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Réforme des retraites en Grèce : où en est-on ?

Le paysage actuel de la réforme des retraites en Grèce se caractérise par un effort de conciliation entre deux objectifs concurrents : la réforme vers un système des retraites et de sécurité sociale bénéfique aux citoyens et le cadre de la politique budgétaire déterminé par les créanciers ou autrement dit, celui de la politique d’austérité. La nécessité de réformer le système actuel des pensions est reconnue depuis longtemps par le gouvernement grec. En 2001, le ministre de Travail Tasos Giannitsis, membre du gouvernement du Premier ministre Costas Simitis, a lancé un de plus grands projets de réforme sur les retraites. Un chantier ambitieux qui n’a pourtant jamais vu le jour. Face au succès de la mobilisation des caisses de retraite contre cette réforme, d’une grève générale et de manifestations massives dans les grandes villes, Giannitsis a été contraint d’annoncer le gel de la réforme. Alors que le Premier ministre Alexis Tsipras a été réélu en septembre dernier, quelle est la place de la réforme des retraites dans la liste des réformes annoncées ?

Article écrit par Nefeli Lefkopoulou, collectrice des fonds et spécialiste d’analyse politique sur la plateforme Vouliwatch.

Ce que veulent les créanciers

Dans le cadre du deuxième mémorandum pour la Grèce, deux lois importantes ont été introduites. Cependant, elles se concentrent sur la diminution des dépenses des retraites sans représenter une réforme structurelle complète et sans revoir la structure organisationnelle du système. 
La plateforme Vouliwatch



Garantir plus de transparence et suivre de près le travail des députés grecs, c’est la mission de la plateforme Vouliwatch créée en 2014 par une jeune équipe.

Lire l’interview du fondateur et directeur Stefanos Loukopoulos

Lors d’une décision récente (2287-90/2015), l’autorité judiciaire compétente pour statuer sur la constitutionnalité des lois en Grèce, le Conseil d’Etat (Simvoulio tis Epikratias) a jugé inconstitutionnelles les coupes des retraites budgétaires imposées par le deuxième mémorandum en faisant appel à la violation du principe de proportionnalité et de dignité humaine de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Il est important de souligner que le troisième mémorandum, s’il prévoit explicitement une réduction des dépenses pour les retraites et fixe les objectifs chiffrés à atteindre, ne précise pas la méthode pour y parvenir. C’est-à-dire qu’il reste à la discrétion du gouvernement grec de trouver les moyens pour réformer le système et d’établir un projet adapté à la réalité institutionnelle grecque.

Idéalement et dans la lignée des dernières réformes mises en œuvre en Europe, les créanciers aimeraient voir les points suivants se réaliser :

  • L’abandon du régime des pré-retraites ;
  • Le report de l’âge de départ à la retraite à 67 ans ou 62 ans et 40 années de cotisations d’ici 2022 pour tous les types de travailleurs (à l’exception des mères d’enfants handicapés et des métiers à forte pénibilité) ;
  • L’introduction de lourdes pénalités en cas de départ anticipé à la retraite.

Ce que prévoit le gouvernement grec

La transition progressive vers le nouveau système

Une des priorités du gouvernement grec est de préserver les bénéficiaires des retraites qui ont voulu partir avant le 31 décembre 2012, et d’introduire progressivement de nouvelles mesures.

Ce souhait gouvernemental d’une transition relativement douce se reflète aussi dans le projet de loi voté mi-octobre, une loi fourre-tout contenant 22 articles, intitulée “Mesures pour l’application de l’accord sur les objectifs budgétaires et les réformes structurelles” . Cette loi porte sur des sujets aussi variés allant des retraites à la répression de la fraude fiscale, l’organisation des chemins de fer, la taxation de l’agriculture et les pharmacies. Selon l’article 1 du texte, le report de l’âge de départ à la retraite serait donc progressif pour ceux qui avaient établi leur droit de pension avant le 31 décembre 2012.

La simplification du système institutionnel des retraites

La fragmentation du système des retraites entre plusieurs organismes qui s’explique par un manque de gouvernance et de planification stratégique de long terme constitue une de plus grandes faiblesses structurelles du système grec. Les réformes se sont donc dirigées vers :

  • Une fusion fonctionnelle des organismes et des caisses des retraites ;
  • Une rationalisation des régimes spéciaux pour chaque profession ;
  • La prise en compte de la solidarité intergénérationnelle dans le nouveau mode de calcul des retraites.

Les dernières propositions

Parmi les dernières propositions du gouvernement, les principales prévisions se formulent de la manière suivante :

  • Une retraite ‘nationale’ (sous forme de retraite de base) autour des 390 euros ;
  • Une introduction de nouveaux coefficients et une révision des coefficients existants du calcul du montant des retraites ;
  • L’intégration des retraites complémentaires (en grec, connues sous le nom “epikourikes” dans la retraite principale.

Les obstacles pour réussir

Les coupes des retraites budgétaires successives contribuent à un appauvrissement encore plus profond de la population grecque, ce qui rend difficile à assumer le coût politique pour le gouvernement Syriza. Néanmoins, la difficulté n’est pas seulement de mettre en œuvre une réforme dans un cadre budgétaire de rigueur. Il s’agit surtout de prolonger les effets de celle-ci au-delà de la phase initiale de transformation. La réforme d’un système requiert en soi des efforts considérables. Mais c’est la phase qui suit la réforme qui est essentielle pour garantir son succès et son irréversibilité sur la durée.

La communication de la réforme est donc très importante pour assurer son appropriation à tous les niveaux. Et c’est exactement ce qui manque et qui bloque la restructuration profonde du système des retraites en Grèce. Au contraire, son absence ne fait que renforcer la légitimité des mobilisations. Un constat qui est évoqué d’ailleurs par le dernier avis du Comité des Sages.

L’avis d’un expert

Xenophon Contiades

Xenophon Contiades
est Professeur de Droit Public et de Droit de Sécurité Sociale à l’Université de Péloponnèse. Il est également Directeur du Centre pour le Droit Constitutionnel Européen et membre du Comité des Sages.

A l’initiative du gouvernement, un Comité des Sages a été crée pour formuler des propositions sur la réforme structurelle des retraites afin d’éviter une nouvelle décision du Conseil d’Etat jugeant à nouveau inconstitutionnelles les nouvelles coupes budgétaires.

Selon Xenophon Contiades, Professeur de Droit Public et de Droit de Sécurité Sociale à l’Université de Péloponnèse, “le système de la sécurité sociale en Grèce n’est pas viable. L’augmentation spectaculaire du taux de chômage au-dessus de 25%, le grand pourcentage des assurés qui décident de partir de manière anticipée à la retraite dans la crainte d’un resserrement des conditions de retraite pendant les six dernières années mais qui pourtant appartiennent à la catégorie de (relativement) jeunes assurés et la profonde récession de l’économie après 2008 ont rendu encore plus complexe la situation du système des retraites” , explique-t-il.

Pour le Directeur du Centre pour le Droit Constitutionnel Européen et membre du Comité des Sages, “le gouvernement actuel qui appartenait à l’opposition politique pendant les cinq derniers ans, a cultivé de faux espoirs. L’obstacle le plus sérieux à la réforme nécessaire reste que la société n’est pas prête à accepter cette réalité et que les élites politiques ne souhaitent pas assumer le coût politique de cette réforme” . Selon lui, “les menaces terroristes et les scénarios de conspiration en réponse à l’avis du Comité des Sages prouvent tous les deux les constatations précédentes” .

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