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Le FESF en 10 questions, par Jean-François Jamet

Le renforcement du Fonds européen de stabilité financière est au cœur des débats sur la crise de la zone euro. Ayant vocation à réduire la dette des Etats membres, notamment grecque, un FESF “élargi” verra finalement le jour suite au vote positif du Parlement slovaque jeudi 13 octobre. Quelles seront les nouvelles capacités du FESF ? En quoi cet instrument constituera-t-il une réelle force de frappe contre la crise ? Réponses avec Jean-François Jamet, maître de conférences à Sciences-po et porte-parole d’EuropaNova.

Jean-François Jamet est économiste, maître de conférence à Sciences-Po et porte-parole d’Europanova. Il est l’auteur de “L’Europe peut-elle se passer d’un gouvernement économique ?” , aux éditions de La Documentation française, coll. Réflexe Europe - Débats.

Touteleurope.eu : Comment fonctionne actuellement le Fonds européen de stabilité financière ?

Jean-François Jamet : Le FESF est une institution basée au Luxembourg, hébergée par la Banque européenne d’investissement. Sa fonction est de récupérer des fonds sur les marchés financiers avec la garantie des Etats membres, pour ensuite les prêter aux Etats membres qui connaissent des difficultés de financement. On pense actuellement à la Grèce, l’Irlande ou le Portugal en particulier.

Touteleurope.eu : Le FESF dispose-t-il de fonds propres ?

J.-F. J. : Ce fonds ne dispose pas à proprement parler de fonds propres, mais il est garanti à hauteur de 440 milliards d’euros de la part des Etats membres, qui sont des quasi-fonds propres. L’un des enjeux pour la suite est d’ailleurs de savoir si ces garanties peuvent être considérées comme des fonds propres : cela pourrait faciliter la transformation du FESF en institution de type bancaire, qui pourrait se refinancer auprès de la Banque centrale européenne.

Ces 440 milliards d’euros n’ont pas besoin d’être mis à disposition, ce sont des garanties : ils ne seraient versés par les Etats membres au FESF que si les Etats font faillite. C’est une possibilité, notamment dans le cas de la Grèce. Mais pour autant que ces pays ne fassent pas défaut, les garanties des Etats membres ne sont pas versées.

Touteleurope.eu : Qui prête au FESF ?

J.-F. J. : Il s’agit des différents acteurs des marchés financiers : on pense notamment aux assurances, aux banques, ou aux investisseurs institutionnels (les “zinzins”) comme les fonds de pensions…

Touteleurope.eu : Le FESF a-t-il la possibilité de prêter directement de l’argent aux Etats ?

J.-F. J. : Oui, aux Etats qui risquent d’être en faillite, et qui par conséquent n’ont pas accès aux marchés financiers à des taux raisonnables. Les investisseurs privés demanderaient aujourd’hui à la Grèce des taux considérables si elle souhaitait emprunter directement sur les marchés. C’est complètement inenvisageable : la dépense en taux d’intérêts grèverait rapidement son budget et l’amènerait plus rapidement encore à la faillite.

Pour éviter cela, il faut donc trouver un substitut : d’autres Etats apportent leurs garanties à l’Etat membre en question, les investisseurs sont alors sûrs de ne pas perdre leur mise lorsqu’ils prêtent au FESF dont les emprunts sont notés “AAA” .

Touteleurope.eu : Y a-t-il une différence entre les taux auxquels le FESF emprunte et ceux qu’il applique aux Etats emprunteurs ?

J.-F. J. : Oui. Il y a déjà eu des emprunts de la part du FESF sur les marchés financiers, avec des taux d’intérêt de 3% environ. Le taux auquel le fonds a ensuite prêté au Portugal et à l’Irlande est beaucoup plus élevé, autour de 6%. Cette prime de risque a été exigée par un certain nombre d’Etats membres, mais un des éléments de l’accord trouvé le 21 juillet dernier entre les Etats membres consiste à réduire cette prime pour mieux aider les Etats en difficulté.

Touteleurope.eu : Le fonds a-t-il permis à l’Irlande et au Portugal de rembourser leur dette ?

J.-F. J. : Pour le moment il ne s’agit pas, du point de vue du FESF, de rembourser la dette, mais plutôt de permettre aux Etats d’émettre de la dette nouvelle. L’Irlande et le Portugal ont encore des déficits très élevés. L’Irlande est revenue des plus de 30% de déficit en 2010, mais se situe encore au-dessus de 10%, et il faut financer ce déficit, ce que permettent les fonds prêtés par le FESF. L’objectif à long terme est bien sûr que ces pays réduisent leurs déficits et finissent par rembourser leurs dettes. Et c’est pour cela qu’il existe une conditionnalité à ces prêts.

