers et les entreprises à lui communiquer leurs programmes de recherche en matière de nucléaire civil et en diffuse les résultats au sein de la Communauté. Dès l’origine, la CEEA souffre donc d’une absence d’orientation et d’un défaut de coordination qui contribuent à expliquer les difficultés ultérieures.

Le fait que les Etats membres aient choisi d’ouvrir des centres de recherche dans pratiquement tous les pays de la Communauté - afin que chacun puisse bénéficier des fonds européens - au lieu de concentrer leurs efforts au sein d’un ou deux laboratoires est révélateur de ce manque de volonté commune.

Favoriser les investissements

Pour permettre aux investisseurs de connaître les projets en cours, la Commission publie périodiquement des programmes indicatifs nucléaires (PINC) portant notamment sur les objectifs de production d’énergie nucléaire et sur les investissements qu’implique leur réalisation.

Constituer des entreprises communes

Le traité encourage la création d’entreprises communes pour la réalisation de projets spécifiques ayant une importance fondamentale pour le développement de l’industrie nucléaire européenne.

Assurer l’approvisionnement en minerais et combustibles nucléaires

Le traité Euratom institue un système commun d’approvisionnement en matières fissiles (uranium). Une Agence d’approvisionnement d’Euratom, placée sous l’autorité de la Commission, voit le jour.

Edicter des normes de protection

La CEEA établit des normes de protection des populations et des travailleurs contre les rayonnements radioactifs. Les premières mesures seront prises en 1959, et régulièrement révisées jusqu’à aujourd’hui.

Développer un usage strictement pacifique de l’énergie nucléaire

Le traité met en place un système de contrôle très strict qui a pour but d’empêcher le détournement à des fins militaires des ressources nucléaires civiles de la Communauté. La Commission peut dépêcher des inspecteurs pour vérifier le respect de ce critère et prendre des sanctions à l’égard des entreprises et personnes qui y dérogeraient.

Promouvoir l’utilisation du nucléaire civil à l’échelle mondiale

Le traité permet à la Communauté de nouer des partenariats avec des pays tiers et des organisations internationales afin de promouvoir l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. La Communauté et ses Etats membres ont ainsi conclu des accords avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Les institutions

Afin d’atteindre ses objectifs, la CEEA a été dotée d’institutions qui la distinguent des autres organisations internationales actives dans le domaine nucléaire. Elles apportent une valeur ajoutée à son action.

En effet, les institutions de la CEEA sont celles d’une structure d’intégration politique : une assemblée (devenue le Parlement), une cour de justice, un conseil et une commission.

Le système institutionnel de la CEEA est calqué sur celui de la CECA, même si la répartition des pouvoirs est différente. Une Commission composée de 5 personnalités indépendantes et un Conseil des ministres des Etats membres se partagent la prise de décision. Les gouvernements ont refusé d’attribuer à la Commission les compétences supranationales qui lui auraient peut-être permis de mener à bien une véritable politique de développement des technologies nucléaires.

Les trois autres institutions principales sont communes à la CECA, à la CEE et à Euratom : l’Assemblée européenne (ancêtre du Parlement européen, qui n’exerce qu’un contrôle politique sur la Commission), le Comité économique et social et la Cour de justice.

Le traité Euratom crée en outre plusieurs organes spécialisés pour soutenir et compléter leur action : un Centre commun de recherche, un groupe d’experts scientifiques en santé publique, une Agence d’approvisionnement en matière nucléaire et un Comité consultatif scientifique et technique.

Rapidement, entre 1957 et 1967, la similarité des institutions CECA, CEE et CEEA a conduit à leur fusion. Les institutions ont continué à agir dans les limites des attributions conférées par chaque traité, chaque Communauté ayant une personnalité juridique propre.

Une ambition déçue

Après la signature du traité CEEA, la situation évolue rapidement. Contrairement aux craintes exprimées lors de la crise de Suez en 1956, les prix du pétrole connaissent une baisse après la découverte de nouveaux gisements. Le nucléaire civil, qui nécessite des investissements lourds, perd rapidement de son attrait aux yeux des Européens.

Les entreprises des Etats membres qui se lancent dans la construction de centrales nucléaires n’ont pas le réflexe communautaire. Ainsi, les entreprises allemandes préfèrent collaborer avec les Américains dont elles jugent la technologie plus aboutie que celle des Français.

