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  • Synthèse

Le contrôle des aides d’Etat

Les articles 107 et 108 du traité posent le principe de l’interdiction des “aides d’Etat” (c’est-à-dire des subventions publiques aux entreprises). Cette interdiction par le droit européen repose sur le fait qu’une entreprise bénéficiant d’aides publiques de son pays sera avantagée par rapport à une entreprise étrangère qui n’en bénéficierait pas. Cela n’est pas uniquement valable pour les aides à l’import ou à l’export, puisque même une entreprise officiant sur le sol national favorisée pourrait y renforcer sa position au détriment d’autres entreprises notamment étrangères.

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Les aides d’Etat interdites : quelles aides ? quel Etat ?

Ainsi, toutes les aides publiques susceptibles d’affecter les échanges entre les Etats membres sont concernées, même celles qui proviendraient de fonds privés mais sur ordre de l’Etat. Parmi les types d’aides interdits, on distingue les aides positives (transferts d’argent, prêts à taux privilégiés) et négatives (renoncement à percevoir des taux, exonérations fiscales). Les aides posent problème uniquement si elles entraînent la favorisation d’une entreprise face à d’autres.

On inclut dans le terme d’Etat les collectivités locales, régions, etc, même si celles-ci sont politiquement indépendantes de l’Etat (par exemple en Allemagne qui est un Etat fédéral).

Si l’entreprise bénéficiaire est publique, ou que l’Etat en est actionnaire, il est pourtant normal qu’il lui fournisse de l’argent. Mais son action est considérée comme une aide d’Etat lorsque son investissement n’est pas raisonnable en termes économiques. De cette manière, si l’entreprise est en déclin et que l’Etat la maintient artificiellement à flots sur critères sociaux, il s’agit bien d’une aide d’Etat.

Les aides autorisées

En revanche, certaines mesures, bien que constituant des aides d’Etat, peuvent être autorisées par la Commission européenne. Cela concerne, en particulier, les aides destinées à :

  • Dédommager une entreprise dans la réalisation d’un service public structurellement déficitaire ;
  • Aider à la consommation de certains produits alimentaires ;
  • Apporter des aides à la suite d’une catastrophe naturelle ;
  • Aider à la reconstruction des régions allemandes qui étaient séparées par le rideau de fer ;
  • Favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas (aides en faveur de l’emploi, des PME, de la formation ou de l’environnement) ;
  • Promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou remédier à une perturbation grave de l’économie d’un Etat membre ;
  • Promouvoir la culture et la préservation du patrimoine.

Afin de définir avec plus de précision les critères sur lesquels elle se base dans un souci d’équité, la Commission a publié des communications où elle affine sa position. L’UE a également adopté des règlements pour définir certaines aides horizontales compatibles (sur les PME, l’environnement, le développement régional, les aides à l’emploi et à la formation…) et de fixer des seuils : pour être acceptées les aides ne doivent pas excéder 200 000 euros par entreprise et par période de trois ans. En deçà, ces aides sont appelées “aides de minimis” et ne sont pas visées par le droit européen, sauf pour les aides versées dans les domaines des transports et de l’agriculture.

Aujourd’hui, la Commission européenne souhaite que ces aides soient moins nombreuses et mieux ciblées sur des domaines tournés vers la recherche et l’innovation, la création d’emplois, la croissance économique et la cohésion sociale.

En 2012, l’exécutif européen a lancé une initiative de “modernisation de la politique en matière d’aides d’État” , pour clarifier la portée des règles de l’UE relatives aux aides d’État et faciliter les investissements publics. Dans des orientations publiées en 2016 dans le cadre de cette initiative, la Commission a notamment statué que “les investissements publics destinés à la construction ou à la modernisation d’infrastructures ne constituent pas une aide d’État si les infrastructures financées ne sont pas en concurrence directe avec d’autres infrastructures du même type” , ou encore que “même lorsque des infrastructures sont construites grâce à une aide d’État, ni l’exploitant, ni les utilisateurs, s’ils paient le prix du marché, ne bénéficient pas d’une aide” .

L’exercice du contrôle des aides

Le contrôle des aides d’Etat vise à la fois les aides existant déjà (par exemple celles qui seraient en vigueur dans un Etat membre avant qu’il n’intègre l’UE), et les nouvelles.

Pour les premières, la Commission exerce une surveillance permanente. Si elle constate qu’une aide n’est pas compatible, elle en informe l’Etat membre. Celui-ci, s’il ne choisit pas de la modifier ou de l’interrompre, s’expose à l’ouverture d’une procédure d’examen formel, au terme de laquelle la Commission devra réitérer sa décision en la motivant.

La seconde catégorie d’aide inclut les aides individuelles et les régimes d’aide. En général, l’Etat notifie à la Commission les régimes d’aide qu’il souhaite mettre en place avant de le faire. Mais pour les aides individuelles, qui ont souvent lieu dans l’urgence (afin de “sauver” une entreprise par exemple), il arrive que l’Etat les verse avant de se lancer dans les négociations avec la Commission, quitte à faire des ajustements ou à devoir se faire rembourser par la suite. La Commission a l’obligation de répondre à toute notification, sans quoi l’aide est automatiquement validée.

Le problème se pose lorsque des collectivités locales, souvent mal informées de leurs obligations, octroient des aides sans en informer la Commission, et laissant le gouvernement de leur Etat responsable. Or le fait de ne pas notifier une aide la rend illégale, même si elle n’est pas contraire aux règles énoncées par l’article 107. La Commission doit donc récupérer provisoirement l’aide en attendant de se prononcer sur sa conformité ou non. Si elle n’est pas conforme, l’Etat doit la récupérer auprès de l’entreprise, sous peine de sanctions pécuniaires.

Procédure

Pour statuer sur l’aide, la Commission dispose de deux mois, sans quoi l’aide est acceptée. En cas de doute sérieux, c’est la procédure de l’examen formel qui s’ouvre, avec un nouveau délai de 18 mois. Il s’agit d’une phase de négociation, au cours de laquelle la Commission va proposer à l’Etat de nouvelles conditions pour rendre l’aide compatible. S’il les refuse, l’aide ne peut être versée ou bien doit être récupérée par l’Etat dans le cas où elle aurait déjà été versée.

Si le reversement de l’aide par l’entreprise lui pose un risque de faillite, elle peut disposer d’un délai d’échelonnement du remboursement. Un cas évoqué par le traité (compris dans l’article 108) permet aussi au Conseil de contourner la décision de la Commission et d’autorisée une aide réclamée par un Etat, en évoquant des “circonstances exceptionnelles” ; un tel recours est rare.

Bien sûr, l’Etat peut contester la décision de la Commission devant le Tribunal de l’Union européenne.


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