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Schengen : la carte des restrictions aux frontières nationales

Face à l’épidémie de Covid-19, plusieurs pays ont décidé d’instaurer des restrictions à leurs frontières nationales. Celles-ci sont progressivement levées à des degrés divers depuis le mois de mai 2020.

Comme le prévoient les accords de Schengen, les 26 Etats membres de l’espace de libre circulation européen bénéficient de mesures d’exception leur permettant d’entraver la libre circulation des personnes au sein de l’espace Schengen.

Quels pays ont instauré des restrictions de déplacements à leurs frontières intérieures ?

Dans le contexte de la pandémie de coronavirus, qui sévit en Europe depuis le début de l’année 2020, de nombreux Etats de l’espace Schengen ont fait le choix d’instaurer des restrictions de déplacements à leurs frontières intérieures. Concrètement, ces restrictions permettent aux Etats d’empêcher certaines catégories de population de pénétrer sur leur territoire. Si dans les faits, ces limitations sont appliquées de manière très stricte et empêchent la grande majorité des déplacements au sein de l’espace Schengen, juridiquement, il ne s’agit pas d’une fermeture totale des frontières.

Le 16 mars dernier, l’eurodéputé Juan Fernando López Aguilar, président de la commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures du Parlement européen, a néanmoins critiqué cette interprétation très extensive du code Schengen en dénonçant “la fermeture des frontières pour certaines catégories de voyageurs” . Dans la mesure où certains Etats ont fermé l’accès à leur territoires aux ressortissants d’autres pays, les limitations pourraient en effet être considérées comme une forme de discrimination sur la base de la nationalité d’un ressortissant d’un pays membre de Schengen, prohibée par les traités.

Ces décisions ont été prises selon une disposition du code frontières Schengen nécessitant une notification à la Commission et autorisant les Etats à rétablir des contrôles pour une durée de six mois - le texte est en revanche silencieux sur le terme de “restrictions” .

Des restrictions ont ainsi été établies par :

  • l’Espagne (le 16 mars 2020), à toutes ses frontières terrestres ;
  • le Portugal (le 17 mars), à sa frontière avec l’Espagne ;
  • la Grèce (le 17 mars), à l’ensemble de ses frontières ;
  • la Norvège (le 16 mars), à toutes ses frontières ;
  • l’Estonie (le 17 mars), à ses frontières aériennes et maritimes, ainsi qu’à sa frontière terrestre avec la Lettonie ;
  • la Lettonie (le 17 mars), sur l’ensemble de ses frontières terrestres ;
  • la Lituanie (le 14 mars), sur l’ensemble de ses frontières ;
  • l’Allemagne (le 16 mars), à ses frontières terrestres avec le Danemark, le Luxembourg, la France, la Suisse et l’Autriche ;
  • la Pologne (le 15 mars), aux frontières aériennes et maritimes, ainsi qu’à ses frontières terrestres avec la République tchèque, la Slovaquie, l’Allemagne et la Lituanie ;
  • la Suisse (le 13 mars), à sa frontière terrestre avec l’Italie ;
  • le Danemark (le 13 mars), à l’ensemble de ses frontières ;
  • la République tchèque (le 14 mars), à ses frontières aériennes, et à ses frontières terrestres avec l’Autriche et l’Allemagne ;
  • la Hongrie (le 12 mars), à ses frontières terrestres avec l’Autriche et la Slovénie, puis à toutes ses frontières ;
  • Malte (le 11 mars), restrictions pour les ressortissants allemands, français, suisses et espagnols ;
  • l’Autriche, à sa frontière terrestre avec l’Italie (le 11 mars), puis aux frontières terrestres avec la Suisse et le Liechtenstein trois jours plus tard ;
  • la Finlande (le 18 mars), à toutes ses frontières terrestres ;
  • la Belgique (le 20 mars) à toutes ses frontières terrestres ;
  • la France (le 18 mars) sur l’ensemble de ses frontières ;
  • L’Italie n’a pas officiellement réinstauré de restrictions à ses frontières. Mais elle impose des mesures de quarantaine et a un temps empêché les transfrontaliers français de pénétrer sur son territoire, ce qui a limité fortement les arrivées sur son sol depuis le début de l’épidémie. Ces mesures ont été levées le 3 juin.

