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L’Allemagne, chef d’orchestre de la régulation européenne ?

L’Allemagne, gardienne de la bonne santé économique de la zone euro ? Berlin fait en tout cas la Une de la plupart des journaux ce matin après avoir déclaré avant-hier soir la guerre aux spéculateurs, recueillant le soutien de la Commission européenne mais prenant de court ses partenaires européens. Des partenaires qui pourraient être de nouveau surpris demain lors de la réunion du Conseil des ministres des Finances, à l’occasion de laquelle Angela Merkel entend proposer des mesures drastiques pour sauver l’euro.

Berlin la joue solo face aux spéculateurs …

Angela Merkel a pris tout le monde de court hier. Les marchés financiers bien sûr, qui n’avaient pas vu le coup venir, mais également ses partenaires de la zone euro, France en tête.

La chancelière allemande a en effet annoncé hier que seraient interdites par le BaFin (Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht, ‘gendarme’ de la Bourse allemande) les ventes à découvert “à nu” sur les emprunts d’Etats de la zone euro et sur certains types de CDS (“credit default swaps” , soit des titres de couverture contre le risque de faillite d’un pays ou d’une entreprise) du 19 mai 2010 au 31 mars 2011.

Ces ‘ventes à découvert’ permettent de parier sur la baisse d’un titre et encourageraient donc la spéculation. Les ventes dites ‘à nu’ permettent en plus de vendre des titres sans même les avoir empruntés auparavant. Ce sont spécifiquement ces ventes qui sont dans le collimateur allemand.

L’Allemagne est la première à les interdire, et veut ainsi mettre fin à une spéculation considérée comme outrancière. Problème : cette interdiction concerne l’ensemble des Etats membres de la zone euro… qui n’ont pas été consultés auparavant !

La France, par la voix de sa ministre des Finances Christine Lagarde, a ainsi fait part de sa surprise, et ne semble pas prête à imiter l’Allemagne. L’initiative d’Angela Merkel a pourtant reçu le soutien de José Manuel Barroso.

La chancelière, dont la majorité a été mise à mal lors des dernières élections il y a deux semaines, devait convaincre hier le Bundestag de soutenir la participation allemande au plan d’aide à la Grèce. Et elle devait pour cela démontrer qu’elle obtiendrait les contreparties exigées dès le départ.

Son initiative vise donc essentiellement à rassurer les citoyens allemands. Mais en agissant au nom des 16, sans même leur en parler avant, l’Allemagne semble avant tout s’imposer comme le ‘leader’ de la régulation européenne.

… mais entend bien imposer sa vision budgétaire à l’ensemble de l’Union

14,5

C’est en milliards d’euros, le montant du premier chèque versé par l’Europe à la Grèce hier. Ce versement correspond à la première salve du plan d’aide consenti sur 3 ans pour secourir le pays gravement endetté. Ils viennent compléter les 5.5 milliards versés lundi par le FMI. Sur ces 14.5 milliards, 3.3 le sont par la France.

Angela Merkel avait prévenu ses partenaires : l’Allemagne ne signerait pas un chèque en blanc à la Grèce. Et les garanties fournies à Berlin par le gouvernement de Georges Papandréou ne semblent pas suffire.

En effet, alors qu’Athènes a encaissé hier le premier chèque européen (voir encadré), Angela Merkel entend bien profiter du contexte, et d’une réunion des ministres européens des Finances, pour annoncer demain ses propositions en faveur d’une discipline budgétaire stricte qui pourrait aller jusqu’à l’expulsion des plus mauvais élèves de la zone euro.

Une option radicale qui est loin d’être appréciée des autres Etats membres de la zone euro, dont la France, et qui n’est pas non plus au goût de la Commission européenne. D’autant plus que cela nécessiterait un changement du traité régissant l’Union européenne … et pourrait replonger l’Europe dans la crise institutionnelle dont elle vient tout juste de sortir avec le traité de Lisbonne.

Si l’Europe ne semble pas prête à envisager l’expulsion d’un Etat membre de la zone euro, elle ne l’est pas plus à accepter qu’on l’y pousse par des moyens détournés.

L’Allemagne pourrait ainsi proposer demain que soit suspendu le versement des aides européennes en faveur des pays qui ne respecteraient pas les critères du Pacte de Stabilité, mais également de suspendre pendant un an le droit de vote des plus mauvais élèves. Sans aide financière et sans pouvoir, ces pays n’auraient plus d’autre choix que de se retirer eux-mêmes de la zone euro.

Une vision allemande qui, soutenue sur certains aspects par l’exécutif européen, semble donc se heurter violemment à celles des autres partenaires européens. Pourtant, tous conviennent qu’il faut renforcer le Pacte de stabilité. Les divergences apparaissent sur la question des moyens pour y parvenir.

Malgré tout, la France et l’Allemagne essayent d’afficher encore leur bonne entente, comme l’a ré-affirmé ce jeudi-matin le Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Pierre Lellouche sur Europe 1. Mais les deux pays ne semblent plus sur la même longueur d’ondes. La France souhaite que l’attention ne soit pas uniquement focalisée sur les déficits, véritable obsession de Berlin, mais également sur la compétitivité européenne, qui doit être relancée.

Une “différence de traditions” pour certains diplomates allemands, qui pourrait bien rendre difficiles, et longues, les discussions entre les Européens demain à Bruxelles.

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Crise économique dans la zone euro - 2010 - Touteleurope.fr

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