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Mario Sepi : ‘l’Europe ne doit pas oublier l’esprit de solidarité qui l’a fait naître”

Mario Sepi est président du Conseil économique et social européen (CESE). Alors qu’il participera le 17 avril prochain aux Etats généraux de l’Europe à Strasbourg, organisés autour du thème “L’Europe : un héritage, quelles responsabilités ?”, il revient pour Touteleurope.fr sur son appréciation de la Stratégie 2020 présentée par la Commission européenne, le rôle que peut jouer le CESE mais également les défis qui font fasse à l’Europe actuelle, 60 ans après la Déclaration Schuman.Â

Touteleurope.fr : En tant que président du Conseil économique et social européen (CESE) quelle a été votre réaction à la lecture de la proposition de la Commission européenne pour la Stratégie 2020 ?

Les Etats généraux de l’Europe



Venez échanger, écouter et proposer vos idées pour l’avenir du projet européen le samedi 17 avril 2010 à Strasbourg !

Les Etats Généraux de l’Europe (EGE) donnent rendez-vous aux citoyens européens : ils offrent un lieu de débat accessible au grand public sur l’Europe, ses enjeux et son avenir. Dans le contexte des 60 ans de la déclaration Schuman et des nouvelles mandatures de la Commission et du Parlement européen, les Etats Généraux de l’Europe III se dérouleront le samedi 17 avril 2010 à Strasbourg autour du thème : “L’Europe : un héritage, quelles responsabilités ?”.

Le pays invité d’honneur de ces troisièmes Etats Généraux sera l’Allemagne.

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Mario Sepi : Je dois dire que j’ai eu plusieurs réactions. Mais de manière générale, ce qui me préoccupe c’est qu’il n’y a pas de lien entre la situation d’urgence que nous traversons actuellement et les objectifs de politique économique très ambitieux fixés pour 2020.


Je ne voudrais pas que l’on revive la même situation que celle que nous avons vécue avec la Stratégie de Lisbonne. On a continué à théoriser la stratégie alors que sur le plan pratique cela a été un échec dans une grande partie des Etats membres. C’est pour cela que je pense qu’il faut lier la situation actuelle d’urgence et la Stratégie 2020.


Les statistiques démontrent tant la gravité que la ‘dramaticité’ de cette crise. Et il faut affronter cette crise avec l’optique de 2020. Cela signifie notamment que les amortisseurs sociaux doivent être prolongés pendant au moins cinq ans, et non seulement sur deux ou trois ans comme cela se fait généralement en Europe, et les transformer en structures de formation permanente.


En second lieu, il n’est plus possible que les banques accordent aux PME des crédits à des taux très élevés, alors qu’elles-mêmes empruntent gratuitement à la Banque centrale européenne. Il faut trouver la façon d’accorder de meilleurs prêts aux PME.


Troisièmement, il faut faire une réforme des garanties pour les pays de la zone euro afin d’éviter qu’elle ne se retrouve à nouveau face à une crise telle que celle qu’elle traverse aujourd’hui, avec la Grèce.


Voilà pour ce qui concerne la situation d’urgence. Après, sur le plus long terme, il y a un problème d’assainissement des finances publiques. Et là il faut changer complétement la méthode communautaire qui ne prévoit pas d’harmonisation fiscale entre les Etats, mais également les cibles de l’imposition qui ne doivent être ni les travailleurs ni les entreprises, parce qu’on risque de freiner la reprise, mais il faut miser sur les transactions internationales.


Ainsi on entrera dans la stratégie 2020 avec toutes les chances d’aboutir.



Touteleurope.fr : Quel rôle peut jouer le CESE dans la définition de la Stratégie 2020 ?


M.S. : Le rôle du CESE est consultatif, mais c’est une consultation renforcée. Toutes les institutions européennes doivent désormais, à chaque fois qu’elles proposent un acte législatif, demander l’opinion du CESE.


Nous avons donc une certaine influence. De plus le traité de Lisbonne est novateur en ce sens qu’il parle d’assistance, c’est-à-dire qu’il prévoit que le CESE assiste la Commission, le Parlement et le Conseil des ministres dans leur activité législative.