Quant aux programmes européens de recherche, ils souffrent d’un manque de coordination. Chaque pays souhaite bénéficier des fonds d’Euratom pour développer son propre programme de recherche plutôt que mettre en place un projet commun. Bientôt, chacun exige un “juste retour” de sa contribution au budget commun.

Il faut rapidement se rendre à l’évidence : la volonté politique n’est pas au rendez-vous pour transformer l’essai d’Euratom. Et la Commission, qui aurait pu coordonner une politique énergétique ambitieuse, n’a pas assez de pouvoir pour le faire.

Face aux difficultés rencontrées, la disparition d’Euratom a été envisagée en 1970.

Euratom aujourd’hui

Mais ses activités se poursuivent. Aujourd’hui, la CEEA gère un marché commun pour les matières nucléaires en Europe. Elle est responsable de l’approvisionnement régulier et équitable de tous les utilisateurs en minerais et en combustibles nucléaires et mène une politique commune d’approvisionnement assurant l’égal accès aux ressources et interdisant les pratiques destinées à privilégier certains utilisateurs.

Elle s’assure également que ces matières ne sont pas détournées à des fins autres que celles prévues. Il supervise toutes les matières nucléaires des États non dotés d’armes nucléaires de la Communauté et toutes les matières nucléaires destinées à des utilisations civiles dans les États de la Communauté qui sont dotés d’armes nucléaires. Les installations nucléaires déclarées des États devant se soumettre à la supervision de l’AIEA doivent faire l’objet d’inspections sur place.

L’Euratom finance par ailleurs un Centre Commun de Recherche (CCR) réparti sur six sites (Bruxelles, Geel, Ispra, Karlsruhe, Petten, Séville) implantés dans cinq pays différents (Belgique, Allemagne, Italie, Pays-Bas et Espagne). Ces laboratoires réalisent notamment des travaux pour améliorer la sécurité de la fission nucléaire. L’Euratom s’est également engagé dans le développement de l’énergie thermonucléaire, via le projet ITER.

Les Etats membres ont confié à la CEEA d’importantes attributions en vue de protéger la population et les travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants. Celles-ci lui ont permis de développer un important acquis communautaire. Dans les limites de ses attributions, la CEEA contribue à assurer un niveau élevé de protection de la santé dans toute l’Union et dans de nombreuses situations créant des expositions accrues aux radiations ionisantes. Bien qu’axées sur la protection sanitaire, l’application de ces dispositions participe à la protection de l’environnement. La Commission a veillé à intégrer l’évolution des connaissances scientifiques sur les effets des rayonnements ionisants et du retour d’expérience de la radioprotection opérationnelle.

Enfin, la CEEA a signé des accords de coopération dans les usages pacifiques de l’énergie nucléaire avec un grand nombre d’Etats tiers, dont les principaux fournisseurs dans ce domaine : Etats-Unis, Canada, Australie, Argentine, Ouzbékistan, Ukraine, Japon, Kazakhstan… Ces accords encadrent par exemple le transfert de matériel, d’équipements, de technologies et de matières nucléaires comme l’uranium. Ces attributions n’interdisent pas aux Etats membres de conclure à titre individuel des accords internationaux dans le domaine d’application du traité Euratom. Cependant, ils sont tenus de communiquer à la Commission tout projet d’accord, afin de lui permettre d’adresser des remarques sur leur compatibilité avec l’application du traité Euratom.

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    Lame

    L’Euratom et l’industrie nucléaire française, très critiqués par l’Allemagne, sont concurrencés par le programme nucléaire de l’Initiative des Trois mers. Cette organisation d’Europe de l’Est, indépendante de l’UE, coopère activement avec les USA et va se doter d’un réseau de mini-réacteurs nucléaires importés à ce pays sans que l’Allemagne n’en fasse grand cas. Les Etats membres européens qui n’ont pas recours à l’énergie nucléaire doivent importer une partie de leur électricité à l’étranger. L’Allemagne va-t-elle remplacer ses importations d’électricité nucléaire française par des importations d’électricité nucléaire américaine fournie via l’Initiative des Trois mers ?