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Football : les Européens rejettent en bloc le projet de Super Ligue

Annoncée dimanche 18 avril, la création d’une Super Ligue européenne réunissant pour l’instant douze grands clubs de football a suscité de nombreuses critiques de la part de la classe politique du Vieux Continent, y compris au sein des institutions de l’Union. Sur les plans économique et juridique, le sujet soulève d’importantes interrogations.

En tant qu'initiateur du projet de Super Ligue, le club espagnol du Real Madrid, vainqueur de la Ligue des champions en 2018, serait exclu de la compétition s'il participait à ce nouveau championnat fermé
En tant qu’initiateur du projet de Super Ligue, le club espagnol du Real Madrid, vainqueur de la Ligue des champions en 2018, serait exclu de la compétition s’il participait à ce nouveau championnat - Crédits : Антон Зайцев / Wikimedia commons CC BY-SA 3.0

C’est un serpent de mer qui a pris une forme beaucoup plus concrète dimanche en fin de journée, lorsqu’un communiqué a officialisé la création de la Super Ligue européenne”, écrit le quotidien sportif L’Equipe. Ce texte indique que “douze des clubs européens les plus importants annoncent avoir conclu un accord pour la création d’une nouvelle compétition”. Une compétition “concurrente directe à la Ligue des champions” [Ouest-France], la plus prestigieuse des coupes d’Europe, et qui réunirait six clubs anglais, trois italiens et trois espagnols.

L’élite du foot européen fait sécession. Un acte de séparatisme vivement critiqué mais qui suscite autant la défiance que la convoitise”, commente Hervé Gardette sur les ondes de France Culture. “Pour les supporteurs, avec cette ligue, l’esprit du foot ‘est mort’ car le championnat ne profitera qu’aux clubs fondateurs”, écrit Libération. “Outre-Manche, sur les terres de naissance du football, […] presse, anciens joueurs et même Premier ministre crient à la trahison des valeurs du sport”, liste de son côté Courrier International. Boris Johnson a en effet dénoncé un projet “très préjudiciable” pour le football [The Independent].

Même son de cloche sur le reste du continent. Le Président français Emmanuel Macron a salué “la position des clubs français”, et notamment celle du Paris Saint-Germain, “de refuser de participer à un projet de Super Ligue européenne de football menaçant le principe de solidarité et le mérite sportif” [L’Equipe]. “Des communistes […] au leader d’extrême droite Matteo Salvini […] jusqu’au Mouvement Cinq Etoiles”, le projet est également “unanimement rejeté” par la classe politique italienne, indique Libération. Un rejet partagé par le commissaire européen à l’Economie Paolo Gentiloni ou son homologue grec Margaritis Schinas, en charge de la Promotion du mode de vie européen, pour qui la Super Ligue “est contraire aux valeurs européennes de ‘diversité’ et d’‘inclusion’ ” [Le Parisien]. Dans un entretien pour la presse italienne, ce dernier a toutefois ajouté ce mardi “que la Commission européenne n’était pas compétente pour bloquer” le projet [RMC Sport].

Uniquement “une histoire de gros sous” ?

Seulement voilà, le problème, c’est que la Super Ligue est très alléchante. Du très haut niveau, et donc la promesse de matches de grande intensité”, tempère Hervé Gardette dans sa chronique. “Avec pour l’instant 12 clubs concernés, mais a priori 20 chaque année (15 membres fixes, et 5 invités), la Super Ligue serait bien plus rentable que la Ligue des champions actuelle “, précise l’économiste du sport à l’université de Lille, Mickaël Terrien [France tv sport].

La firme JP Morgan a déjà fait part de son intérêt pour assurer des profits colossaux aux participants. “Ainsi, un pactole de 3,5 milliards d’euros sera distribué aux quinze clubs fondateurs, le tout financé par la banque américaine”, indique Europe 1. Le moment choisi pour l’annonce peut également paraître surprenant, alors que les stades sont vides en raison de la pandémie et que l’économie mondiale vacille. Mais c’est justement cet argument qu’ont fait valoir les dirigeants des équipes participantes, affirmant que “les grands clubs sont affectés financièrement par les effets de la pandémie de Covid-19″ [Le Monde].

Les factieux assurent que leur initiative profitera à l’ensemble du secteur selon le fameux principe du ruissellement, ce qui ne manque pas de cynisme étant entendu qu’il s’agit avant tout d’une affaire de gros sous”, poursuit Hervé Gardette.  “Il est clair que cela va accentuer les déséquilibres financiers”, déclare Christophe Lepetit, économiste au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges [Libération]. Pour lui, l’élite qui participe à cette nouvelle compétition se retrouverait “en position de force sur le marché du travail” et pourrait “potentiellement encore davantage attirer les meilleurs joueurs en leur offrant des conditions salariales toujours plus importantes”, détaille-t-il.

L’incertitude juridique plane

Depuis dimanche, les paris vont bon train : la Super Ligue verra-t-elle vraiment le jour ?”, s’interroge Mickaël Terrien [France tv Sport]. Pour ce dernier, il s’agit avant tout d’un moyen de pousser l’Union des associations européennes de football (UEFA) à “réformer encore plus la Ligue des champions”, au moment où l’instance du football européen vient de présenter une nouvelle mouture de la compétition. Un avis que partage son homologue Pierre Rondeau. “Je pense que c’est uniquement un coup de pression et que ça ne se fera pas”, analyse le directeur de l’observatoire du sport de la fondation Jean Jaurès [France info].

D’autant plus que “si la dislocation va à son terme, par exemple dès la saison prochaine, ces footballeurs-là risquent […] de figurer au beau milieu d’une bataille juridique”, fait savoir Le Monde. L’UEFA a en effet mis en garde les équipes et les joueurs qui participeraient à la Super Ligue. Si les douze clubs dissidents ne pourraient naturellement plus participer à la Ligue des Champions, ils “n’auraient pas non plus le droit de concourir dans leurs championnats nationaux” et les joueurs “pourraient se voir refuser la possibilité de représenter leur équipe nationale”, précise l’instance européenne du ballon rond [Le Monde].

Une incertitude juridique plane cependant sur ces décisions car “l’exclusion de clubs ou de joueurs serait ‘attaquable’ en justice”. “Les traités européens défendent la libre circulation et acceptent l’idée d’une mise en concurrence des compétitions sportives”, explique Pierre Rondeau dans les colonnes du quotidien. “Les fédérations sportives ne sont pas au-dessus des lois. Et le football européen l’a appris à ses dépens en 1995 à l’occasion du fameux arrêt Bosman”, rappellent Les Echos.

Cette année-là, la Cour de justice des Communautés européennes avait désavoué l’UEFA en supprimant les clauses de nationalité dans les clubs, qui limitaient le nombre de joueurs européens dans chaque équipe. Plus récemment, une “jurisprudence [de la Cour de justice de l’UE] a fait grand bruit dans le monde du patinage de vitesse” en décembre 2020. Celle-ci a donné raison à deux patineurs “menacés [par l’Union internationale de patinage] d’exclusion pour avoir voulu prendre part à une compétition organisée par une tierce société” [Le Monde].

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