“La grande majorité des sportifs européens évolue dans une certaine précarité”
Après plusieurs années pendant lesquelles la lutte contre le dopage était la priorité des autorités sportives, un nouveau fléau s’attaque aujourd’hui au sport et ses valeurs d’intégrité et de fair-play : la manipulation de rencontres sportives pour engranger des profits sur le marché des paris sportifs. Acheter des joueurs pour qu’ils lèvent le pied, payer des arbitres pour qu’ils ferment les yeux ou imaginent des fautes… les scandales se sont multipliés ces dernières années et aucun pays, aucune discipline sportive majeure n’ont été épargnés.
Ce think tank créé en 2007, réfléchit sur le rôle et la place du sport dans les sociétés européennes. Il publie une revue sur ces questions tous les trois mois.
Le développement considérable des paris sportifs ces dix dernières années offre aux organisations criminelles une opportunité de blanchir de l’argent et de s’enrichir dans une situation de relative impunité. L’essor d’Internet, la déterritorialisation des flux et l’instantanéité de l’information permettent à n’importe qui de parier des montants de plus en plus importants, à toute heure, sur toute discipline, sur tout niveau de compétition et dans le monde entier.
Aux facilités grandissantes de paris s’ajoute la vulnérabilité des structures sportives qui se trouvent désarmées face aux moyens démesurés des mafias transnationales. Mis à part quelques championnats de haut niveau et une poignée d’athlètes surpayés et qui s’accaparent l’attention des médias, la grande majorité des sportifs européens évolue dans une certaine précarité (faible salaires, contrats à durées déterminées, manque d’évolution) qui les rendent particulièrement vulnérables face aux propositions criminelles. Qui refuserait de perdre un match sans enjeu, contre l’équivalent de plusieurs mois de salaires, sachant que la probabilité d’être détecté est quasi-nulle ? Dans certains pays, l’extrême précarité du monde sportif se conjugue avec l’impunité de réseaux mafias surpuissants et de pratiques généralisées de la corruption à tous les étages de la société. La lutte contre la corruption sportive y est d’autant plus difficile.
Le sport professionnel est donc en danger. Personne n’a envie d’assister ou de sponsoriser une compétition émaillée de tels scandales. Face à ce danger de désintérêt général qui a déjà touché un certain nombre de championnats de football en Europe balkanique ou en Asie, les autorités publiques et sportives se sont mobilisées ces deux dernières années. La Commission européenne, le Conseil de l’Europe, le CIO, l’UEFA, la FIFA ou Interpol souhaitent désormais prendre les devants. Au niveau national, les Etats s’attachent de plus en plus à encadrer le marché des paris sportifs et criminaliser la corruption sportive.
A travers les analyses de professionnels et d’experts éminents de ces questions stratégiques pour l’image du sport et l’ordre public, ce numéro spécial de Sport et Citoyenneté propose de revenir sur les différents aspects de la régulation des paris sportifs et les enjeux qui entourent la lutte contre le trucage des résultats.