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Dumping social : quel est le rôle de l’Autorité européenne du travail ?

L’Autorité européenne du travail (AET) a été inaugurée le 16 octobre 2019 à Bruxelles. Son siège définitif sera fixé à Bratislava. Objectif : mieux encadrer la mobilité des travailleurs au sein de l’Union. Comment s’y prend-t-elle ?

Crédits : Drazen_ / iStock
Crédits : Drazen_ / iStock

Dans son discours sur l’Etat de l’Union en 2017, la Commission européenne avait appelé de ses vœux, par la voix de son président Jean-Claude Juncker, la mise en place d’une Autorité européenne du travail. L’exécutif européen a présenté son initiative aux ministres nationaux de l’Emploi et des Affaires sociales, le 15 mars 2018 à Bruxelles.

Après de longues négociations, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont finalement trouvé un terrain d’entente sur le projet le 14 février 2019. Le 13 juin, le Conseil a officiellement adopté - en un temps record - le règlement qui en fixe les contours.

L’organe commence donc son activité en octobre 2019 à Bruxelles, où il reste jusqu’à son transfert “dès que possible” dans sa ville d’accueil : Bratislava, en Slovaquie. Son conseil d’administration s’est réuni pour la première fois le 17 octobre 2019.

Les capitales de Chypre (Nicosie), de la Bulgarie (Sofia), et de la Lettonie (Riga) s’étaient également portées candidates pour accueillir le siège de l’autorité.

Qu’est-ce que l’Autorité européenne du travail ?

L’Autorité européenne du travail est un organisme européen dont le but est de garantir que “toutes les règles de l’UE en matière de mobilité des travailleurs soient mises en œuvre de manière juste, simple et efficace” . Dans la lignée des 20 principes établis par le socle européen des droits sociaux de novembre 2017, l’Autorité aide les citoyens à connaître ces droits et les Etats membres à les faire respecter.

Sa raison d’être est notamment de donner aux citoyens de l’UE un accès à de bonnes prestations sociales dans leur pays d’accueil.

Quelles sont ses missions ?

La vocation de l’Autorité est triple. Son rôle premier est de fournir des informations aux citoyens et aux entreprises sur les opportunités d’emploi, d’apprentissage, de mobilité, de recrutement et de formation dans l’UE, ainsi que sur les droits et obligations de ceux qui vivent, travaillent et/ou exercent leur activité dans un autre État membre de l’UE.

L’Autorité encourage également la coopération entre les autorités nationales sur les questions transfrontières, en les aidant à faire en sorte que les règles de l’UE qui protègent et règlementent la mobilité puissent être aisément et efficacement suivies. A ce titre, elle peut aider les autorités nationales, à la demande d’États membres ou avec leur accord, à mener des inspections concertées et communes.

Enfin, l’Autorité européenne du travail fournit des services de médiation et facilite la recherche de solutions en cas de différend transfrontière, notamment en cas de restructuration d’entreprise faisant intervenir plusieurs États membres.

A quels problèmes s’attaque-t-elle ?

À ce jour, plus de 17 millions d’Européens travaillent dans un autre État membre que leur pays d’origine, soit deux fois plus qu’il y a dix ans. Dans ce contexte de forte mobilité transfrontalière, la Commission européenne souhaite mieux lutter contre les abus et les fraudes, notamment le travail non-déclaré.

La Commission vise également à mieux faire appliquer la législation européenne dans le domaine des droits sociaux : libre-circulation des travailleurs et coordination des régimes de sécurité sociale (tout ressortissant a le droit de travailler, sans discrimination dans un autre pays membre et d’y être socialement assuré), égalité des hommes et des femmes, droit du travail, la lutte contre les discriminations…

En outre, cette Autorité européenne du travail vient renforcer la lutte contre le dumping social” pratiqué en Europe. C’était déjà, en juin 2018, l’objectif de la réforme de la directive sur les travailleurs détachés. Le texte initial de 1996 était accusé de pousser les entreprises à jouer avec le droit social afin d’optimiser leurs bénéfices. Désormais, les travailleurs détachés dans un autre pays de l’UE doivent toucher le même salaire que leurs collègues locaux.

Dans une étude de l’Institut Jacques Delors, la chercheuse Sofia Fernandes souligne en effet que la coopération entre autorités nationales est particulièrement nécessaire dans ce domaine. Compte tenu de l’activité transnationale du travailleur détaché, les Etats membres font face à des difficultés pour détecter, prévenir et lutter contre les cas d’abus et de fraude. A cet effet, l’Autorité européenne du travail doit permettre une coopération plus rapide et plus efficace entre autorités nationales du pays d’accueil et du pays d’origine.

Avec quelle structure et quel budget ?

Cette autorité est composée d’environ 140 agents recrutés progressivement d’ici à 2023, qui disposent d’un budget avoisinant les 50 millions d’euros par an.

Elle est dirigée par un conseil d’administration comprenant un représentant de haut niveau de chaque État membre et deux représentants de la Commission, disposant tous du droit de vote. Le comité comprend également un expert indépendant nommé par le Parlement européen et quatre représentants désignés par les partenaires sociaux intersectoriels, sans droit de vote. Un directeur exécutif assure la gestion de l’Autorité. Les partenaires sociaux au niveau de l’UE jouent également un rôle consultatif par l’intermédiaire d’un groupe des parties concernées spécialement créé à cet effet.

Quelle relation entre l’Autorité et les autorités nationales ?

La création de l’Autorité permet à l’UE de veiller au respect de sa législation sur la mobilité. Mais ce nouveau rôle ne signifie pas que les autorités nationales compétentes (notamment l’inspection du travail et la sécurité sociale) se verront remplacées par un corps européen d’inspecteurs du travail. Par ailleurs, cette instance européenne ne couvre en aucun cas les sujets nationaux liés au travail (temps de travail, salaires minimum, etc.).

Une approche par étapes est privilégiée dans la mise en place de cette nouvelle agence. Actuellement, l’autorité ne dispose pas de pouvoirs contraignants. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle les Etats membres n’ont pas été réticents à sa création… A plus long terme et dans des situations précises, il n’est néanmoins pas exclu que l’Autorité dispose de prérogatives propres et s’impose aux autorités nationales.

Un progrès pour l’Europe sociale ?

La commissaire pour l’emploi, les affaires sociales, les compétences et la mobilité des travailleurs, Marianne Thyssen s’est félicitée de cette avancée : “L’accord intervenu à propos de l’Autorité européenne du travail est la cerise sur le gâteau d’un marché du travail équitable en Europe”, a-t-elle déclaré. Pour Karima Delli, présidente de la commission Transports au Parlement européen, il s’agit indiscutablement d’une “avancée de l’Europe sociale” .

Certaines voix ont cependant fait connaître leur regret que certains secteurs essentiels, dont les transports, aient été exclus de l’accord, suite aux pressions de la Pologne et d’autres pays de l’Est. En revanche, le texte comprend une clause de révision qui permettra d’élargir les domaines couverts à l’avenir.

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