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Les agences de notation dans le viseur de la Commission

Après la brutale dégradation de la note du Portugal cette semaine, le ton monte du côté de la Commission européenne pour dénoncer l’attitude des agences de notation, accusées d’envenimer la situation d’Etats déjà en difficulté. D’abord Viviane Reding, vice-présidente de la Commission, puis Michel Barnier, Commissaire au Marché intérieur, ont réclamé des réformes pour réduire le poids de Standard & Poor’s, Fitch et Moody’s, les trois agences hégémoniques.

Le couperet de la notation

Mardi, le Portugal est passé de la catégorie “investissement” à la catégorie “spéculative” , selon les critères de Moody’s. En clair cela signifie que l’agence, en dégradant sa note de BAA1 à BA2, met sérieusement en doute la capacité du pays à honorer ses dettes. Une décision que le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a dit regretter, de même que les modalités d’attribution des notes ainsi que le timing choisi par Moody’s.

Ce n’est pas la première fois que les agences de notation sont sur la sellette. Au moment de la crise des subprimes, elles avaient été accusées de laxisme envers certains établissements financiers. De fait, nombre d’entre eux étaient les commanditaires de leurs propres évaluations, qui se faisaient dans une certaine opacité. Ainsi, aucune de ces agences n’avait su anticiper l’écroulement d’un système financier pourtant extrêmement fragilisé.

La liste des griefs ne cesse de s’allonger depuis le début de la crise de la dette en Europe. Irlande, Grèce, Portugal et maintenant Italie : de plus en plus de pays voient la dégradation de leur note tomber comme un couperet. Si les concernés se défendent d’alimenter la crise, force est de constater que la note est un facteur prépondérant dans le comportement des investisseurs, et que le climat d’angoisse qui règne sur les marchés encourage des réactions disproportionnées au moindre frémissement de Moody’s, S&P ou Fitch.

Plusieurs pistes ont été lancées, autant par des acteurs politiques qu’économiques, pour contrer le poids grandissant des agences de notation. Le cabinet de consultants allemand Roland Berger a entamé l’année dernière des discussions en vue de la création d’une agence européenne indépendante basée à Francfort. Une idée soutenue par le Parlement européen, qui a voté en juin une résolution en ce sens.

D’autre part, la décision de créer une autorité européenne des marchés financiers a été prise en 2009 pour superviser les agences présentes en Europe. Si elle permet une plus grande transparence, en les obligeant à s’enregistrer, l’AEMF ne permet manifestement pas de réduire l’influence des agences de notation. D’autres pistes sont désormais envisagées, comme le renforcement de la concurrence sur un marché objectivement dominé par trois entreprises anglo-saxonnes.

Vers une agence européenne indépendante ?

A ce sujet, la commissaire Viviane Reding s’est montrée on ne peut plus claire dans le quotidien allemand Die Welt : “je vois deux possibilités : ou les Etats du G20 décident de démanteler les trois agences. Les Etats-Unis seraient alors obligés de les transformer en six sociétés. Ou des concurrents européens et asiatiques sont créés” . La première option semble peu vraisemblable, mais la seconde est défendue par plusieurs responsables européens.

C’est le cas de Pervenche Bérès, auteur d’un rapport d’initiative sur les mesures à prendre face à la crise économique, sociale et financière. Un avis que partage Michel Barnier, Commissaire au Marché intérieur qui s’est exprimé en ce sens le mardi 11 juillet, à l’occasion de l’inauguration de l’AEMF à Paris. Identifiant trois défis posés à l’Europe (supervision, régulation, surveillance), il estime que la Commission doit faire “de son mieux pour soutenir directement ou indirectement l’émergence des nouveaux acteurs” , plaidant pour “la mise en réseau de plusieurs agences de taille petite ou moyenne” . Wolfgang Schäuble, ministre de l’Economie allemand défend une telle mise en concurrence afin de “briser l’oligopole” .

En Allemagne le projet commence à prendre forme : celle d’une fondation privée indépendante, financée par les investisseurs, à laquelle seraient associés des grands établissements financiers européens. La gauche du Parlement européen s’est au contraire prononcée pour la mise en place d’une agence publique.

Michel Barnier a formulé ce mardi plusieurs propositions pour durcir les règles qui s’appliquent aux agences de notation exerçant en Europe. A commencer par la possibilité d’interdire la notation des pays engagés dans un programme de redressement international, comme c’est le cas de la Grèce ou encore du Portugal. Pour certains, cela reviendrait à casse le thermomètre dès lors qu’il n’indique pas une température satisfaisante, argument réfuté par Michel Barnier : “quand un Etat est membre de l’Union européenne et bénéficie de la solidarité de ses membres, quand il suit un programme de soutien international, on ne peut pas en pas en tenir compte” .

Pour autant, il n’existe pas de solution magique au problème posé par les agences de notation. L’existence d’une agence européenne publique chargée de noter la dette des Etats risquerait par exemple de manquer de crédibilité sur les marchés, puisqu’elle serait en réalité contrôlée par les Vingt-Sept eux-mêmes. Or les opérateurs des marchés restent le gouvernail des économies européennes, malgré leurs erreurs successives qui ont plongé l’UE dans la crise.

Par ailleurs, la simple existence d’une agence supplémentaire n’implique pas nécessairement que ses avis soient pris en compte, surtout face à des concurrents tels que S&P, Fitch et Moody’s. Même privée, et donc lavée du soupçon d’une dépendance politique vis-à-vis des Etats, son ancrage européen n’entrainera pas automatiquement une plus grande bienveillance envers les pays de l’UE.

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