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Günter Verheugen : “La Commission a remis la stratégie de Lisbonne au cœur de ses priorités et a proposé de la recentrer sur la croissance et sur l’emploi”

Günter Verheugen est Vice-président de la Commission européenne, en charge des Entreprises et de l’Industrie.
Il seconde le Président José Manuel Barroso dans sa mission de suivi et de coordination de la stratégie de Lisbonne.

Quelles différences y a-t-il entre la stratégie de Lisbonne et le nouveau partenariat pour la croissance et pour l’emploi lancé en 2005 ?

La stratégie de Lisbonne a été lancée en mars 2000 par les chefs d’Etat et de gouvernement, réunis au sein du Conseil européen à Lisbonne. Leur objectif était de faire de l’Europe, d’ici à 2010, “l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale” . Quelques objectifs chiffrés ont été fixés, qui symbolisent bien l’importance et l’ambition de cette stratégie : il s’agissait atteindre d’ici 2010, en moyenne au niveau européen, un taux d’emploi de 70 % et une part de 3 % du PIB consacrée à la recherche-développement.

Néanmoins, dans les années qui ont suivi, cette stratégie s’est heurtée à plusieurs obstacles : contexte macroéconomique défavorable et manque de réformes structurelles de la part des Etats membres, mais également faiblesses importantes de sa gouvernance. Ces faiblesses étaient de deux ordres : d’abord, un manque de priorités (sur 2000-2004, plus de 102 objectifs chiffrés se sont ajoutés !), qui a abouti notamment à une multiplication des rapports annuels que devaient soumettre les Etats membres sur différentes politiques ; ensuite, une absence de distinction claire entre ce qui relevait des responsabilités nationales et communautaires, avec pour conséquence un manque d’appropriation politique de cette stratégie au niveau national. En clair, la stratégie de Lisbonne est restée totalement inconnue et personne ne la comprenait vraiment.

C’est pourquoi, à mi-parcours, en 2005, la Commission a repris l’initiative, avec le soutien conjoint du Conseil européen, du Parlement européen et des partenaires sociaux. Elle a remis la stratégie de Lisbonne au cœur de ses priorités et elle a proposé de recentrer cette stratégie sur la croissance et sur l’emploi, qui sont les grandes questions sociales d’aujourd’hui.

Nous savons tous en effet que les défis auxquels souhaite répondre cette stratégie sont plus que jamais d’actualité : croissance démographique faible, vieillissement de la population et mondialisation pèsent sur notre économie, dont l’écart de croissance et d’emploi avec les autres zones du monde ne se réduit pas suffisamment. Nos prévisions montrent ainsi que, du seul fait du vieillissement et en l’absence de réformes structurelles, la capacité de croissance de nos économies, que nous appelons la croissance potentielle, risque de passer de 2-2,25 % à environ 1,25 % d’ici à 2040. L’enjeu principal de cette stratégie telle que nous l’avons relancée en 2005 demeure donc d’augmenter la capacité structurelle de nos économies à créer en Europe davantage de croissance et d’emploi dans les décennies qui viennent.

Ce nouveau partenariat pour la croissance et pour l’emploi propose les mêmes lignes directrices pour les vingt-cinq Etats membres, qui sont loin connaître la même situation socio-économique. De quelle latitude les Etats disposent-ils pour les adapter à leur environnement ?

Cette question est essentielle. Nous avons en effet procédé en 2005 à une réforme majeure de la gouvernance de cette stratégie, qui a permis de créer les conditions d’une véritable coordination des politiques économiques au niveau européen. D’une part, parallèlement à l’élaboration d’un programme d’action au niveau communautaire, les Etats membres se sont engagés à adopter des programmes nationaux de réforme, dans lesquels ils définissent la manière dont ils comptent mettre en œuvre, pour leur part, les objectifs fixés en commun par le Conseil européen. D’autre part, il a été décidé de fonder clairement ce nouveau partenariat sur les instruments de coordination des politiques économiques et de l’emploi définis par le traité : les grandes orientations de politique économique (article 99) et les lignes directrices pour l’emploi (article 128). Celles-ci ont été mises en cohérence et réunies au sein des “lignes directrices intégrées pour la croissance et pour l’emploi” , adoptées pour trois ans (2005-2008) par le Conseil en juillet 2005.

Les Etats membres disposent donc désormais d’une base commune et cohérente pour coordonner leurs politiques économiques et de l’emploi. En même temps, ils restent responsables pour la définition de leur propre politique, en fonction de leur point de départ et des défis spécifiques auxquels ils doivent faire face. A titre d’exemple, l’ensemble des Etats membres ont indiqué lors du Conseil européen de printemps de cette année l’objectif qu’ils se fixaient pour 2010 en termes de % du PIB consacré à la R&D, et cet objectif diffère bien sûr : il va ainsi de 4 % pour la Finlande et la Suède (dont les taux sont aujourd’hui de 3,51 et 3,74 %) à 0,75 % pour Malte (dont le taux s’établit aujourd’hui à 0,27 %).

La Commission a publié un document répertoriant les actions communautaires qui doivent être menées dans le cadre de la stratégie pour la croissance et pour l’emploi. En quoi consistent ces actions ?

Ces actions sont de trois types : certaines reposent sur le budget communautaire, d’autres sont de type législatif et réglementaire, d’autres encore sont des documents d’orientations politiques ou de réflexion (dits “communication de la Commission”) destinés à faire connaître le point de vue de la Commission et à susciter une discussion avec les autres institutions communautaires. Les mesures sont concentrées autour de trois grands axes :

- faire que l’Europe soit plus attrayante pour l’investissement et l’emploi : avec un vrai marché intérieur, un environnement réglementaire favorable aux entreprises, en particulier aux PME - ce qui suppose notamment de simplifier la législation existante et de mieux légiférer pour l’avenir -, et des infrastructures de qualité ;

- faire de la connaissance et de l’innovation le moteur de la croissance : avec notamment un soutien à la recherche et à l’innovation par le budget communautaire, une révision des règles régissant les aides d’Etat de façon à favoriser la recherche et l’innovation, la création d’un institut européen de technologie, et un accent fort mis sur le développement des nouvelles technologies, notamment dans le domaine de l’information et de la communication,

- créer davantage d’emplois de meilleure qualité, ce qui au niveau communautaire passe par une meilleure anticipation et un accompagnement des changements structurels, comme devrait le permettre le fonds d’ajustement à la mondialisation.

Comment décririez-vous le rôle de la Commission européenne dans la mise en œuvre de ce nouveau partenariat ?

Pour ce qui relève du niveau communautaire, la Commission exerce son rôle fondamental qui est de prendre l’initiative, de donner l’impulsion politique, puis d’assurer la mise en œuvre des décisions européennes. En revanche, pour ce qui relève du niveau national, la Commission exerce plutôt un rôle de facilitateur et de partenaire attentif des Etats membres, de façon à les soutenir dans les réformes nécessaires pour répondre courageusement à nos défis communs.

Les Français manifestent un attachement fort à l’idée d’un “modèle social” européen. La stratégie pour la croissance et pour l’emploi est-elle à même de satisfaire leurs attentes ?

La modernisation du modèle social européen est un enjeu fondamental de notre stratégie. Pour améliorer la protection sociale et les conditions de vie de manière durable pour les générations actuelles et futures, nous savons qu’il nous faut d’abord et avant tout rendre nos économies davantage capables de créer de façon durable de la croissance et des emplois. C’est toute la raison de cette stratégie, et de sa relance décidée en 2005, en partenariat avec les Etats membres.

Propos recueillis le 28/07/06

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