Ces Etats ont ainsi repris temporairement la main sur les entrées et sorties de leur territoire en provenance du reste de l’Europe. Ce dispositif leur a permis de choisir d’en interdire l’entrée aux ressortissants de nationalités européennes qu’ils estimaient “à risque” : la République tchèque, par exemple, a dans un premier temps interdit l’entrée aux personnes en provenance de quinze pays européens. La Slovaquie, quant à elle, avait choisi de fermer ses frontières à tous les ressortissants européens, sauf aux Polonais.

La situation aux frontières extérieures

La fermeture de toutes les frontières extérieures de l’espace Schengen a également été annoncée le lundi 16 mars, à partir du lendemain et pour trente jours, avant d’être levée le 1er juillet pour les résidents de 14 pays (Algérie, Australie, Canada, Géorgie, Japon, Monténégro, Maroc, Nouvelle-Zélande, Rwanda, Serbie, Corée du Sud, Thaïlande, Tunisie, Uruguay) auxquels s’ajoute la Chine sous condition de réciprocité. Cette liste est réactualisée toutes les deux semaines selon des critères épidémiologiques (dont un taux de 16 cas pour 100 000 habitants à ne pas dépasser). A noter qu’elle n’est pas contraignante : il s’agit d’une recommandation que les Etats peuvent décider librement d’appliquer ou non.

La levée des restrictions aux frontières intérieures

Depuis le mois de mai, le ralentissement ou le reflux de l’épidémie observé dans la plupart des Etats membres de l’espace Schengen a poussé ces derniers à envisager la levée des restrictions aux frontières intérieures. Celle-ci s’est d’abord faite selon des accords bilatéraux entre Etats membres, comme ont pu le faire des pays baltes. Le 15 mai, ces derniers ont en effet rétabli un espace de libre circulation entre les trois pays. En Europe centrale également, cette stratégie dite “de l’oignon” (rouvrir ses frontières d’abord à ses voisins) a été appliquée.

Le 15 juin a ensuite marqué un tournant vers un retour à la normale pour l’espace Schengen. Un grand nombre d’Etats membres ont ainsi rétabli la libre circulation à leurs frontières. C’est notamment le cas pour la Belgique, l’Allemagne, la France ou la Grèce. La France a néanmoins maintenu des mises en quatorzaine (recommandées mais non obligatoires) pour les citoyens britanniques entrant sur son territoire. D’autres ont maintenu des restrictions s’appliquant à certaines nationalités. C’est le cas de la Hongrie, de la Bulgarie, de l’Autriche, de la Slovaquie, de la République tchèque, de la Norvège, du Danemark ou de la Lettonie. A l’inverse, plusieurs Etats ont “rouvert” plus précocement leurs frontières. L’Italie a rouvert son territoire aux touristes étrangers le 3 juin, la Croatie en a fait de même le 10 juin et la Pologne a suivi le 13 juin.

D’autres Etats membres se sont en revanche montrés plus frileux. L’Espagne a ainsi attendu le 21 juin pour lever les restrictions à ses frontières pour les ressortissants de l’espace Schengen. Elle a même encore retardé l’échéance pour sa frontière avec le Portugal, où des contrôles ont été maintenus jusqu’au 1er juillet. Le Portugal a notifié la Commission de la prolongation de ses restrictions à la frontière espagnole jusqu’au 30 juin, et la Finlande a maintenu des mesures d’exception jusqu’au 14 juillet. De son côté, la Roumanie ne rouvre pour l’instant sa frontière qu’à ses ressortissants vivant à l’étranger.

L’ensemble des mesures mises en place par les Etats membres sont recensées et actualisées sur le site Re-open EU.

