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“Un écrivain européen”
Après avoir coordonné la résistance communiste au régime de Franco, Jorge Semprún est exclu du PCE en 1964 et se consacre dès lors à l’écriture. Publié en 1963, Le Grand Voyage raconte pour la première fois son expérience des camps et connaît un grand succès.
En 1988, Jorge Semprún entre au gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez comme Ministre de la Culture, poste qu’il occupera pendant 3 ans. Il est membre de l’Académie Goncourt depuis 1996.
Depuis, Jorge Semprún a parcouru du chemin. “Une tombe au creux des nuages - Essais sur l’Europe d’hier et d’aujourd’hui” poursuit le travail réalisé au cours de ses précédents essais et romans, souvent tirés de sa propre expérience des camps, de la guerre civile espagnole et de son adhésion au parti communiste. Issu d’une famille catholique républicaine favorable au front populaire espagnol, Jorge Semprún découvre, comme étudiant surtout, le communisme. Il passe alors du temps à “essayer d’être communiste” puis autant, après la guerre, à “détruire en [lui] l’illusion du communisme” et “découvrir l’Europe comme possibilité des démocraties multinationales et supranationales” , tout comme l’Europe elle-même l’a fait progressivement… un parcours personnel dès lors profondément ancré dans le XXe siècle européen.
Peu après l’entrée de l’Espagne dans la Communauté européenne, Jorge Semprún se consacre à nouveau à la politique, comme Ministre de la culture sous le gouvernement socialiste de Felipe Gonzales (de 1988 à 1991). Une activité qui se révèle inconciliable avec le travail d’écrivain, bien qu’elle ait pu justement constituer une certaine forme de “thérapie” contre cet “échec de l’écriture” qui, en tant que mémoire du passé, l’obsède.
L’Allemagne, moteur de la raison démocratique européenne
Sur l’Europe elle-même donc, Jorge Semprún se dit “critique mais optimiste” , à la lumière de l’expérience espagnole : sortant d’une longue période de dictature franquiste, l’Espagne a eu besoin de l’Europe, et s’affiche aujourd’hui d’ailleurs comme un pays particulièrement pro-européen, reconnaissant envers l’aide européenne.
Espagnol, Jorge Semprún se sent aussi profondément Français. “J’ai deux patries, réellement” , assume l’auteur, ce qui a aussi ses avantages : “Lorsqu’il y a un match de foot France-Espagne, je gagne toujours !” . Plutôt qu’apatride, Jorge Semprún serait ainsi “surpatride” ! Ce qui passe en particulier par le sentiment d’être Européen.
Cependant, c’est à l’Allemagne que l’écrivain s’intéresse de près. Ce pays, qui a traversé à la fois le régime nazi et (pour une partie de son territoire) la dictature soviétique, constitue aujourd’hui pour l’écrivain l’un des meilleurs exemples de démocratie européenne. En ce sens (mais aussi parce que l’Allemagne a accompli un long travail de deuil), ses apports à la construction européenne sont énormes, puisque l’Europe d’après-guerre s’est construite contre un passé nazi et fasciste, mais aussi contre la réalité présente de la dictature soviétique.
Ironiquement c’est l’Angleterre qui, seule démocratie européenne ayant résisté à l’occupation pendant la seconde guerre mondiale, fait aujourd’hui preuve d’un euroscepticisme marquant.
“Une tombe au creux des nuages” est donc un recueil de plusieurs conférences prononcées par Jorge Semprún en Allemagne de 1986 à 2005, portant autant sur la mémoire des camps de concentration que sur la démocratie européenne, l’expérience communiste de l’Europe centrale et orientale, l’avenir de la gauche européenne ou encore le poids de la pensée juive au XXe siècle.
Une série d’essais qui porte surtout sur l’Europe d’hier parce que “L’Europe d’aujourd’hui dépend beaucoup de ce qu’on a réussi ou qu’on n’a pas réussi à faire hier” , mais qui surtout révèlent ce qui, pour Jorge Semprún, définit le mieux l’identité européenne : sa diversité.
En savoir plus :
Jorge Semprún : Une tombe au creux des nuages - Editions Climats
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