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Histoire et évolutions de la politique régionale

Les premiers traits de la politique régionale européenne que l’on connaît actuellement ont été esquissés dans les années 1970. Pourtant, au fondement même de la construction européenne, le traité de Rome (1957) avait déjà pour objectif d’harmoniser les économies du Vieux Continent, et notamment de réduire les écarts entre les régions.

Signature des traités de Rome
Signature des traités de Rome - Crédits : Commission européenne

Dès le traité de Rome (1957), les futurs Etats membres de la Communauté européenne ont pour objectif “de renforcer l’unité de leurs économies et d’en assurer le développement harmonieux en réduisant l’écart entre les différentes régions et le retard des moins favorisés”. Mais il n’existe pas à l’époque de politique régionale au niveau communautaire, à l’exception du Fonds social européen (FSE) qui soutenait l’emploi.

Essor et développements de la politique régionale européenne

Ce n’est qu’en 1968 qu’est instaurée au sein de la Commission européenne une direction générale (DG) chargée de définir la future politique régionale européenne.

Initialement, les divergences en termes de développement économique entre les régions des six pays fondateurs de la Communauté européenne sont relativement faibles. Le besoin d’une politique qui viserait à soutenir le rattrapage de régions moins développées ne se fait donc pas ressentir, d’autant plus que la cohésion territoriale relève alors uniquement de la politique intérieure. Seul le Fonds social européen est mis en œuvre. Il fournissait alors des allocations aux travailleurs des secteurs en restructuration qui cherchaient à se reconvertir ou encore un soutien à la mobilité des demandeurs d’emploi.

Cependant, le premier élargissement de 1973 et surtout la récession entraînée par le premier choc pétrolier en 1974 touchent les neuf pays de la Communauté économique européenne (CEE), qui entrent dans une crise durable. L’augmentation des inégalités de développement des régions au sein de la CEE conduit alors à la création du Fonds européen de développement économique régional (FEDER), chargé de redistribuer une partie du budget aux régions les moins riches. En 1986, l’Espagne et le Portugal adhèrent à leur tour, après la Grèce en 1981. Avec l’adhésion de ces pays, moins développés, l’écart entre les pays membres se creuse, et les déséquilibres entre les régions se font plus fort au sein de la CEE.

1988-1993

Afin d’atténuer ces effets négatifs, l’Acte unique européen (1986) fait de la cohésion économique et sociale une nouvelle compétence de la Communauté et en fixe les objectifs et les moyens. Parmi ces derniers, il retient avant tout une utilisation systématique des fonds structurels et prévoit, pour ce faire, une réforme de leurs règles de fonctionnement. En 1988, un règlement prévoit que la politique de cohésion repose sur différents principes, toujours valables aujourd’hui :

  • Les fonds européens sont concentrés sur des objectifs stratégiques et sur certaines régions moins développées ;
  • La planification, la mise en œuvre et le suivi des interventions sont effectués sur la base d’un partenariat entre la Commission, les Etats membres et les autorités régionales ;
  • Les interventions des fonds sont programmées à l’avance : chaque pays alloue un certain montant à un certain objectif ;
  • Les contributions communautaires et nationales doivent répondre au principe d’additionnalité, c’est-à-dire que les premières ne doivent pas se substituer aux secondes mais au contraire, engendrer de nouvelles dépenses.

Ce règlement fixe également pour la première fois les objectifs prioritaires de la politique de cohésion de la Communauté :

  • Objectif 1 : promouvoir le développement et l’ajustement structurel des régions en retard de développement ;
  • Objectif 2 : aider à la reconversion des régions sérieusement affectées par le déclin industriel ;
  • Objectif 3 : lutter contre le chômage de longue durée ;
  • Objectif 4 : faciliter l’intégration professionnelle des jeunes ;
  • Objectif 5 : (a) accélérer l’ajustement des structures agricoles et (b) promouvoir le développement des zones rurales.

Les régions répondant à au moins un de ces objectifs peuvent bénéficier d’aides au titre de cette politique. Un règlement d’application définit le contenu des plans de développement régional spécifiques (pour les objectifs 1, 2 et 5b) ou des “plans nationaux” (pour les objectifs 3 et 4) qui doivent être présentés par les Etats membres et les projets majeurs exigeant des décisions de la Commission. Des règles communes prévoient des dispositions pour le suivi, l’évaluation, la transparence et la publicité accompagnant les interventions.

