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Les instruments de défense commerciale de l’Union européenne

Pour faire face aux pratiques de concurrence déloyale de ses partenaires, l’Union européenne a recours à trois principaux instruments : les règles antidumping, les mesures antisubventions et les mesures de sauvegarde.

Les instruments de défense commerciale revêtent une importance cruciale dans une économie mondialisée
Les instruments de défense commerciale revêtent une importance cruciale dans une économie mondialisée - Crédits : ake1150sb / iStock

Les instruments de défense commerciale (ou IDC) visent à assurer un commerce équitable ainsi qu’à défendre les intérêts des entreprises européennes. Ils sont conformes aux accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui autorisent ses membres à se prémunir contre les pratiques déloyales. Toutefois, comme le précise la Cour des comptes européenne, si “la législation de l’UE doit refléter pleinement les règles de l’OMC”, elle peut dans certains cas “établir des exigences supplémentaires”.

La politique commerciale commune est fondée sur des principes uniformes, notamment en ce qui concerne […] les mesures de défense commerciale, dont celles à prendre en cas de dumping et de subventions” (article 207 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne)

L’antidumping

L’UE considère qu’un produit fait l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers l’UE est inférieur à celui d’un même produit dans le pays exportateur (“produit similaire”) ou inférieur à son coût de production. Il s’agit d’une pratique visant à “casser” les prix pour mieux pénétrer les marchés étrangers, et qui peut donc être qualifiée de déloyale. 

Tout bien concerné peut être soumis à une procédure antidumping lorsque sa circulation (“mise en libre pratique”) dans l’UE cause un préjudice. Toute personne physique ou morale peut porter plainte. Une association n’ayant pas la personnalité juridique mais agissant au nom de l’industrie européenne (le plus souvent une fédération professionnelle à la demande des entreprises du secteur touché) peut également porter plainte par écrit auprès de la Commission, ou d’un Etat membre qui la transmet à cette dernière.

L’enquête, qui porte simultanément sur le dumping et le préjudice, est opérée en coopération avec les Etats membres. L’Union européenne peut en corriger les dommages par des mesures provisoires, le plus souvent une amende sur le produit importé, applicable pendant six mois. Si les Etats membres la valident, une taxe douanière peut aussi s’appliquer pour cinq ans maximum.

Un exemple : l’affaire des chaussures de cuir

Le 23 mars 2006, la Commission européenne a adopté des mesures antidumping provisoires à l’encontre des chaussures en cuir en provenance de la Chine et du Vietnam. 

A la demande de plusieurs Etats membres dont l’Italie, l’institution avait enquêté sur l’existence d’un dumping et sur les préjudices subis par l’industrie européenne. Son rapport avait identifié les éléments suivants :
- évidence manifeste d’une intervention étatique sérieuse dans le secteur de la chaussure en cuir en Chine et au Vietnam, dont leurs marchés n’avaient, en outre, pas besoin ;
- préjudice causé aux fabricants de l’UE : la production de chaussures en Europe avait reculé d’environ 30 %, les prix d’importation chuté de plus de 20 % et le secteur perdu près de 40 000 emplois. Cette affaire ne concernait néanmoins que 9 % des paires de chaussures achetées par les Européens.

Des droits de douane progressifs ont été adoptés : 16,8 % pour le Vietnam et 19,4 % pour la Chine. La Commission a bien précisé qu’il ne s’agissait pas de protectionnisme mais de mesures de rétorsion contre un commerce déloyal : “les chaussures en cuir bénéficient de subventions étatiques et font l’objet d’un dumping, ce qui est inacceptable au regard des règles de l’OMC et nous confère le droit de protéger les fabricants européens contre de telles pratiques”.

Entrée en vigueur le 20 décembre 2017, une nouvelle méthodologie antidumping prévoit de mieux tenir compte des éventuelles interventions d’un Etat tiers pour fausser les prix ou les coûts sur son marché intérieur.

Elle a été complétée par un texte sur la modernisation des instruments de défense commerciale de l’UE, entré en vigueur le 8 juin 2018. Objectif : mettre en œuvre ces instruments “de façon plus rapide, plus efficace et plus transparente”. Les mesures provisoires interviennent ainsi dans un délai plus court, les droits sont plus élevés et le calcul du préjudice amélioré.