Touteleurope.eu : Quelles nouvelles compétences aura ce fonds si le Parlement slovaque ratifie les accords du 21 juillet ?

J.-F. J. : La ratification de ces accords permettraient de prêter à des taux plus faibles aux pays en difficulté, donc de réduire la charge des taux d’intérêts sur leur dette.

De plus, elle permettrait au FESF de participer au refinancement des banques, au travers des fonds mis à disposition des Etats pour qu’eux-mêmes recapitalisent leurs banques, ce qui permettrait de protéger à nouveau le secteur bancaire d’une nouvelle crise.

Enfin, cela permettrait au FESF de prendre le relais de la Banque centrale européenne de deux façons. D’abord en rachetant la dette publique des Etats les plus en difficulté sur le marché secondaire, c’est-à-dire sur le marché de la dette d’occasion, déjà détenue par des investisseurs, pour permettre à ces investisseurs de quitter ce marché sans créer de panique financière. D’autre part, en accordant des lignes de crédit préventives pour des pays qui sont dans des situations moins dramatiques, et qui peuvent faire face à des attaques spéculatives donc des crises de liquidité. Il s’agirait alors de mettre à disposition de ces Etats des lignes de crédit pour vaincre la spéculation et éviter d’avoir une spirale à la hausse incontrôlable de leurs taux d’intérêts.

Touteleurope.eu : En quoi ce fonds est-il nécessaire au second plan d’aide à la Grèce ?

J.-F. J. : Le second plan d’aide à la Grèce va être financé par le FESF et le FMI. Pour le premier plan d’aide à la Grèce (à l’époque, le FESF n’existait pas et il a fallu un peu de temps pour le mettre en place) on a mis en place des prêts bilatéraux de chacun des Etats membres vers la Grèce. Il faut maintenant mettre à profit l’existence du FESF, qui va prendre le relais de ces prêts bilatéraux et va être utilisé pour la Grèce comme il l’a été pour l’Irlande et le Portugal.

Touteleurope.eu : Quel auraient été les conséquences d’un vote négatif du Parlement slovaque ?

J.-F. J. : L’impossibilité de mettre en place les évolutions que je viens de décrire aurait provoqué une nouvelle crise financière, dans la mesure où ces nouveaux pouvoirs sont essentiels pour rassurer les marchés sur la capacité pour des Etats comme la Grèce d’éviter le défaut à court-terme.

Puisque la Slovaquie a fini par voter ces accords, l’enjeu sera à plus long terme de voir si, grâce à ce temps supplémentaire donné aux pays comme la Grèce, l’Irlande ou le Portugal, ils seront capables de réduire leurs dettes et de parvenir à rassurer les marchés.

Depuis 2010, l’UE réagit au coup par coup aux craintes des marchés financiers : l’enjeu est maintenant de trouver une solution durable qui passe par la réduction de la dette des pays en difficulté.

Touteleurope.eu : D’autres évolutions du FESF sont actuellement en débat : sur quoi portent-elles ?

J.-F. J. : A court terme, la question qui se pose aujourd’hui est : comment faire pour que le FESF puisse mobiliser plus de 440 milliards d’euros ? L’enjeu est notamment de pouvoir fournir des liquidités plus importantes. Le FESF doit pouvoir prendre le relais de la BCE, qui assume aujourd’hui un rôle budgétaire qui n’est pas le sien.

Pour y parvenir, différentes solutions sont envisagées : la possibilité d’obtenir le statut de banque, qui lui permettrait d’obtenir des financements supplémentaires auprès de la BCE, ou bien que la BCE intervienne directement, mais avec la garantie du FESF.

A plus long terme, le FESF est destiné à cesser de faire de nouveaux prêts à partir de la mi-2013. Par conséquent, il ne gèrera plus à partir de ce moment-là que les prêts émis par le passé. Il sera remplacé par un mécanisme européen de stabilité (MES) qui aura deux caractéristiques principales : les décisions d’assistance financière aux Etats membres seront prises à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité, et ce mécanisme, qui pourra lui-même formuler des prêts, sera géré par la Commission directement, et non plus par cette institution ad hoc créée dans l’urgence.

En savoir plus

Infographie sur le Mécanisme européen de stabilisation - Touteleurope.eu

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