Une allocation financière importante accompagne cette nouvelle réglementation. Au cours de l’année 1988, le Conseil européen donne son accord de principe à un train de mesures économiques appelé “Paquet Delors I” (réforme qui introduit pour la première fois la notion de perspectives financières) qui prévoit un doublement de la dotation des fonds structurels pour les cinq années à venir. Sur la période 1988-1993, les principaux pays bénéficiaires sont l’Espagne (14,2 milliards d’euros), l’Italie (11,4 milliards d’euros), le Portugal (9,2 milliards d’euros) et la Grèce (8,2 milliards d’euros).

1994-1999

En 1992, le traité de Maastricht introduit d’importantes modifications dans le domaine de la politique régionale. Un nouvel instrument, le Fonds de cohésion, qui vise initialement à financer les infrastructures de transports dans les quatre pays alors les plus pauvres de l’UE (Espagne, Portugal, Irlande et Grèce), est mis en place, ainsi qu’une nouvelle institution qui représente les collectivités locales des Etats membres : le Comité européen des régions. Ce traité introduit également le principe de subsidiarité. Pour la période 1994-1999, une enveloppe de 168 milliards d’euros est allouée aux fonds structurels, soit un tiers du budget communautaire. Ces derniers voient ainsi leurs ressources annuelles doubler.

Le 20 juillet 1993, sont adoptés les règlements encadrant la nouvelle politique de cohésion. Ces nouveaux règlements viennent confirmer les principes clés de la politique - la concentration, la programmation, l’additionnalité et le partenariat -, les cinq objectifs existants restant plus ou moins inchangés. Certaines dispositions sont renforcées, parmi lesquelles la participation d’autres institutions de l’UE, en particulier le Parlement européen. Le 1er janvier 1995, lors de l’adhésion de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède, un règlement d’amendement instaure un sixième objectif en faveur des régions à très faible densité de population de Finlande et de Suède, ainsi qu’une enveloppe financière pour les trois nouveaux Etats membres.

Cette période connaît également une série de développements majeurs, avec notamment la publication en novembre 1996 du premier rapport sur la cohésion économique et sociale, qui fait le point sur les disparités économiques et sociales de l’Union à l’échelon régional et évalue l’impact des politiques nationales et communautaires sur l’évolution de ces écarts. La signature du traité d’Amsterdam, en octobre 1997, inscrit le principe de la stratégie européenne pour l’emploi, afin de mettre en place une coordination plus étroite des politiques nationales dans le domaine de l’emploi, domaine visé également par plusieurs objectifs de la politique de cohésion.

2000-2006

Dans les années 2000, l’Union européenne se retrouve confrontée à deux défis importants : simplifier l’élaboration et les procédures de sa politique de cohésion et se préparer à accueillir dix nouveaux Etats membres. Un élargissement qui s’accompagne d’un accroissement de 20 % de la population de l’UE, mais de seulement 5 % du PIB, ce qui accentue fortement la disparité entre les régions européennes. En effet, les élargissements de 2004 et 2007 creusent encore les écarts en termes de revenus et d’emploi, puisque le PIB moyen par habitant de ces nouveaux Etats membres issus de l’ancien bloc communiste est inférieur à la moitié du PIB moyen de l’UE. Par ailleurs, seulement 56 % de la population de ces pays dispose d’un emploi, contre 64 % dans l’Union à 15. La quasi-totalité du territoire de ces nouveaux Etats membres est ainsi couverte par l’objectif 1 (régions en retard de développement) et, à ce titre, éligible au niveau le plus élevé de soutien prévu par les fonds structurels.

Dans cette perspective, la Commission présente en 1997 son “Agenda 2000” qui correspond au cadre financier 2000-2006. En juin 1998, la Commission propose une série de règlements relatifs aux fonds structurels ainsi qu’aux instruments de préadhésion, qui seront adoptés par le Conseil et par le Parlement européen entre mai et juillet 1999. Ce dernier est associé pour la première fois à l’adoption des règlements relatifs au FEDER et au FSE, par le biais de la nouvelle procédure de codécision. Finalement, 213 milliards d’euros seront alloués à la politique de cohésion pour les 15 Etats déjà membres et une enveloppe de 22 milliards sera réservée aux nouveaux Etats membres.

Les priorités de l’Union européenne deviennent la croissance, l’emploi et l’innovation. En conséquence, la réforme de 1999 conserve uniquement trois objectifs :

  • Objectif 1 : promouvoir le développement et l’ajustement structurel des régions en retard de développement ;
  • Objectif 2 : soutenir la reconversion économique et sociale des régions confrontées à des difficultés structurelles ;
  • Objectif 3 : soutenir l’adaptation et la modernisation des politiques et ses systèmes d’éducation, de formation et d’emploi.