Les mesures antisubventions

Comme pour les mesures antidumping, les mesures antisubventions ont pour objectif de lutter contre les pratiques de concurrence déloyales. Plus précisément, ces mesures visent à rétablir des conditions de concurrence équitables lorsque des producteurs étrangers ont bénéficié de subventions ciblées leur donnant un avantage par rapport aux producteurs européens. C’est notamment le cas lorsque les financements viennent favoriser une entreprise ou un secteur en particulier. Lorsque cette distorsion des échanges est avérée, des actions peuvent être prises au niveau de l’OMC afin de corriger le désavantage concurrentiel provoqué. On parle ainsi de mesures compensatoires.

Le règlement n°2016/1037, qui transpose en droit européen les dispositions de l’accord sur les subventions conclu dans le cadre de l’OMC, établit qu’ ”un droit compensateur peut être imposé afin de compenser toute subvention accordée, directement ou indirectement, à la fabrication, à la production, à l’exportation ou au transport de tout produit dont la mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice”.

La subvention désignée peut être accordée par les pouvoirs publics du pays d’exportation du produit concerné. Elle peut prendre la forme d’un transfert de fonds direct, d’une garantie de prêt, de recettes publiques exigibles non perçues ou encore de l’exécution par un organisme privé de plusieurs fonctions étant du ressort des pouvoirs publics.

Début 2023, un nouveau règlement est entré en vigueur. Il muscle l’arsenal législatif européen contre les subventions qui donneraient un avantage “indu” dans l’acquisition des entreprises européennes (notamment celles dont le chiffre d’affaires dépasse 500 millions d’euros dans l’UE) ou la participation à des marchés publics de l’Union européenne (en particulier ceux de plus de 250 millions d’euros). 

En outre, les investissements (IDE) de pays étrangers sont également “filtrés” par la Commission depuis octobre 2020 pour éviter les prises de contrôle, par des acteurs étrangers, d’entreprises européennes qui opèrent dans des domaines sensibles et stratégiques. 

Les mesures de sauvegarde

Un membre de l’OMC peut temporairement restreindre les importations d’un produit si son industrie nationale subit un grave préjudice ou en est menacée par une vague d’importations massives.

Ces mesures de sauvegarde constituent des exceptions au régime commun applicable aux importations. Elles peuvent prendre la forme d’un relèvement du taux de droit consolidé ou de restrictions quantitatives (avec des contingents répartis entre les principaux pays fournisseurs).

L’UE les applique si des importations, augmentant significativement et étant opérées sous certaines conditions, affectent l’industrie européenne. La procédure peut être engagée à la demande d’un Etat membre ou à l’initiative de la Commission européenne. Les mesures de sauvegarde provisoires peuvent durer jusqu’à 200 jours et les mesures définitives jusqu’à quatre ans. Lorsqu’elles dépassent trois ans, elles doivent être réexaminées à mi-parcours et peuvent être prolongées jusqu’à huit ans au total.

L’Union européenne prépare aussi un “instrument anticoercitif”, destiné à dissuader les Etats tiers qui seraient tentés d’exercer des pressions commerciales sur l’UE. Celles-ci peuvent prendre la forme de boycott organisés ou de taxes discriminatoires sur les produits européens. Des restrictions sur les marchés publics ou sur l’accès aux programmes européens de recherche sont par exemple prévues.

La défense commerciale en pratique

La réglementation antidumping est l’instrument de défense commerciale le plus utilisé dans l’Union européenne. A la fin de l’année 2021, il représentait 67 % du total des mesures de défense commerciale de l’UE (109 sur 163 mesures). Sur la période 2018-2022, la Chine a été le pays le plus visé par des enquêtes.

Si les mesures antidumping et antisubventions sont très proches dans leur fonctionnement, les secondes sont beaucoup moins appliquées que les premières tout simplement pour des raisons techniques : il est, en effet, très difficile pour une entreprise ou une association de démontrer l’existence même d’une subvention étrangère.

En partenariat avec les éditions Larcier, cet article est partiellement tiré du manuel Droit européen des affaires et politiques européennes, ouvrage collectif dirigé par Viviane de Beaufort.

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