Nous pouvons donc faire des suggestions. Notre rôle est essentiellement de sensibiliser l’opinion publique d’une part et les institutions européennes d’autre part sur des problèmes concrets sur lesquels nous sommes directement impliqués par le biais de nos membres qui sont au sein des institutions nationales.


Nous avons également créé un réseau des comités économiques et sociaux nationaux afin d’avoir cette prise directe sur la réalité. Et de ce fait nous pouvons assister les institutions de manière efficace puisque nous pouvons leur faire connaître la situation réelle des Etats membres.



Touteleurope.fr : Pensez-vous qu’il faudrait ralentir le débat sur la Stratégie 2020, laisser plus de temps à la négociation ?


M.S. : Oui je pense qu’il faudrait un peu plus de temps pour négocier, mais surtout il faudrait plus de temps pour voir par quels moyens on peut atteindre les objectifs ambitieux qui ont été fixés !


Le problème de la crédibilité de l’euro n’est pas seulement celui de la Grèce ou de quelques pays endettés. Le problème c’est que l’Europe est incapable d’avoir une politique économique harmonisée. Pour cela il faudrait négocier quels sont les critères sur lesquels se basent une nouvelle coordination économique, au-delà des critères de Maastricht.


Touteleurope.fr : 2010 est l’Année européenne de lutte contre la pauvreté. Quelles sont les recommandations du CESE pour lutter plus efficacement contre la pauvreté et l’exclusion sociale en Europe ?


M.S. : Nous avons présenté plusieurs avis mais surtout nous faisons une grande conférence à Florence les 20, 21 et 22 mai sur l’éducation pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale.


Nous réunissons ainsi tous les leaders politiques européens, la présidence espagnole de l’UE, Herman Van Rompuy etc., pour les confronter aux personnes qui sur le terrain se battent contre la pauvreté.


Pour le CESE, l’éducation est le meilleur moyen de sortir de la pauvreté et de s’intégrer. Il faut partir de la formation qui donne la possibilité de donner aux citoyens les moyens d’être compétitifs sur le marché du travail.


Le Fonds social européen pourrait jouer un grand rôle s’il devient plus simple, moins bureaucratique. Malheureusement certains gouvernements s’opposent à la simplification des procédures mais à mon avis cela pourrait être l’outil central d’une stratégie de l’Europe de lutte contre la pauvreté.


Je crois qu’il faudrait aussi demander à la société civile, qui est un peu timide sur ces enjeux, de s’exprimer et de jouer un véritable rôle.


Touteleurope.fr : 60 ans après la Déclaration Schuman quels sont les défis de l’Europe d’aujourd’hui ?


M.S. : Après de nombreuses étapes de la construction européenne, et de nombreux traités, on a aujourd’hui des remises en cause des politiques intergouvernementales qui ne sont pas dans l’esprit de ce qui a été voulu par les Pères fondateurs.


Ce que je regrette le plus c’est qu’il manque cet enjeu moral, sentimental, qui a amené à la création de l’Europe. Aujourd’hui on parle surtout des questions économiques, mais pas dans un esprit de solidarité. Il manque la volonté de donner une mission à l’Europe.


Pour retrouver cet esprit il faut donner à l’Europe une mission nouvelle, qui n’est plus aujourd’hui celle de la paix, mais le problème de la globalisation. L’Europe doit agir dans la globalisation, soit dans ses politiques de solidarité internes, soit dans ses politiques de solidarité vis-à-vis de l’extérieur.


Si l’Europe repart de ses origines, qui cherchaient à créer une société plus solidaire, capable de trouver des solutions futures, tout en s’adaptant à la situation actuelle qui est très différente, elle pourra continuer à se construire politiquement.


Le message le plus fort que peut envoyer l’Europe est celui de la solidarité.


En savoir plus

Année européenne 2010 : halte à la pauvreté ! - Touteleurope.fr

La Stratégie Europe 2020 - Touteleurope.fr

Etats généraux de l’Europe

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