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UE-Chine : décryptage d’une relation ambivalente

La semaine dernière, les délégations européenne et chinoise se sont rencontrées à l’occasion du quinzième sommet bilatéral. Bilan de cette rencontre : la signature d’un accord sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La Chine s’engage à mettre en place une politique économique plus verte. Cependant, les grands dossiers commerciaux et économiques restent suspendus.

Des acheteurs de dettes désintéressés

Vue de Pékin, l’Union européenne est la première destination en matière d’exportations. Pour un pays qui facture tous les ans près de mille milliards de dollars grâce à ses exportations, la santé de son principal client est très importante. Or ces dernières années, l’économie européenne se porte plutôt mal et, loin de n’être qu’un problème bruxellois, cette crise affecte de plus en plus les intérêts chinois.

De janvier à août 2012, les exportations chinoises vers le Vieux Continents ont enregistré une baisse de -4,9% (en Italie la chute est de -26%). En outre, en août 2012 les exportations chinoises vers l’UE ont baissé de 12,7% par rapport à l’année précédente. Des chiffres très probablement à la base de la décision du gouvernement chinois d’intervenir dans le marché européen de la dette.

Annoncés lors de la visite d’Angela Merkel à Pékin et confirmés à l’occasion du 15ème sommet bilatéral à Bruxelles, les propos du Premier ministre chinois plaisent aux dirigeants européens. Le rachat des titres d’Etat est sans doute un moyen efficace pour aider ces pays dont la dette publique dépasse le cap des 100% du PIB (notamment en Grèce, en Irlande, au Portugal et en Italie).

La Chine pourrait ainsi utiliser ses énormes réserves de change (plus de 3000 milliards d’euros) pour venir au secours des Etats européens, par exemple en participant au Mécanisme européen de stabilité (MES), une fois qu’il sera entré en vigueur. Il serait pourtant naïf de penser que Pékin agisse par pitié, et la baisse de ses exportations vers l’UE n’explique pas tout.

Un socialisme en sauce libérale

L’Europe est bien la première destination des exportations chinoises, mais n’est pas la seule. Alors que les Européens se serrent la ceinture, plusieurs pays “à croissance rapide” demande davantage de produits chinois. Voilà qu’en Indonésie, en Amérique Latine ou encore en Afrique, les exportations chinoises grimpent. Le résultat final est donc bon : en juin la Chine a enregistré une hausse de 11,3% de ces exportations par rapport à l’année précédente.

Que demande donc Pékin en échange de son rachat de titres européens ? En quelques mots : moins de règles.

En effet, bien qu’elle soit un grand marché de 500 millions de consommateurs, l’Europe est en même temps un marché régulé. La Chine est donc confrontée aux lois qui protègent la concurrence et elle en paie souvent les frais, comme dans le cas du commerce des panneaux solaires. Il n’y a même pas un mois, la Commission a ouvert une enquête pour “dumping” (vente à bas prix pour tuer la concurrence) contre Pékin. Mais le photovoltaïque n’est pas le seul secteur des exportations chinoises à devoir passer sous la loupe de la Commission européenne. En mai dernier, deux grands constructeurs de téléphones, ZTE et Huawei, avaient été accusés de dumping. En 2010, une société belge avait déjà porté plainte contre les deux colosses chinois, et seulement un accord entre les entreprises (et un généreux remboursement) avait permis de faire retirer la plainte.

La Chine est accusée de subventionner ses exportations pour pouvoir bénéficier de prix plus compétitifs. Selon Jonathan Holslag, de l’Institut d’études sur la Chine contemporaine de Bruxelles, pendant le premier semestre 2012 Pékin a consacré quelque 71 milliards d’euros à ses exportations.

Enfin, la Chine souhaite que l’UE lui reconnaisse le statut d’économie de marché. Ce statut lui permettrait un meilleur accès au marché européen protégé par les lois anti-dumping. Cependant, Bruxelles sait que la plupart des grandes entreprises chinoises sont encore étatiques et qu’elles bénéficient d’un accès plus facile au crédit pas cher. Les entreprises chinoises sont donc avantagées par rapport aux entreprises européennes. Le statut d’économie de marché devrait être reconnu à la Chine en 2016, 15 ans après son intégration de l’OMC en 2001. Jusqu’à cette date, l’UE continuera avec son “protectionnisme commercial” , selon Pékin.

L’échange inégal : de l’environnement aux conditions de fabrication

L’accès au marché européen, priorité chinoise, n’est pas le seul dossier sur la table des deux diplomaties. En avril 2012, l’eurodéputée française Marielle De Sarnez a présenté un rapport sur les déséquilibres existants dans les rapports UE-Chine.

D’abord, Pékin impose toujours des barrières commerciales à l’accès à son marché. En 2011, selon la Chambre de Commerce de l’UE en Chine, 43% des chefs d’entreprises européennes implantées en Chine estiment que les mesures prises par Pékin leur sont discriminatoires (contre 33 % en 2010).

Mais l’eurodéputée rapportait également le problème de la protection des droits de propriété intellectuelle. Selon Mme De Sarnez, “la faible protection de la propriété intellectuelle en Chine - qui ne prend pas part aux négociations de l’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) - dissuade de plus en plus les investisseurs européens” . “En 2010, 85% des marchandises enfreignant les droits de propriété intellectuelle saisies par les douanes européennes provenaient de Chine” .

L’environnement est un autre dossier épineux lors des sommets UE-Chine. Lors de ce 15ème rendez-vous, les deux parts ont signé un accord sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le texte, signé par Andris Piebalgs (commissaire au Développement) et Chen Deming (ministre du Commerce), prévoit l’introduction d’un système de quotas en Chine. La Chine est le premier producteur mondial de dioxyde de carbone. Il s’agit d’un “pas important” selon la commissaire à l’Environnement, Connie Hedegaard.

Pourtant, ce texte ne mentionne pas le problème de la taxe sur les émissions de CO2 des avions. La nouvelle législation européenne prévoit que les compagnies aériennes arrivant ou partant d’un aéroport européen achètent 15% du CO2 qu’elles produisent. La Chine (tout comme la Russie, l’Inde et les USA) s’oppose à cette loi. Alors qu’en avril 2013 la taxe devrait entrer en vigueur, la Chine menace de prendre des mesures de rétorsion - y compris de clouer au sol des avions européens, ou d’annuler des commandes à AirBus. C’est pour cela que quatre pays européens (membre d’EADS) souhaiteraient reporter la date d’entrer en vigueur de la taxe.

Enfin, les conditions de travail en Chine sont probablement le sujet - quand il s’agit de commerce UE-Chine - qui fait le plus souvent parler la presse européenne et internationale. En juin dernier, par exemple, un rapport de l’organisation China Labor Watch décrivait comme les sous-traitants d’Apple en Chine font travailler leurs ouvriers. Dans des conditions très dangereuses, “les ouvriers travaillent 30 jours par mois, 11 heures par jour, soit plus de 300 heures par mois” , racontait Chang Lee, le directeur exécutif de China Labour Watch.

Avant que l’échange entre Bruxelles et Pékin soit égal, de nombreuses améliorations restent à apporter dans le système chinois. Ce sera donc au tour du successeur de Wen Jiabao, le sixième Premier ministre chinois qui quittera le pouvoir en 2013, à entamer ce changement.

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