A l’issue de cette période de financement, la Commission européenne affirme que 570 000 emplois supplémentaires ont été créés dans les régions en retard de développement, dont 160 000 dans les nouveaux Etats membres.

2007-2013

Entre 2007 et 2013, 347 milliards d’euros issus du budget communautaire sont alloués à la politique de cohésion - le plus haut montant alloué à cette politique - dont 25 % pour la recherche et l’innovation, et 30 % pour les infrastructures environnementales et les mesures de lutte contre le changement climatique. Parmi les objectifs principaux de la nouvelle programmation figurent en effet la croissance, l’innovation et l’emploi dans l’ensemble des régions.

Après l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007, l’Union européenne compte 27 Etats membres et 271 régions (d’après la classification statistique NUTS 2 effectuée par Eurostat, qui sert de cadre de référence pour les politiques régionales), dont les niveaux de développement restent très inégaux. En outre, à partir de 2008, différentes dispositions sont prises par l’exécutif européen à la suite de la crise économique et financière. Le versement des financements est ainsi accéléré, notamment pour les pays qui bénéficient d’une “assistance macroéconomique spéciale” . Par ailleurs, ces Etats peuvent également compter sur une augmentation des taux de cofinancement, tandis que les procédures sont simplifiées grâce à une modification des règlements afin d’offrir plus de flexibilité.

La crise économique et les politiques d’austérité freinent en revanche les investissements publics, avec un impact limité par la politique de cohésion. “Dans l’ensemble de l’Union européenne, l’investissement public a diminué de 20 % en termes réels entre 2008 et 2013″ , note la Commission européenne dans son Sixième rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale (juillet 2014).

Mais elle ajoute que “sans la politique de cohésion, les investissements dans les Etats membres les plus touchés par la crise auraient connu une baisse supplémentaire de 50 %” . Ainsi, le FEDER aurait permis de créer près de 600 000 emplois entre 2007 et 2012. Sur la même période, 65 102 projets ont été soutenus par le FSE. Selon les estimations de la Commission européenne, 1,3 million d’emplois ont été créés grâce à la politique de cohésion, entre 2007 et 2015.

2014-2020

Pour la période 2014-2020, l’Union européenne consacre environ 352 milliards d’euros à sa politique de cohésion, soit près d’un tiers de son budget total. L’objectif pendant ces sept années est de “maximiser l’impact potentiel des fonds disponibles” en améliorant les synergies entre les différents fonds et avec les programmes européens, selon la Commission européenne. Depuis le départ du Royaume-Uni au 1er février 2020, l’UE ne compte plus que 242 régions (selon les données d’Eurostat).

Pour cette période, les financements visent un nombre réduit de domaines. Afin d’améliorer l’utilisation des fonds, la politique de cohésion met l’accent sur l’évaluation des projets. Le choix des projets financés est mené en fonction des objectifs à tenir et des résultats escomptés. Par ailleurs, une simplification de l’accès aux fonds et une harmonisation des règles qui les encadrent a été effectuée.

En 2013, la France fait le choix de décentraliser une partie de la gestion des fonds européens. Les Conseils régionaux deviennent “autorités de gestion” du FEDER et d’une partie du FSE notamment.

2021-2027

Pour la période 2021-2027, les 27 ont porté le budget consacré à la politique de cohésion à 392 milliards d’euros. Une somme répartie entre des investissements pour l’emploi et la croissance (FEDER, Fonds de cohésion… pour 369 milliards d’euros), la coopération territoriale européenne (Interreg, à hauteur de 9 milliards d’euros) et les instruments de l’UE et les assistances techniques gérées par la Commission européenne (2,5 milliards d’euros).

Le vote du budget 2021-2027 a été marqué par la création d’un plan de relance européen, destiné à soutenir les économies de l’UE après la pandémie de Covid-19 : les Régions ont obtenu des financements supplémentaires, afin d’investir dans les transitions écologique et numérique ou encore dans la santé. Une attention particulière doit être portée à l’investissement pour la croissance et l’emploi dans les régions les moins développées de l’Union, à travers notamment le Fonds de cohésion. Un Fonds de transition juste (FTJ) a été également créé pour soutenir les territoires confrontés à des difficultés dans la transition écologique.

Des données détaillées sur la répartition des fonds entre les différents programmes, ainsi qu’entre les Etats membres, sont disponibles sur le portail de données de la politique de cohésion de la Commission européenne.

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