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Un dispositif différent de celui mis en place lors de la “crise des réfugiés”

Ces restrictions s’appliquant à des catégories entières de population, y compris européennes, sont à distinguer des contrôles aux frontières intérieures, qui ont été rétablis par certains pays lors de la “crise des réfugiés” de 2015-2016 afin de freiner l’arrivée de demandeurs d’asile, principalement syriens. L’autre raison invoquée concernait la lutte contre la menace terroriste.

La plupart de ces mesures ont par la suite pris fin, même si certains pays les ont prolongées, notamment pour protéger leur territoire face à la pandémie. Elles concernent :

  • l’Italie (2 septembre 2015) à sa frontière autrichienne, suite à une demande allemande après un nombre record d’arrivées.
  • l’Allemagne (13 septembre 2015) qui, après avoir ouvert ses portes à plusieurs centaines de milliers de demandeurs d’asile, avait rapidement rétabli les contrôles à ses frontières avec l’Autriche et la République tchèque.
  • la République tchèque (13 septembre 2015) à sa frontière autrichienne, pour stopper le flux de migrants quelques heures après le renforcement des contrôles en Allemagne.
  • la Slovaquie (14 septembre 2015) à ses frontières autrichienne et hongroise, après le renforcement des contrôles par l’Allemagne.
  • l’Allemagne à nouveau (16 septembre 2015) : peu après les avoir rétabli aux frontières autrichienne et tchèque, l’Allemagne annonce avoir “renforcé l’intensité des contrôles” sur une partie de sa frontière avec la France, au niveau de l’Alsace, pour contrôler les flux de migrants.
  • la France (13 novembre 2015) : initialement prise pour sécuriser la conférence Paris Climat 2015 (30 novembre - 11 décembre), la mesure a été renforcée au lendemain des attentats de Paris pour tenter d’endiguer la menace terroriste, puis prolongée à plusieurs reprises.
  • la Belgique (23 février 2016) pour faire face à un éventuel afflux de migrants quittant la “jungle” de Calais.
  • la Pologne (4 juillet 2016), en prévision de plusieurs événements : le Sommet de l’OTAN, les Journées mondiales de la Jeunesse (JMJ) et la visite du Pape.
  • Malte (du 29 janvier au 9 février 2017) à l’approche du Sommet européen du 3 février 2017 organisé à La Valette.
Une mesure prévue par les accords de Schengen

Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la décision de réintroduire temporairement des contrôles aux frontières nationales ne constitue pas nécessairement une “fermeture des frontières” : le passage y est toujours autorisé pour les personnes prouvant leur identité et répondant aux conditions requises par les Etats. Il ne s’agit pas non plus d’une “suspension des accords de Schengen” : cette mesure d’exception est bien permise par la convention de Schengen, sous certaines conditions. Il s’agit plutôt d’une suspension de la libre circulation effectuée dans le cadre des accords de Schengen

Plusieurs pays y ont eu recours auparavant, notamment lors de l’organisation d’événements importants sur leur territoire (Euro 2012 en Pologne, sommet de Copenhague sur le climat en 2009…), pour prévenir une menace terroriste (Norvège en juillet 2014) ou encore pour bloquer l’arrivée de migrants (frontière franco-italienne en 2011 puis en juin 2015).

Les contrôles en pratique

Concrètement, les contrôles ne peuvent être bien sûr réalisés sur l’intégralité du tracé des frontières. Certains accès sont contrôlés 24h sur 24 au niveau des postes frontières, tandis que d’autres ne font l’objet que de contrôles aléatoires, parfois dans un périmètre proche du poste, sur la route, à bord des trains internationaux, dans les ports ou les aéroports.

L’objectif est de vérifier l’identité des personnes qui franchissent la frontière. Chaque personne contrôlée doit ainsi présenter à la police des frontières un document permettant de justifier son identité lors du contrôle. Sur les axes routiers, les papiers et l’intérieur du véhicule font également l’objet de vérifications.

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